15

Ils avaient marché dans cette forêt pendant plus de deux heures avant que Severus ne puisse faire un pas de plus. Il se stoppa net, Harry manquant de peu de lui rentrer dedans. Les yeux perdus dans le vague, l'homme s'appuya sur un arbre, manquant de peu de le rater et de s'effondrer. Puis se laissa glisser au sol dans une position mi-assise mi-couchée sur son côté gauche, le souffle court. L'enfant paniqua soudainement et se mit accroupi à côté de lui, lui parlant, s'inquiétant. Mais l'homme ne parvenait pas à entendre ses paroles, ou du moins, elles ne faisaient pas sens dans son esprit.

Le soleil était désormais haut dans le ciel, et malgré le froid du sous-bois, il lui semblait que ses rayons lui tapaient durement sur la tête, le faisant bouillir de l'intérieur. Severus n'était pas bien. Et il n'était plus vraiment sûr de parvenir à atteindre Poudlard désormais, d'autant plus qu'il ne pouvait pas transplaner car, étant trop faible, cela pouvait s'avérer dangereux. Trop faible... Severus détestait plus que tout être faible. Mais à présent, avec ses deux nuits blanches, sa fièvre, et ses blessures qui s'étaient sûrement infecté, il était plus que faible.

Et ce qui lui faisait le plus peur était de laisser l'enfant tout seul ou cas où il...

Non, il ne se résignerait pas aussi vite ! Après tout, il n'avait pas survécu aux tortures du lord noir et des aurores, ou encore à ses mois de détention passée à Azkaban pour mourir dans les fins fond d'une forêt inconnue et à cause de quelques blessures minime. Mais étaient-elles vraiment minimes ? Certaine l'était, mais celle de son dos avait presque mis les os à nu.

-Severus ?

La voix de l'enfant lui parvint finalement, et il regarda le petit en face de lui, les yeux brillants mais refusant de laisser couler ses larmes.

-Ne t'inquiète pas Harry... J'ai juste besoin... D'une petite pause...

-Tu es fatigué ?

-Un peu...

-Alors tu dois dormir !

-On doit avancer...

L'enfant, qui ne l'écoutait déjà plus, enleva son écharpe et la posa sur les genoux de Severus qui le regardait avec des yeux mis clos dans lesquels se reflétait la perplexité.

-Pour te tenir chaud pendant que tu dors... Expliqua l'enfant.

L'homme ne put s'empêcher de sourire à cette petite attention envers lui. Il ne connaissait cet enfant que depuis deux jours, et en plus de cela, il était le fils de celui qui avait rendu ses années d'écoles un véritable enfer. Pourtant, cet enfant était le seul qui, dans toute sa longue vie d'adulte, avait réussi à atteindre son cœur froid et mort. Et cela, Severus ne se l'expliquait pas... Lui qui avait toujours veillé à mettre le plus de distance possible entre lui et les autres...

-Je ne peux pas encore dormir Harry, on doit d'abord trouver un endroit sûr...

-Mais tu arrives pas à avancer ! Tu dois dormir !

-Sale mioche... Murmura l'homme dans un souffle.

Severus remarqua aussitôt l'expression de l'enfant qui sembla se renfrogner quelque peu, et il s'en voulut. Il n'avait pas eu l'intention de blesser l'enfant. Encore une fois, il faisait le mal autour de lui...

-Écoute moi Harry, je ne vais pas dormir parce qu'on doit surveiller les alentours. Mais on va rester ici quelques minutes. Et je te promets que dès que cela sera possible, je me reposerai.

L'expression de l'enfant ne changea pas, mais cette foi, il tourna son regard vers l'homme en face de lui.

-On va faire quoi alors ? Juste attendre ici ?

-Pour l'instant oui. Et je vais aussi demander de l'aide...

-Mais à qui ? Et comment ?

Les yeux de l'enfant brillaient de curiosité comme jamais auparavant tandis que Severus tirait de nouveau sa baguette de sa manche, la tenant fermement malgré les tremblements compulsifs de sa main.

-Regarde.

