Le soleil se leva, chassant de nouveau les dernières obscurités de la nuit, ses rayons se reflétant dans les eaux calmes du Lac Noir, réchauffant imperceptiblement sa surface. Au loin, perdu dans les fins fond de la Forêt Interdite, des corbeaux croissaient en prenant leur envol. Une brise glacée vint caresser les cimes des arbres aux feuilles aux couleurs de l'automne, les faisant frémir dans un doux bruissement. Dans la cour de Poudlard, les premiers élèves commençaient déjà à se promener en petits groupes sans but précis, attendant d'avoir accès à la grande salle pour leur petit déjeuner. Du haut de la tour des escaliers de marbre, plongé dans sa contemplation du spectacle qu'offrait ce début de journée, Albus Dumbledore attendait. Son regard perdu par-delà les méandres de la Forêt Interdite. Il attendait un retour, un message de Severus lui indiquant qu'il avait retrouvé l'enfant, car, il en était sûr à présent étant donné l'absence de message du maître des potions, Harry avait disparu et il était parti à sa recherche. Désormais, il attendait. Derrière lui, un grincement se fit entendre dans ce silence de plomb qui recouvrait le bureau directorial, suivi de pas précipités. Des pas qu'Albus reconnut aussitôt comme étant ceux de la directrice adjointe.

-Deux jours Albus ! S'écria-t-elle alors qu'elle traversait encore la pièce pour le rejoindre sur le petit balcon qui faisait face au Lac Noir. Deux jours qu'il est parti ! Que vous lui avait ordonné de se rendre sur place ! Et il n'est toujours pas revenu !

Le directeur ne se retourna même pas, ne faisant aucun commentaire, sachant pertinemment ce qui allait être dit durant cette conversation. Il s'était attendu à ce que Minerva vienne le voir pour lui montrer sa façon de penser de son choix, mais il devait avouer qu'il aurait cru la voir faire irruption ainsi plus tôt. La femme fulminait de rage qu'elle ne parvenait qu'à peine à contenir.

-Il a fui Albus, il est retourné auprès de la vermine qu'il est lui-même. Il est retourné au pied de son maître comme le bon toutou qu'il est. Vous auriez dû le laisser pourrir à Azkaban comme cela avait été convenu avec le ministère, c'est tout ce que ce monstre méritait après ce qu'il a fait à James et Lily.

-Je comprends votre façon de voir les choses Minerva, cependant il ne faut pas oublier que si nous parvenons à le rallier pleinement à notre cause, il pourrait être un véritable atout pour nous lorsque Lord Voldemort reviendra.

Le directeur se retourna vers sa collègue, observant avec attention la moindre de ses réactions. Oui, la directrice des Gryffondors enrageait.

-En attendant, reprit-elle en haussant un peu plus le ton, il est lâché dans la nature avec aucun moyen de le surveiller ni de le contrôler. Vous faites bien trop confiance en la capacité de chacun à avoir de la bonté. Cela vous perdra !

Il était rare, voire improbable que Minerva soit en colère contre Albus. Mais cette fois était une exception à la règle et elle était plongée dans une colère noire qu'elle avait ressenti bien rarement au cours de sa vie. Albus avait envoyé un assassin pour récupérer Harry, le seul espoir pour le monde sorcier. Comment avait-il seulement avoir cette idée totalement délirante ? Severus Snape était un mangemort, un assassin, un homme dont toute personne, qui avait un tant soi peu de cerveau, ne pouvait pas se fier.

Il va falloir sérieusement que je pense à lui confisquer ses bonbons au citron, se dit-elle avec amertume.

De toute évidence, les petites sucreries n'avaient pas à très bon effet sur l'esprit de son vieil ami.

-Je ne lui fais absolument pas confiance si c'est que vous insinuez. Reprit Dumbledore toujours aussi calme. Bien au contraire, je me méfis de lui comme de la peste. Je suis même très probablement celui qui se méfie le plus de lui étant donné que je suis celui qui sait exactement de quoi est capable Severus Snape. Seulement, il est le seul, en l'état actuel des choses, qui peut retrouver le jeune Potter dans une situation aussi critique que celle que nous vivons actuellement. Nous n'avons pas le choix.

