77 | « Oh Djadja, y a pas moyen Djadja ! »

H O R T E N S E
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          C'ÉTAIT NOTRE DERNIÈRE SOIRÉE À MONTDESBOIS, demain à l'heure actuelle, nous serons rentrées chez nous avec Nola, dans notre petit village perdu au beau milieu de la cambrousse. Montdesbois allait nous manquer, et pas qu'un peu, de même que les trois boulets qui nous servaient d'amis et que l'on n'allait sûrement pas revoir avant très longtemps, si ce n'était jamais.

Alors on avait décidé de profiter à fond de notre dernière soirée ici. On s'était rendus à la soirée qu'organisait Noé en notre honneur, ou pas, et on faisait la fête depuis. J'avais prêté mes Converses blanches à Nola, et je devais tout de même vous avouer que j'avais un peu peur de ce qui allait se passer. Mon mauvais pressentiment s'était accru lorsque j'avais remarqué qu'elle ne se trouvait plus dans les parages. Néanmoins, j'avais supposé par la suite qu'elle était partie avec Jules faire je-ne-savais-quoi et je pouvais vous dire que j'étais rassurée.

Mes chaussures étaient en pleine forme !

— Hortense ? Tu viens danser ? m'appela une fille que je reconnus comme étant Diane, l'ancienne copine d'Ulysse.

— J'arrive tout de suite ! rétorquai-je après avoir posé mon verre d'Orangina et avoir avalé une poignée de chips.

L'alcool m'avait traumatisée depuis la soirée dans les bois de Montdesbois. Le fait de ne plus me souvenir de mes actes ou encore de mes dires m'était longtemps resté en travers de la gorge. Tant et si bien que je m'étais jurée de ne plus boire une seule goutte d'alcool jusqu'à nouvel ordre. Voilà pourquoi je tournais au soda ce soir-là, histoire d'éviter un énième trou noir et de me réveiller par tout hasard dans le lit de Maël — ceci est un exemple les gars, aucune envie que cela arrive réellement.

Je délaissai à contre-cœur la table sur laquelle étaient déposés les gâteaux apéritifs, et m'élançai d'un pas  guilleret en direction de la piste de danse. Les amis de Noé s'amusaient à en perdre haleine. Ils dansaient sans la moindre retenue sur le dernier titre d'Aya Nakamura, "Djadja" — que, je devais tout de l'avouer, j'appréciais pour son rythme et surtout car j'adorais imiter la chanteuse malienne.

Oh Djadja ! Y a pas moyen Djadja ! m'égosillai-je en chœur avec Luna, la sœur de Noé, et Diane.

Certes, j'avais un peu honte de mes goûts musicaux, mais il fallait tout de même avouer qu'une chanson de la sorte, cela mettait toujours une bonne ambiance. Et je pouvais vous assurer que Dorian et Maël pensaient exactement de la même façon que moi. Tous deux se tenaient par les épaules et chantaient à pleins poumons, la phrase la plus incompréhensible de toute la chanson : j'suis pas ta catin Djadja, genre en Catchana baby tu dead ça.

Je ne pus m'empêcher de laisser échapper un petit rire en les admirant tous les deux, en digne boulets qu'ils étaient. Ils allaient me manquer, même Maël avec qui j'avais pourtant eu quelques accrochages. Au cours des semaines passées à Montdesbois, nous étions passés du statut d'inconnus à celui d'inséparables. On avait grandi en quelque sorte, même si on n'avait pas réellement fait attention à cela.

Maël avait fini par comprendre que Pauline n'était qu'un parasyte dans sa vie, que le fait de la retenir ne lui apporterait aucun réconfort et qu'il était préférable de passer outre. Dorian avait enfin réussi à assumer son homosexualité devant ses amis, sans craindre leur jugement et il avait même embrassé le garçon sur lequel il avait des vues depuis le premier jour. Quant à moi, j'avais fini par me rendre compte que vivre dans le passé ne rimait à rien, qu'il valait mieux être seule que mal accompagnée et que des amis comme cela, ça valait mille relations amoureuses.

