01
Comme à son habitude, Severus Snape entra dans sa salle de classe violemment, envoyant la lourde porte en bois frapper contre le mur, ses capes noires tournoyant dans son sillage. Aussitôt, les élèves, qui parlaient entre eux, se turent pour tourner leurs regards vers leur professeur des potions, certains effrayés, d'autres surpris, d'autres encore avec admiration. Severus les détestait tous. Ces gamins stupides qui ne prenaient jamais rien au sérieux. Cela n'était un secret pour personne, Severus n'avait jamais aimé les enfants, et ce, depuis toujours, mais ce ressentiment s'était considérablement accru depuis trois longues années...
Plus ou moins forcé par Albus Dumbledore, le maître des potions avait finalement accepté le poste d'enseignant au sein de l'école de sorcellerie de Poudlard, et ce, dans un seul but : être étroitement surveillé par le directeur. Tout le monde le savait. Étant un ancien mangemort actif, au passage l'un des préférés du seigneur des ténèbres bien que contre son gré, qui souhaitait se repentir, le ministère de la magie n'avait eu aucune pitié envers lui, le condamnant au pire châtiment possible... Seulement, le sort en avait décidé autrement. C'était chose impressionnante que de voir que le destin s'amusait à se jouer de lui. Dès lors que Severus eut tenté une action de bonté, dès qu'il avait un éclair de gentillesse, le sort se retournait contre lui, lui renvoyant toute la souffrance du monde en plein visage, le plongeant encore un peu plus dans la détresse. Une détresse que personne ne semblait vouloir prendre en considération. Une détresse qu'il devait gérer seul et apprendre à maîtriser, à défaut de sombrer dans la folie.
Mais il n'avait au fond que ce qu'il méritait, du moins c'est ce qu'il se disait...
À ce moment-là, alors que sa vie semblait arriver à son terme, pour son plus grand soulagement, le destin, encore une fois, s'en était mêlé, prenant l'apparence du sorcier à longue barbe blanche qu'était le directeur de Poudlard. Pourquoi ne l'avait-il pas laissé subir la sentence ? Probablement parce qu'aux yeux du sorcier, cette punition était encore trop douce pour ce qu'il avait fait. Après tout, Severus avait tué les deux chouchous du directeur...
Depuis la fin de ce procès, Severus s'était considérablement renfermé sur lui-même, refusant tout contact, se contentant du minimum de parole possible. Ce n'était pas spécialement le fait d'avoir été poussé à prendre ce poste, ni même de devoir continuer à vivre dans sa souffrance perpétuelle, qui l'avait rendu encore plus froid et aigri, c'était ce qu'il avait fait. Une chose impardonnable. Lui-même ne parvenait pas à se regarder dans un miroir désormais...
Il lui avait fallu du temps pour pleinement accepter sa condition. Bien qu'il refusait d'accepter d'avoir été sauvé de ce qui aurait été, à ses yeux, le traitement qu'il méritait, il se devait d'obéir à Dumbledore. Le sorcier s'était, au début, contenté de le laisser en paix pendant quelque temps, histoire qu'il « se remette sur pied » comme il avait dit. Puis les choses s'étaient accélérées bien trop rapidement pour le mangemort qui n'avait rien put faire d'autre que se laisser aspirer par cette tornade infernale des évènements. À peine quelques semaines après la fin de son procès, il avait dû, encore une fois, obéir. Sa vie ne se résumant qu'à une suite de soumission envers des hommes plus fort qui le tenaient dans leur main. C'est ainsi que désormais, on lui demandait à lui, le traître, le meurtrier, d'enseigner à des enfants. C'était pour le moins... Perturbant.
Severus n'était pas dupe. Il savait que le directeur le haïssait plus que tout, que jamais il ne lui ferait confiance pour quoique ce soit. Il savait aussi que lui confier ce poste était là le moyen le plus sûr pour le directeur de le surveiller et de le tenir enchaîné. De le tenir fermement entre ses mains, de le contrôler comme il en avait toujours été dans sa vie. Mais cela ne servait à rien. Résigné, Severus n'avait plus de désir de vivre par lui-même, se laissant lentement dépérir quand la douleur de son acte devenait bien trop insupportable. Et, encore une fois, le directeur venait le trouver et, de sa voix ferme et froide, dégoulinante de mépris, il se contentait de le jauger du regard et de lui rappeler sa promesse.