-Mais c'est un mangemort ! Et vous l'avez envoyé ? Lui ?

Le mépris était plus que présent dans la voix de la directrice adjointe. Et à juste titre. Elle n'avait jamais fait confiance en cet enfant bien trop sombre, bien trop intelligent et bien trop avide de savoir pour son âge. Peut-être aurait-elle dû faire plus attention à lui ? Aurait-elle pu l'empêcher de basculer ? Aurait-elle pu empêcher le meurtre de deux de ses élèves ? C'était probablement ce qui la hantait le plus depuis que le Serpentard aux yeux d'ébène avait refait surface dans sa vie trois ans plus tôt.

Mais elle n'avait pas été sa directrice de maison. Ce n'était pas à elle de prendre soin de lui mais à Slughorn, son directeur de maison. C'était cet homme qui aurait dû s'occuper de Severus, qui aurait dû l'empêcher de basculer. Du moins c'est ce qu'elle essayait de se dire, ne supportant pas de sentir sa culpabilité remonter au fil des jours. Alors au lieu de se morfondre, elle préférait cracher sur cet ancien élève et son ancien collègue. Et ce n'était pas comme ci Severus était totalement innocent non plus...

-En effet Minerva, c'est un mangemort... Répondit doucement Albus se voulant rassurant vers la femme bien trop agitée.

Il comprenait son tourment, elle qui avait toujours eu un instinct très protecteur envers les élèves de sa maison. Et bien que Severus n'en faisait pas parti, l'avoir perdu de cette manière était insupportable pour la femme. Cela mêlé à la douleur de la perte de Lily et James dont il était responsable.

-Mais... C'est insensé ! Ce... Monstre... Je ne parviens d'ailleurs toujours pas à comprendre pourquoi vous avez bien voulu de lui ici, à Poudlard. C'est totalement inconscient ! Comment pouvez-vous le laisser ainsi, libre de ses mouvements, se baladant impunément au milieu de nos enfants ?

Albus, d'une main amicale sur son épaule, la reconduisit à l'intérieur de son bureau, lui indiquant un siège sur lequel prendre place juste en face de la cheminé. Le directeur prit place en face d'elle, les faisant ressembler à deux vieux amis qui étaient là uniquement pour prendre le thé en parlant des aventures de leur passé. Or, ce dont ils parlaient était bien loin d'être joyeux, ou encore des anecdotes de leur ancienne vie.

-Pourquoi Albus ?

-Parce qu'il n'est pas totalement sans surveillance, croyez-moi. Je ne le quitte jamais du regard, pas même la nuit. Je sais tout de sa vie Minerva, je sais tout ce qu'il fait, tous ses moindres gestes dans ce château. Et il le sait. De plus, nous avons passé une forme... d'arrangement.

-Comme ci il allait le tenir ! C'est un mage noir Albus ! Mentir est leur spécialité.

-Je peux vous assurer que ce serment-là, il ne pourra pas le rompre. Il lui est bien trop précieux. Quant à nos élèves, ils sont en parfaite sécurité. Severus n'a pas la possibilité de s'approcher à moins de deux mètres d'eux. Et il lui est impossible d'effectuer le moindre sort entre les murs et eu environ de Poudlard.

-On aurait mieux fait de directement lui briser sa baguette.

Les yeux du directeur étaient sérieux et fermes quand il parlait de la sécurité des élèves de Poudlard. Ceux de Minerva l'étaient encore bien plus. Personne ne pouvait toucher ses «enfants» sans en subir les conséquences. Le professeur de potion y avait bien sûr fait les frais, et ce n'était encore qu'un début. Elle comptait bien le malmener, le faire souffrir, voire le torturer un peu pour ce dont il était responsable.

-Et donc ? Reprit la femme d'une voix ferme, dure et en partie résignée.

Ce n'était pas comme si elle pouvait y faire quoi que ce soit à présent. La décision du directeur était prise et de toute façon, Severus était perdu dans la nature sans aucun moyen de le retrouver.