Et pour ce qui était de Nola et Jules, ils étaient restés fidèles à eux-mêmes durant tout ce séjour, et c'était peut-être pour cela qu'on pouvait dire qu'ils s'étaient bien trouvés.

Un sourire naquit sur mon visage alors que les souvenirs de ces dernières semaines ressurgissaient dans mon esprit. La musique résonnait à mes oreilles alors que la fête battait son plein. Le sol du salon du franco-allemand était étonnamment collant, mais je passai outre ce détail, préférant me concentrer sur d'autres choses moins futiles. Après tout, ce n'était pas comme si je devais nettoyer ce désastre demain matin ?

Alors je me contentai de danser à en avoir les jambes tremblantes, m'égosillant à tout va et maudissant mes plantes de pieds, qui me faisaient atrocement mal — quel idée de mettre des talons aussi hauts en même temps ? N'y tenant plus, je décidai qu'il était préférable de me retirer de la piste de danse, du moins, si je ne souhaitais pas rentrer avec une quantité astronomique d'ampoules aux pieds.

M'excusant auprès de Diane et de Luna, je remarquai que la baie-vitrée du salon était grande ouverte. Une idée germa dans mon esprit et bientôt, je jouais des coudes à travers l'amas de corps transpirants appartenant à la fine fleur de Montdesbois.

J'évitai de justesse un couple de jeunes qui s'embrassaient sans retenue et enjambai une flaque suspicieuse. Finalement, l'air frais me cueillit au visage et je pris une grande inspiration, renouvelant l'air sec que contenaient jusqu'à présent mes poumons — ce qui n'était pas du luxe, croyez moi. Je frissonnai légèrement en sentant la brise d'été serpenter autour de mes chevilles et m'avançai d'un pas.

Mais bien évidement, comme il était impossible pour ma maladresse de me laisser quelques secondes de répit, je trébuchai contre l'encadrement de la baie et me rattrapai de justesse au volet. Un ricannement se fit entendre suite à cela et je redressai la tête, telle un suricate à l'affût. Mon regard se posa sur une silhouette assise sur le sol de la terrasse, à seulement quelques mètres de moi. Des volutes de fumée s'élevaient de cette dernière et elle écrasa un bâtonnet incandescent contre les pavés.

J'arquai un sourcil, subitement interloquée, sentant la curiosité s'insinuer en moi. Il s'agissait d'un jeune homme, nul doute, mais de quel jeune homme ? Je n'avais malheureusement pas la réponse à cette question.

— Attention à la marche, déclara avec ironie cet oiseau nocturne avant de tousser légèrement.

— Attention à la clope, répliquai-je sur le même ton, tout en retirant mes chaussures — mieux valait éviter de se casser une cheville à la veille de mon départ.

— T'es une marrante toi, murmura-t-il et je levai les yeux au ciel.

Le jardin des Snapp avait un côté fascinant une fois la nuit tombée, il en devenait presque inquiétant mais pas dans le sens qu'il faisait peur, il paraissait plutôt mystique. Les bosquets lavandes et les pétunias n'égayaient plus le jardinet de leur éclat violine, contrairement au saule pleureur qui le dominait de sa lueur argentée. Je reconnus l'allée où nous avions fait du slip and slide et me rappellai que Dorian avait failli m'écraser. Un gloussement s'échappa d'entre mes lèvres à cette pensée, vite refoulé par les pleurs de Dorian qui me revenaient en tête.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit l'inconnu alors que je m'avançais prudemment jusqu'à lui, mes talons en main.

Finalement, je me laissai tomber à ses côtés, un sourire mélancolique esquissé sur mes lèvres de rouge maquillées, préférant garder le silence pendant quelques instants encore. L'adolescent à mes côtés me détaillait avec curiosité, s'arrêtant sur mes modestes souliers, supposant que j'avais trébuché à cause d'eux. Alors je me tournai à mon tour vers lui et l'éclat de ses iris saphires me frappa immédiatement.