La seule chose qui lui permettait d'avancer n'étant rien de plus que le dernier souvenir de ceux qu'il avait conduit à la mort. Un souvenir qui prenait l'apparence d'un enfant de quatre ans désormais...
Avec un grognement, le maître des potions finit sa tirade habituelle qu'il servait aux premières années dès la rentrée. Les enfants assis face à lui le regardaient dans un silence de plomb, ne voulant probablement pas s'attirer les foudres de ce professeur si terrifiant et sombre. Sûrement que certains d'entre eux le connaissait déjà comme l'ancien mangemort... Severus essaya de ne pas y penser...
-Pour ce premier cours, je n'attends de vous aucune participation, ce qui signifie absolument aucun bavardage. Le premier qui murmure, qui parle sans y être invité, je lui donne trois semaines de retenu avec Rusard...
Et comme à chaque fois, Severus commençait son cours théorique sur les propriétés du Bézoard. Un court qu'il connaissait sur le bout des doigts, qu'il avait amélioré, peaufiné, et qu'il dictait avec passion malgré son cœur qui saignait dans sa poitrine et le peu d'intérêt de ses élèves pour sa matière. Mais au fond, malgré son énervement vis-à-vis de ces bons à rien, il se fichait pas mal que ces gamins n'écoutant pas un traître mot de ce qu'il racontait. Car ses cours lui était destiné, agissant pour lui comme un exutoire. Et bien que cette « punition » le rendait fou de colère, il l'acceptait, car c'est tout ce qu'il méritait. Selon lui, il méritait bien pire...
Récitant son cours de manière presque mécanique, sans qu'il ne fasse attention à ce qu'il disait, son esprit reparti vagabonder vers cet enfant de quatre ans. Cet enfant, Severus ne l'avait vu qu'une fois, mais sans réellement faire attention à lui, bien trop plongé dans sa propre douleur et culpabilité pour seulement remarquer la petite présence.
La seule chose dont il se souvenait se résumait à des sons, des odeurs et des images flous de la chambre où il avait retrouvé le corps de Lily. Severus avait étreint le corps de la seule femme qu'il n'ait jamais aimé pendant ce qui lui paru être une éternité, pleurant de toute son âme. Et pourtant, ce moment lui avait semblé terriblement fugace dès qu'il eut relâché le corps sans vie de cet être aimé. Groggy par la tristesse, les yeux voilés, Severus avait relâché le corps de Lily, observant son visage à jamais figé dans la terreur, des larmes coulant encore sur ses joues humides. Il n'avait rien pu faire pour détendre ce visage de terreur.
Le reste était flou. Un bruit l'avait tiré de sa contemplation, un chouinement, un sanglot. L'homme avait tourné la tête vers le seul survivant de la pièce, un enfant d'un an, qui le fixait en retour. Comprenait-il ce qu'il se passait ? Comprenait-il que sa mère ne se relèverait plus ? En tout cas, son regard émeraude ne le lâchait pas lui, comme ci il attendait quelque chose de la part de cette ombre noir et ténébreuse. Un geste ? Une parole ? Un petit sourire sans doute ? Severus resta là un moment à le fixer, tenant toujours le corps de Lily dans ses bras, des spasmes lui secouant le dos, il ne pouvait se résoudre à l'abandonner ici. À un moment pourtant, son corps se mit à bouger sans qu'il ne s'en rende compte, reposant la femme avec douceur sur le sol, caressant sa joue une dernière fois avec toute la tendresse dont il était capable. Puis, le dos courbé sous le poids de sa douleur et de sa culpabilité, Severus se rapprocha du lit de l'enfant, posa sa main sur les barreaux qui les séparèrent, refusant de le regarder d'abord, comme ci le nourrisson pourrait le juger de sa faute et le lui reprocher.