Harry qui fixait le morceau de bois avec émerveillement n'entendit pas la formule prononcée par le maître des potions, se contentant d'observer le halo argenté s'échapper du bout de la baguette. La forme argentée prit consistance, son contour se définissant plus nettement pour finalement former une magnifique biche argentée qui le fixait avec attention. Harry regardait cette apparition avec stupeur et admiration incapable de dire quoi que ce soit tant il était subjugué par ce nouveau tour. Il avait déjà vu Severus faire de la magie, mais avant cela avait été juste des flashs de lumière et de couleurs. Cette fois s'était différent, c'était de la magie pure, de la belle magie, rassurante et douce qui le réconfortait.

L'enfant n'entendit pas non plus les paroles que Severus prononça à son patronus, continuant de fixer l'apparition tandis qu'elle s'éloignait, disparaissant dans la forêt. Le sentiment de bien être dont il n'avait pas ressenti la présence s'évanouit quelque peu.

-C'était si beau... Souffla Harry d'une petite voix.

Il se retourna finalement vers Severus, les yeux incertains.

-Alors toi aussi tu es vraiment un anormal ?

La question ne surprit pas Severus. Harry avait déjà employé ce mot à de nombreuses reprises, et il savait très bien ce que cela impliquait, et il se doutait tout aussi bien d'où l'enfant aurait entendu ce mot si terrible à ses yeux d'enfant.

-Si alors être un anormal c'est être capable de créer de si jolies choses, alors oui, je suis un anormal comme toi Harry.

Les yeux de l'enfant se remplir de larmes.

-Mais ce n'est pas un mal d'être anormal Harry, crois-moi. Bien au contraire. Tu es différent, et c'est ta différence qui fait que tu es spécial aux yeux du monde.

-Je ne suis pas spécial...

-Si Harry, tu es spécial et bien plus que tu ne pourrais l'imaginer. Et bientôt tu t'en rendras compte je te le promets. Tu es un petit garçon magnifique avec un cœur incroyable Harry. Et rien que cela ça fait de toi quelqu'un d'unique et qui mérite d'être aimé en retour...

Harry pleurait maintenant. Et pendant un court instant, Severus se demanda s'il n'avait pas encore blessé l'enfant de manière accidentelle. Il se redressa, espérant se rapprocher de l'enfant pour l'excuser de sa maladresse mais fut coupé dans son élan par l'immense sourire qui se dessina sur le visage de l'enfant, plus vraiment sûr de savoir ce qu'il devait penser de tout cela. Que se passait-il ? L'enfant pleurait mais pourtant il souriait également ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Severus était perdu et frustré de ne pas comprendre.

-Merci... Souffla Harry. C'est la première fois qu'on me dit quelque chose d'aussi gentil.

Et l'évidence frappa le professeur. Harry pleurait, oui, mais il pleurait de joie à la suite de ses paroles. Cela lui fit un choc. Le maître des potions, la chauve-souris des cachots, le bâtard graisseux, reconnu par tous comme étant un meurtrier sans cœur et incapable de ressentir le moindre sentiment, avait rendu un enfant heureux... C'était tout simplement impensable... D'un petit mouvement, Harry vint s'appuyer contre l'arbre, juste à côté du maître des potions, peut être même un peu trop près mais Severus, s'il le vit, ne dit rien, profitant de la découverte de cette face cachée de lui-même qui lui était totalement inconnu avec cependant une pointe d'incompréhension et de culpabilité qui lui serrait le cœur.

Le temps passa assez rapidement, le soleil commença sa longue descente dans le ciel, mais aucun des deux ne pensa à bouger ou à reprendre leur marche. Severus savait qu'ils auraient dû, mais il n'en avait pas la force. Et ne voulant pas effrayer l'enfant s'il venait à s'écrouler une nouvelle fois, il préférait rester ici jusqu'à ce que Dumbledore leur envoie de l'aide. Sa fièvre refusait de baisser, ses yeux se fermaient d'eux même et ses muscles le faisaient tant souffrir que le moindre geste était une torture. La seule chose dont il devait faire attention était de ne pas s'endormir, chose difficile à tenir mais il le devait plus que tout, et de continuer à surveiller les alentours afin de prévenir d'une présence indésirable à leurs côtés.

