Harry s'écroula au sol dans un petit cri de surprise et un bruit sourd, son visage rencontrant le sol pour la seconde fois en à peine quelques minutes. Il resta quelques instants, se frottant le front qui avait frappé le premier, tentant de retrouver ses esprits et de ne pas vomir le peu de nourriture qui était contenu dans son estomac. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ? Il n'en savait rien. La seule chose dont il était sûr était qu'il avait ressenti une drôle de sensation, comme une pression au niveau de son nombril, le monde s'était mis à tourner beaucoup trop vite pour lui, et puis le sol.

Rien d'autre.

Il n'avait jamais ressenti quelque chose dans ce genre-là, et pourtant il avait été malade à de nombreuses reprises, les Dursley refusant de le soigner quand ce n'était pas réellement grave. Harry se redressa sur ses genoux, serrant sa couverture contre lui, s'immobilisant, la nausée revenant d'un seul coup. Il se concentra de toutes ses forces pour la faire disparaître définitivement, mais c'était dur, et il avait vraiment envie de vomir.

Et pourquoi personne n'était là pour le rassurer ? Pourquoi on ne lui passait pas une main dans son dos en lui disant que tout allait bien se passer ? Pas que Harry avait déjà eut l'occasion de vivre quelque chose de si semblable chez son oncle et sa tante, mais c'était ce qu'il s'imaginait. S'était ce qu'un parent devait faire à son enfant quand il était malade. Il laissa échapper un seul sanglot. Se reprit. Et finit par se relever sans ressentir plus aucune nausée.

Il était hors de question qu'il pleure sur son sort car maintenant il avait quelqu'un sur qui il pouvait compter. Quelqu'un qui était venu le sauver et qui allait continuer de l'aider. Quelqu'un qui, à cet instant précis ne se trouvait pas là, à côté de lui...

Commençant à paniquer, Harry tourna sur lui-même, espérant désespérément retrouver l'homme en noir qui l'avait sorti de la grande maison. Son cœur commença à s'affoler. Lui aussi avait fini par l'abandonner ? Lui aussi s'était rendu compte de son anormalité ? Des larmes, qu'il ne parvenait pas à contrôler cette fois, commencèrent à couler sur ses joues rougies. Il était tout seul...

Encore une fois...

Harry plongea son visage dans sa couverture, respirant son odeur en fermant fortement les yeux, désireux de faire s'arrêter les flots de larmes qui s'en écoulait. La couverture avait l'odeur de maman. Son odeur à lui aussi. Et aussi une autre odeur qu'il ne connaissait pas. Une odeur de plante qui lui évoquait la forêt mais qu'il n'avait jamais pu relier à qui que ce soit... Que devait-il faire ? Il ne pouvait pas rester ici. Et si le monsieur l'avait finalement abandonné, cela ne valait pas la peine d'attendre car il ne reviendrait jamais.

-Il avait promis...

Relevant légèrement la tête hors des couvertures, le cœur de l'enfant fit un bon dans sa poitrine. Harry, dans le noir qui l'entourait et prit par la panique d'être abandonné, n'avait pas vu la masse sombre couchée sur le sol, immobile, qu'était Severus, étalé de tout son long. Hésitant, mais désireux de retrouver la protection de l'homme en noir, Harry se rapprocha de lui, puis s'accroupi, tenant toujours sa couverture dans une main. Il venait de la retrouver, hors de question de la lâcher désormais.

Finissant la courte distance qui le séparait de Severus, Harry se figea soudainement quand sa main rencontra quelque chose sur le sol. Quelque chose de chaud, de visqueux et qui sentait fort. Il ne lui fallut que quelques secondes pour savoir de quoi il s'agissait. Bien qu'il n'ait que quatre ans, il avait déjà eu à faire à du sang.

Et, à cet instant précis, il y avait plein de sang à côté de l'homme en noir.

