76 | « Noé, fais-moi monter dans ton arche si tu veux mais sauve-moi ! »

N O L A
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          — HORTENSE, TU PEUX ME PRÊTER tes baskets blanches pour la soirée ?

Ma meilleure amie était en train d'appliquer son mascara à l'aide d'un miroir de poche, quand je m'agenouillai à l'entrée de la tente que nous partagions. Elle délaissa un instant son reflet pour m'adresser un regard suspicieux et me détailler de haut en bas.

— Tu rigoles, j'espère ? me répondit-elle enfin. À la fin de la soirée elles seront devenues noires. Je te connais, Nola.

— Mais non, promis j'en prendrai soin.

— Quand tu seras bourrée, tu oublieras complètement de faire gaffe à mes chaussures, m'accusa Hortense.

— Rappelle-moi qui était dans le mal à cause de l'alcool pendant notre dernière soirée ? demandai-je en posant les mains sur mes hanches.

Hortense ouvrit la bouche, puis la referma en grommelant quelque chose dans sa barbe inexistante. Sûrement des insultes à mon égard. En attendant, j'avais marqué un point. C'était d'ailleurs à contrecœur qu'elle me désigna sa valise d'un geste de la tête. Ravie, je m'empressai d'attraper les chaussures tant convoitées.

— Vous êtes prêtes ? s'enquit Maël en se penchant pour regarder à l'intérieur de la tente.

Hortense ferma son miroir, après avoir appliqué une dernière touche de rouge à lèvres carmin et décreta qu'elle était fin prête à partir. De mon côté, je finis de lacer les chaussures de ma meilleure amie avant de me lever. Après un regard autour, je constatai l'absence de Dorian et Jules : Maël était le seul garçon présent qui nous attendait.

— Où ils sont les deux guignols ? Me dit pas qu'ils sont partis sans nous, rouspéta Hortense en s'extirpant de la tente.

Un sourire moqueur apparut sur le faciès du blondinet. Il nous désigna sa tente de la tête.

— C'est plutôt nous qui allons partir sans eux s'ils continuent à mettre autant de temps à se préparer, ricana-t-il.

De là où nous nous trouvions, nous pouvions entendre des exclamations provenant de la tente des trois garçons. J'aurais juré avoir entendu Jules râler car il ne trouvait plus son déodorant, tandis que Dorian se lamentait sur son choix de tee-shirt.

— Je te conseille le rouge, cria Maël les mains en porte-voix en se moquant ouvertement de son ami.

Un grognement suivit sa déclaration avant que les deux retardataires ne s'extirpent de la minuscule tente qu'ils partageaient. Visiblement Dorian avait suivit le conseil du blond, car il arborait un tee-shirt rouge tel la carrosserie de Flash McQueen dans le dessin animé Cars — accessoirement assorti au rouge à lèvres d'Hortense.

— Enfin, m'exclamai-je. Ça serait cool qu'on se dépêche parce qu'on a encore tout Montdesbois à traverser pour arriver jusque chez Noé.

— De vrais divas, ne put s'empêcher de commenter Hortense.

Les deux Bordelais levèrent les yeux au ciel mais ne répondirent rien. Nous prîmes alors la route conduisant au centre de Montdesbois, après être sortis du camping Les Trois Dauphins. Le franco-allemand avait organisé une soirée chez lui, en quelque sorte pour fêter notre départ, même si la moitié des invités était de parfaits inconnus pour nous.

En somme, c'était davantage un moyen et un prétexte de faire la fête plutôt qu'autre chose. Même s'il ne nous restait qu'une journée — que dis-je, une mâtinée — dans la région provençale avant notre départ.

Nous arrivâmes enfin devant la maison de Boucle d'or. Elle n'avait pas changé depuis la dernière fois que nous étions venus, la fois où nous avions essayé le ventre qui glisse dans le jardin — et où Dorian avait failli faire une commotion cérébrale. Les murs n'étaient pas assez épais pour empêcher le son de passer au travers, aussi je distinguais aisément le refrain d'une chanson d'Aya Nakamura.

Noé vint aussitôt vers nous en nous voyant arriver dans le jardin, après avoir contourné la bâtisse. Deux grandes tables avaient été dressées. Sur l'une d'elle reposaient plusieurs pizzas et quiches ainsi que quatre grands bols de chips. Tandis que sur l'autre avait été exposées, de manière parfaitement alignée, les bouteilles d'alcools et un saladier de punch. L'intérieur de la maison était plongé dans le noir, mise à part les néons lumineux dans le salon pour délimiter la piste de danse.

Hallo Jungs, nous salua l'adolescent en allemand, un large sourire sur le visage. Vous êtes presque en retard !