Harry et Severus n'échangèrent pas beaucoup de mot, l'un guettant tout en essayant de ne pas sombrer dans l'inconscience tandis que l'autre était encore subjugué par la beauté de la biche et grogi de bonheur par les mots qu'il avait entendu à son égard. Tous deux finirent les maigres portions de nourriture qu'ils avaient pu garder, Severus se disant qu'il devrait trouver un abri pour ce soir.

Il devait être pas loin de quatre heures de l'après-midi quand les choses se décidèrent enfin à bouger. Alors que Severus se sentait de nouveau partir dans une semi-inconscience, il vit la forme s'approcher d'eux en planant. Une forme argentée et ailée qui s'approchait d'eux avec grâce et élégance. L'oiseau planait en laissant derrière lui une traînée argentée. Suivant le regard du monsieur qui s'était redressé dans une position plus assise, Harry aussi pu voir l'oiseau, et ses yeux se remirent à briller tout comme lorsqu'il avait vu la biche du monsieur.

-C'est aussi un animal magique ! S'exclama-t-il avec joie.

Severus lui sourit sans rien dire, se contentant d'observer le patronus de phénix finir de parcourir les quelques mètres qui les séparaient, pour ensuite se poser juste devant lui, toujours aussi fière et droit, la tête bien haute. Il ne s'écoula pas deux secondes que déjà, le patronus du directeur commença à délivrer son message sous les yeux brillants d'un enfant émerveillé, et la mine de plus en plus sombre de l'homme qui l'accompagnait.

-Severus, commença-t-il à dire avec la voix du directeur, je suis extrêmement ravi d'apprendre que tu as retrouvé Harry sain et sauf et qu'il est en ce moment même à tes côtés. J'espère te voir très rapidement avec l'enfant en bonne santé aux portes de Poudlard. Je suis tout de même aux regrets de t'annoncer que je ne peux malheureusement pas t'envoyer d'aide pour achever ta mission. Le ministère, comme tu le sais parfaitement bien, a posé de nombreuses surveillances sur toi afin que, dès qu'ils en ai l'occasion, ils puissent t'attraper de nouveau. Il serait donc dangereux que je t'envoie de l'aide car le ministère remarquerait immédiatement qu'il se trame quelque chose autour de toi et enverrait aussitôt les aurores sur ta piste et celle d'Harry, ce qui, tu le sais, pourrait le mettre en grand danger. J'ai bien peur que tu ne sois tout seul cette fois...

Et sans un mot de plus, le patronus s'estompa en une volute de fumée argentée qui finit, elle aussi, par se dissiper dans l'air tel un fantôme du passé qui disparaissait pour toujours. Le peu de chaleur qu'avait ressenti Severus par rapport à l'attention que lui avait porté Harry ses quelques dernières heures disparues soudainement. Son visage, déjà terriblement pâle, devint presque fantomatique. Et surtout, il était totalement pétrifié et abasourdi par ce qu'il venait d'entendre. Il n'aurait pas d'aide pour ramener l'enfant en sécurité. Il était tout seul, faible, malade, mourant, mais non, Dumbledore avait décidé de le laisser seul dans sa tâche. Et en plus de cela, il venait d'avoir une preuve supplémentaire que Dumbledore se fichait de lui et de son sort, ne s'inquiétant que pour l'enfant. Ce n'était pas très surprenant après tout vu ce que Severus était et ce que représentait Harry.

Étrangement, il ne put s'empêcher d'éprouver une petite pointe de déception vis-à-vis du directeur et un peu de jalousie par rapport au petit assis à ses côtés. Il ne s'inquiétait même pas pour lui alors qu'il lui avait parfaitement dit qu'il était blessé et malade, presque incapable de marcher tout seul et qu'il n'allait pas tarder à rendre son dernier souffle. Severus savait qu'il n'était qu'un outil aux yeux du vieil homme, mais cela le blessait terriblement, et son cœur qui avait commencé à se réparer depuis deux jours recommença à saigner, bien plus fortement qu'avant, se murant de nouveau dans sa prison de glace.

À ses côtés, Harry se pétrifia sur place en voyant le changement d'expression de l'homme.

-Monsieur ?

Ce n'était plus Severus.

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