Les larmes, qui s'étaient arrêtées de couler, revinrent à l'assaut à la vue de ce sang. Ou plutôt, à l'imagination de tout ce sang, car dans le noir, Harry était incapable, et heureusement pour lui, de voir la quantité exacte qui se répandait sur le sol. Ne parvenant pas à faire un geste de plus, Harry se contenta de fixer la masse sombre pendant un long moment, espérant qu'un mouvement aller lui montrer que l'homme était toujours vivant. Mais impossible de savoir dans cette obscurité ; Et il était tétanisé de découvrir la vérité, car si lui aussi était mort alors... Il serait de nouveau tout seul...

-Monsieur...Tu as promis monsieur...

Oui, il avait promis qu'il l'emmènerait dans un bel endroit avec des gens gentils. Des gens comme lui... Mais maintenant, l'homme en noir était couché au sol, ne bougeait pas, du sang s'écoulant tout autour de lui, le tétanisant sur place. Incapable du moindre geste.

Mais il ne pouvait pas rester ici pendant des heures à juste espérer. Alors, prenant son courage d'enfant de quatre ans, il tendit la main vers la masse que formait Severus, espérant pouvoir le toucher pour s'assurer que l'homme était toujours en vie. Sa main se rapprocha lentement de Severus. Harry voulait savoir. Mais il avait tellement peur de découvrir quelque chose qu'il ne voulait pas savoir. Quelque chose qu'il redoutait plus que tout. Être seul de nouveau...

Et alors que sa petite main n'était plus qu'à quelques centimètres du monsieur, ce dernier remua légèrement, faisant se figer Harry sur place, attendant la suite. Severus, encore sonné, ouvrit des yeux brumeux, ne saisissant pas ce qui l'entourait. La première chose qu'il vit furent deux grands yeux émeraude qui le fixait avec intérêt et intensité. Puis le visage d'Harry.

Et cette main.

Tendu vers lui.

La main de Harry.

-Ne me touche pas !

Severus avait hurlé en sautant presque instantanément sur ses jambes, remettant une certaine distance entre lui et l'enfant, grognant sous le coup de la douleur qu'avait provoqué son geste. Harry se figea sur cet éclat de voix auquel il ne s'était pas attendu, le fixant avec une peur nouvelle gravée dans ses yeux. Pourquoi est-ce que l'homme en noir se mettait en colère ? Il n'avait rien fait de mal... Face au petit visage joufflu de l'enfant, Severus ne put que détourner le regard. Il ne voulait pas lui faire peur, ni qu'il se sente coupable de son éclat de voix. Mais il refusait que l'enfant ne le touche. Il ne pouvait pas se résoudre à corrompre ce petit être si pur. Déjà qu'il lui avait saisi le bras pour transplaner... Oh seigneur, même une chose aussi simple il n'avait pas pu l'achever avec succès... Comment pouvait-il alors seulement espérer aider cet enfant et le tenir en sécurité jusqu'à Poudlard ?

-Je... Je ne voulais pas te faire peur...

Tout en prononçant ces quelques mots, Severus s'était rapproché de l'enfant, cherchant son regard mais Harry refusait de le regarder de nouveau, les larmes coulant sans aucun bruit. Que devait-il faire ? Severus n'avait jamais fait face à un enfant aussi jeune. Minerva saurait. Pompom saurait. Et même Albus saurait. Mais pas lui... Non, lui il ne savait pas, et comment le pourrait-il ? Même sa simple résignation de ne pas toucher l'enfant, il ne l'avait pas tenu plus de cinq minutes. Albus avait raison de ne pas lui faire confiance. Personne ne le pourrait.

-On doit trouver un endroit où passer la nuit et se réchauffer. Tu peux marcher ? Demanda-t-il en lançant un informulé pour stopper le flot de sang qui s'écoulait de ses blessures.

Sa voix avait été tellement différente de d'habitude. Comme totalement brisée par les événements, résignée par sa déchéance. Severus s'était encore battu ces quelques dernières années pour vainement tenter de retrouver un tant soi peu de son honneur. Cela n'avait plus aucun sens désormais. Oui, quelque chose venait de rompre en Severus. Son désir de prouver le peu de valeur qu'il avait venait de disparaître. Et dès que l'enfant serait en sûreté, alors... Lui aussi disparaîtrait...

-Mais tu... Tu es blessé monsieur... Tu saignes.