— Dorian et Jules n'avaient pas fini de se pomponner, ricana Maël en jetant un coup d'œil à ses amis.

Jules adressa son plus beau majeur au blondinet. Puis Noé nous présenta quelques uns des adolescents présents. C'est avec une grande surprise que je me retrouvai face à la fille avec laquelle j'avais échangé mon bracelet lors de la dernière soirée. Elle se présenta comme Olive Joly, et fût rapidement rejointe par le garçon à l'accent italien que j'avais déjà rencontré lui aussi.

Après m'être excusée d'avoir déboulé comme une furie pour échanger mon bracelet avec le sien, je me fis entraîner sur la piste de danse par Basile et Juliette.

J'avais perdu Hortense, Maël et Jules de vue depuis un bon moment quand Dorian déboula comme une furie à l'intérieur de la maison, une bouteille de Get 27 dans la main.

— Whouhouuuuu, hurla-t-il en commençant à se déhancher grossièrement sur "Cette année-là", la mythique chanson de Claude François. C'ÉTAIT L'ANNÉE... SOIXANTE-DEUX !

Évidemment, il ne faisait absolument pas attention à ses mouvements et, après avoir donné un coup de coude dans le nez de Basile, il renversa la moitié du contenu de sa bouteille sur Juliette et moi. Je constatai avec soulagement que mon tee-shirt avait été épargné et que les taches ne se voyaient pas sur mon jean noir. Ce qui n'était pas le cas de Juliette dont le haut avait été littéralement recoloré en vert bouteille.

— En plus ça part pas au lavage le Get, pesta celle-ci.

Je lui répondis par une grimace avant d'être soudain prise d'un affreux pressentiment. Je baissai les yeux vers mes pieds et découvris avec horreur que l'alcool avait taché mes chaussures. Ou plutôt, les chaussures adorées — et neuves — d'Hortense. Je manquai de m'étrangler avec ma salive, avant de me précipiter dans la salle de bain pour essayer de réduire la catastrophe.

Le pied posé sur le bord du meuble du lavabo, j'essayais tant bien que mal de  masquer mes dégâts en mouillant un mouchoir. Sans succès. Pire encore, la tache, bien que pâlie, s'était agrandie à force de frotter. Je me frappai la tête du plat de ma main. Les Converses étant en toile, à partir du moment où l'alcool les avait tachées, je pouvais bien me saigner à frotter ça ne partirait pas.

— Hortense va me tuer, soufflai-je d'un air désespéré.

— Nola ? m'appela Noé en toquant à la porte de la salle de bain. T'es là ? Je voulais savoir si t'avais pas vu..

Il n'eut pas le temps de continuer que j'avais déjà ouvert la porte et le tirai à l'intérieur de la pièce, avant de la claquer à nouveau. Avant qu'il n'eut le temps de sortir une connerie, je l'avais déjà attrapé par les épaules.

— Noé, fais-moi monter dans ton arche si tu veux mais sauve-moi ! Par pitié !

Le franco-allemand ouvrit grand les yeux.

— Euh, Nola, me dit pas que t'es encore bourrée ?

— Comment ça encore ? m'insurgeai-je. Tu ne m'as jamais vu bourrée que je sache !

— Ok, ok, tempéra le Montdesboisien. Bon, maintenant tu m'expliques de quoi je suis censé te sauver ?

— D'Hortense, répondis-je avec une grimace. Si elle découvre ce que j'ai fait, elle va me tuer !

Noé haussa les sourcils d'un air perplexe et pencha légèrement la tête sur le côté, signe qu'il attendait que je continue.

— Ah ? Et tu as fait quoi pour la mettre dans cet état-là ? Me dit pas que t'as..., débuta le blondinet en écarquillant les yeux, s'imaginant d'ores et déjà un millier de choses, toutes plus fausses les unes que les autres.

Je lui montrai les Converses tachées de Get 27.

— J'ai taché ses chaussures.

— C'est tout ? rétorqua Noé en laissant échapper un petit rire.

— Hortense est hyper carrée avec ses affaires. Elle supporte pas que je lui en emprunte parce qu'elle pense que j'en prends jamais soin. Bon, là elle a pas tort pour le coup, avouai-je à mi-voix.

— Donc si elle s'en aperçoit, t'es morte si je comprends bien ? pouffa Noé, insensible à ma panique grandissante.

— Exactement.

Le blondinet m'adressa un clin d'œil, complice.

— Ok, demain on arrivera à trouver un produit pour les laver. En attendant, il te reste plus qu'à l'éviter le restant de la soirée si tu tiens à la vie, Nola.


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chapitre de :
chercheusedemots

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