-Pourquoi lui ? Pourquoi mettre l'enfant en danger en plaçant sa vie entre les mains du meurtrier de ses parents ?

-Il ne sera pas en danger.

-Cela ne répond pas à ma question.

-Pourquoi... Pour deux raisons au moins. La première, parce que, que cela vous plaise ou non, Severus est le seul qui puisse retrouver Harry du fait de la connexion qu'il a avec la magie de Lily. Vous n'êtes pas sans savoir que ses deux élèves ont noué une profonde amitié pendant leur scolarité.

-Amitié qui a mal fini, le coupa Minerva d'une voix claquante.

-Certes. Mais une profonde amitié tout de même, si ce n'est plus. La magie de Lily étant présente dans celle de son enfant, Severus ne peut pas ne pas la retrouver. Il était donc le candidat idéal pour cela.

Albus marqua une pause, attendant une quelconque remarque de la part de sa collègue. Mais elle se contenta de le regarder d'un œil noir, comme ci il n'était qu'un autre de ses élèves dont elle attendait une explication avant de le réprimander.

-La deuxième raison, poursuivit Dumbledore, et probablement celle que vous accepterez le mieux, parce que j'aimerais ne pas avoir à envoyer un des nôtres dans les rangs de Voldemort en tant qu'espion quand il reviendra. Inutile de causer des pertes parmi nos camarades alors que l'on a entre les mains une personne que l'on peut envoyer impunément à la mort sans aucun regret. Vous ne pensez pas très cher ?

Les mots prononcés avaient été froid, glacial, dénués de toute humanité. Minerva frissonna en voyant l'expression si démente du directeur. Certes Severus était un mangemort et ne méritait pas leur sympathie, et certainement pas la sienne. Seulement... N'était-ce pas quelque peu inhumain de l'envoyer à la mort ainsi. La directrice sentit sa rage diminuer quelque peu. Elle se rendait pleinement compte maintenant des intentions d'Albus. Severus ne serait pour lui qu'un outil bon à jeter à la poubelle une fois qu'il serait cassé. Pas qu'elle s'inquiétait particulièrement pour lui, mais elle ne trouvait pas cela très... correct ? Ce n'était pas le bon mot mais elle ne souhaitait pas prendre le maître des potions plus en pitié que cela. Elle se le refusait.

Ce n'est pas toi qui voulais le torturer un peu plus tôt ? Ce fit elle la remarque en grimaçant à sa propre stupidité.

-Comment être sûr qu'il ne vous trahira pas le moment venu ? Qu'il ne retournera pas lécher les pieds de son maître quand celui-ci reviendra ?

-Toujours grâce à ce fameux serment.

-Et j'imagine que je ne peux pas connaître les teneurs de ce serment.

Dumbledore sourit mystérieusement, ses yeux toujours aussi effrayants. Du plus loin qu'elle se souvienne, et du plus loin qu'elle le connaisse, Minerva ne l'avait jamais vu afficher une expression pareille.

-Le moins de personnes sont au courant, le plus nous aurons de chance que cette alliance entre Severus et moi soit durable dans le temps. Et plus nous aurons d'informations au sujet des intentions de Lord Voldemort.

Minerva tressaillit à ce nom.

-En échange, poursuivit le directeur sur sa lancé, je lui ai promis ma confiance aveugle quand le moment sera venu pour lui de me relater les informations qu'il aura su apprendre de la part du seigneur noir. Je ne pourrais pas remettre en question ses dires sinon pourquoi prendrait-il le risque de récolter des informations ? Une confiance que je ne serais pas capable de lui accorder un jour, je vous rassure sur ce point. Ce n'est rien de plus qu'une carotte pour appâter la mule et la mettre au travail.

-C'est... Assez inhumain tout de même. Severus n'est pas un saint mais plutôt que de lui faire croire en de faux espoirs, vous auriez mieux fait de le laisser pourrir à Azkaban.

-En effet... Mais j'attends de voir. Si cela se trouve, Severus sera bien plus utile que prévu...

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