— Noé ? lâchai-je, on ne peut plus confuse. Je ne t'avais même pas reconnu !

— Oh moi si ! se moqua le franco-allemand en ricanant faiblement. Y a pas trente-six personnes qui mettent des talons alors qu'elles manquent de se rompre les ligaments cinquante fois par jour !

Je lui donnai un coup de coude en signe de rébellion, avant de me joindre à ses éclats de rire : il avait plutôt raison sur ce point-là, ma maladresse n'allait pas vraiment de paire avec mon amour pour les chaussures de cette sorte. Finalement, nos rires se tarirent dans l'immensité de la nuit et seuls les larges sourires que nous affichions demeurèrent sur nos faciès juvéniles.

— Tu sais quoi, Noé ? Je crois bien que cet été passé à Montdesbois a été le meilleur de toute ma vie.

— Normal, j'étais là, avoua le blond en bombant le torse et je levai les yeux au ciel.

— Pff... T'es pas le centre du monde non plus, hein ? Non mais ce que je veux dire, c'est que c'était la première fois que je partais sans mes parents, juste avec Nola pour me tenir compagnie et franchement, je ne regrette absolument pas mon choix. J'ai passé un super été ici, je pense même avoir grandi, enfin avoir mûri plutôt parce que bon... niveau taille c'est pas encore ça. En tout cas, je voulais te remercier d'avoir été notre guide pendant ces quatre semaines de vacances, de nous avoir supportés nous et nos lubies de vacanciers, pour cette soirée que tu as organisé avant notre départ et pour tout ce que tu as fait pour nous.

Je ne savais pas si c'était à cause du reflet de la lune ou non, mais les orbes de Noé semblaient humides. Toujours est-il que le jeune Montdesboisien passa un bras autour de mes épaules, puis il déclara, comme unique réponse à ma tirade de reconnaissance.

— Hortense, t'es la plus bonne-bonne-bonne de mes copines.

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Waouh.
Ça fait bizarre les gars, de se dire que tout est fini, que plus jamais j'écrirai de chapitre du point de vue d'Hortense. Je... Ça va me manquer, mais genre vraiment.

Alors j'espère que ce chapitre vous aura plu, qu'il aura été à la hauteur de vos attentes et que je serai restée fidèle à mon cher personnage, cette maladroite qui a vu le jour il y a presque un an.

J'attends pas vraiment de commentaires de votre part sur le parcours de cette dernière (parce que peut-être que vous vous en fichez royalement mdrr) mais je tenais à vous dire qu'elle va me manquer.

C'est comme si une page de ma vie se tournait dès à présent, comme si l'insouciance que représentent Montdesbois et mes histoires à elles seules faisait désormais partie de mon passé. Je crois que ces deux dernières années ont été mes préférées sur Watty, Montdesbois m'a vraiment apporté ce quelque chose en plus, ce petit truc qui me poussait à écrire encore plus que d'habitude.

Alors je sais pas si ça vous a plu, je ne vous force pas non plus à le penser (du moins, si vous lisez c'est que l'histoire vous plaît un minimum), mais moi je voulais vous remercier d'avoir été là pour moi et d'avoir pris de votre temps pour le consacrer à la lecture de mes œuvres.

Voilà voilà.

On a fait une note d'auteur avec Noé, mais je tenais tout de même à vous dire ces quelques mots, parce que je pense que c'est important d'être reconnaissant envers ses lecteurs et lectrices, car sans vous, je serais rien.

Alors merci. Merci d'avoir suivi les aventures d'Hortense et j'espère que le dernier chapitre que vous aura concocté Noé vous plaira.

Bonne journée / soirée !

-missIndecise



chapitre de :
-missIndecise

il y a un petit
anachronisme
à la fin du chapitre
("Copines" est sorti
au mois d'août
et cette histoire
se déroule en juillet)
mais bon, c'était
trop tentant mdrr.

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