Ce pouvait-il que cet enfant s'inquiète pour lui ? C'était bien la première fois de sa vie ou quelqu'un s'inquiétait pour lui, hormis Lily...

-Ne t'inquiète pas Harry. Je vais bien. Est-ce que tu peux marcher ?

L'enfant hocha simplement de la tête puis se releva. Severus attendit un instant, faisant face à Harry au visage rougi par les pleurs et le froid, se rapprocha, faisant toujours bien attention de ne pas le toucher, saisit la couverture, et l'enroula du mieux qu'il put autour des frêles épaules pour le maintenir le plus au chaud possible. Ils se regardèrent encore un instant. Des yeux émeraude brillant de larmes et d'espoir plongé dans deux orbes d'obsidienne terne et résolu. Puis, sans un seul mot, Severus fit volteface et commença sa marche lente pour ne pas semer l'enfant qui lui emboîta le pas, suivant le chemin que formait une route déserte en plein milieu de ce qui semblait être une forêt...

Severus avançait à l'instinct, n'ayant absolument aucune idée d'où il pouvait bien se trouver. Il se souvenait avoir visualisé Prés-au-Lard juste avant de transplaner, mais au sort l'avait touché, lui faisant perdre le fil de ses pensées. Ils avaient eu de la chance de ne pas avoir été désartibulé, ce transplanage relevant plus du hasard que d'une réelle intention. Le souffle rauque par l'effort fourni, couplé à la douleur et la fatigue de ne pas avoir ni dormi ni mangé depuis deux jours, Severus avançait avec difficulté, jetant constamment des regards derrière lui pour s'assurer que Harry le suivait toujours. Le petit garçon avançait avec vivacité, probablement pour éviter de le perdre, son regard fixé sur lui, une expression incertaine sur le visage.

Quoi de plus normal après son éclat de voix lors de son réveil... L'enfant avait dû être tétanisé alors qu'il venait tout juste d'être enlevé et enfermé pendant près de cinq jours.

La marche lui sembla sans fin, et il commençait sérieusement à désespérer de pouvoir trouver un abri sur ce bord de route désert et sans fins. Et finalement, alors que Severus commençait sérieusement à se fustiger de nouveau sur son incapacité à réussir quoi que ce soit, des lumières apparurent au loin. Des lumières de ce qui semblait être un petit motel de bord de route. L'espoir le regagna soudainement, et il pressa un peu plus le pas.

-Monsieur...

Severus se retourna vers Harry. L'enfant commençait à courir derrière lui, ne parvenant pas à suivre son rythme.

-Courage Harry, on est presque arrivé.

Reprenant sa marche à une allure plus soutenable pour le petit garçon, Severus ne parvenait pas à détacher son regard de ses petites lumières lointaines qui représentaient le seul espoir qu'il avait de permettre à Harry de se reposer. Le trajet lui parut interminable, d'autant plus que de la sueur lui coulait toujours sur le front, et qu'il était saisi de bouffées de chaleur presque étouffantes malgré le froid environnant. Cela fut la délivrance quand il passa les portes du motel, presque à bout de souffle sans qu'il ne sache pourquoi.

Sans s'étendre plus que de raison, il demanda une chambre à l'accueil, puis se dirigea vers la chambre numéro 14 qui, heureusement pour lui, se trouvait au rez-de chaussé. Aucun étage à monter, et de toute façon, il en aurait été totalement incapable. Dans un claquement de clé, le professeur ouvrit la porte de la chambre, laissa Harry entrer en premier, referma la porte derrière lui, puis s'avança dans la petite pièce qui ne contenait que deux lits et une petite table de chevet sur lesquelles reposait une petite lampe de chevet. Accroché au mur, un cadre afin de faire un semblant de déco.

-Repose-toi Harry, tu dois être épuisé...

Harry s'exécuta, s'asseyant sur le lit à côté de la fenêtre. Il n'avait jamais pu regarder à travers la fenêtre depuis sa «chambre», et rien que cela fit de lui l'enfant le plus heureux du monde.

Sans un mot de plus, Severus s'écroula sur le lit, inconscient avant même d'avoir touché le matelas...

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