Probablement qu'il l'aurait fait s' il avait pu parler...
Après encore de longue minute, le souffle entrecoupé de sanglots, Severus releva la tête, plongeant ses yeux sombres et morts dans ceux, émeraudes et effrayés de l'enfant. De Harry. Cet enfant qui venait de tout perdre à cause de lui, à cause de sa seule ambition de devenir plus puissant, d'être reconnu par ses pairs. Ses yeux déviant légèrement Severus regarda la cicatrice en forme d'éclair sur le front de l'enfant.
-Je suis tellement désolé...
Dans un seul murmure, il avait lâché cette petite phrase qui paraissait bien ridicule par rapport à ce dont il était coupable. Comment pouvait-il avoir le culot de demander pardon à cet enfant qui venait de perdre ses parents ? Un enfant qui ne pouvait probablement même pas comprendre ce qu'il venait de se jouer sous ses yeux. Cela avait été la première fois qu'il s'était excusé depuis de nombreuses années, mais ce n'était pas pour autant qu'il se sentait mieux, bien au contraire. Sortant sa baguette de sa manche, Severus fit la seule chose dont il était capable pour apaiser l'enfant, refusant de le toucher. Il n'en avait pas le droit. Il ne pouvait pas toucher cet enfant si pur avec ses mains tachées du sang de ses parents. D'un simple petit mouvement de poignet, à peine perceptible, il transmit l'envie de dormir au nourrisson. Cela eu un effet immédiat et l'enfant se recroquevilla sur lui-même, fermant les yeux encore humides pour s'endormir presque aussitôt. Après cela, Severus le regarda encore quelques instants, se perdant dans sa contemplation, si bien qu'il ne se rendit pas compte de l'arrivée d'une autre personne, un demi géant...
-Monsieur ?
Revenant brutalement à la réalité, le professeur des potions releva la tête pour lancer son regard noir sur un élève de Serpentard qui le regardait avec admiration. Encore un...
-Qui y a-t-il monsieur Khanna ? Demanda le professeur avec une voix se voulant froide comme à son habitude.
-Je me demandais juste si... Le bézoard possède... D'autres propriétés ?
-Si vous aviez écouté sans poser de question, vous auriez eu la réponse dans la suite du cours.
-Pardon monsieur...
Severus n'écoutait pas la suite du babillage de l'élève, se replongeant dans la suite de son cours. Plus vite il aurait fini, plus vite il serait débarrassé de cette bande d'ignares qui ne voulait même pas faire semblant de vouloir s'intéresser aux potions. Le cours se poursuivit sans autre interruption de la part de l'un des élèves. Ils étaient bien trop occupés à prendre le plus de notes possibles, et surtout à ne pas croiser son regard de peur d'être foudroyés sur place. Cela ne le gênait pas. Il ne restait que quelques minutes de cours lorsqu'un patronus fit irruption dans son bureau, venant se percher fièrement sur son bureau, bien droit devant lui, le regardant avec insistance. Parmi les élèves, des cris de stupeur avaient jaillis tandis que le phénix argenté avait volé droit jusqu'au professeur de potion qui s'était figé à cette apparition.
-Severus, dans mon bureau, immédiatement.
La voix avait été ferme et froide, témoignant de l'impatience du directeur, et peut-être aussi d'une certaine angoisse. Aussitôt que son message fut délivré, le phénix disparut dans un petit nuage argenté, laissant le professeur figé sur place. Un lourd silence s'imposa dans la salle de classe, le professeur reprenant peu à peu contenance. Non pas qu'il ait spécialement peur d'Albus Dumbledore, mais à chaque fois qu'il avait été mandaté depuis ces trois dernières années, cela ne s'était jamais très bien fini pour lui.
-La classe est finie, cracha Severus à l'attention de ses élèves.
Reprenant conscience, il se racla la gorge avant de se mouvoir vers la porte pour s'engouffrer dans le couloir à grandes enjambées, n'entendant rien d'autre que des murmures joyeux de ses élèves qui supposait qu'il devait avoir fait une grosse bêtise pour être appelé ainsi par le directeur.
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