75 | « Tant qu'on y est, autant finir sur une crise de panique »

H O R T E N S E
__________


           — ÇA VA TON ÉPAULE ? demandai-je à ma meilleure amie après avoir avalé ma bouchée de barbe à papa.

Pour toute réponse, Nola se contenta de grogner et je compris que cela signifiait qu'il valait mieux qu'on en reste là. Décidément, les auto-tamponeuses n'avaient pas du tout été une réussite et ce, pour n'importe lequel d'entre nous. Maël et Jules se plaignaient d'avoir été persécutés par des gars mesurant deux têtes de plus qu'eux, tandis que Dorian, qui lui ne semblait pas avoir eu d'ennuis — autre que de légers maux d'estomac —, se contentait de gober les churros qu'il s'était acheté.

— On fait quoi maintenant ? demanda le métisse, les yeux pétillants face à toutes les attractions défilant sous ses iris sombres.

C'était bien le seul qui avait encore envie de faire quelque chose — comme d'habitude j'avais envie de dire. Dorian, il était vraiment pire qu'un gosse : je priais sincèrement pour qu'un jour il se fatigue et arrête de nous traîner dans des endroits tous plus louches les uns que les autres — vraiment, La Panthère Rose ça avait été quelque chose. Toujours est-il que je me contentai de hausser les épaules, lasse de réfléchir et puis je devais tout de même avouer que notre accident avec Nola, il y avait de cela plusieurs minutes désormais, m'avait un tantinet barbouillée.

Vous ne pouviez pas savoir la peur que j'avais ressenti lorsque j'avais compris que le volant et le frein étaient bloqués. C'était comme si ma vie avait défilé devant mes yeux, en version accélérée, et j'avais entrevu tous les événements marquants de ces dernières semaines. Les moments passés aux côtés de Maël, le vol du saucisson à Montdesbois ou encore la performance musicale de Dorian... Tout était repassé bien trop vite devant mon air livide et alors que j'étais paralysée de la tête aux pieds, Nola s'était mise à me crier dessus, espérant me ramener à la raison.

Et elle avait bien fait, parce que sinon on aurait fini encastrée plus profondément dans ce mur en mousse.

— Franchement, tant que ça n'implique pas de conduire un véhicule potentiellement dangereux ou encore de faire face à des gorilles sans scrupules, j'suis preneur, répondit Jules en se massant les tempes.

Maël hocha de la tête et ajouta que lui aussi n'avait pas trop envie de jouer sa vie une seconde fois. Ce que je comprenais parfaitement et visiblement, Nola aussi. Alors Dorian en grand expert des fêtes foraines qu'il était, se mit à chercher du regard une attraction susceptible de plaire au restant de la bande. Puis il laissa échapper un "ah ah" tonitruant, avant de nous entraîner dans son sillage, sans pour autant juger nécessaire de nous donner plus d'informations.

La foule était dense à cette heure-ci et j'en conclus que plus d'une personne s'était passée le message pour venir ce soir-là. Cette fête foraine devait être la seule dans les alentours, sans quoi je ne pouvais pas expliquer pourquoi autant de gens affluaient en ce moment. Aussi nous dûmes nous frayer un passage à travers les passants, esquivant la peluche surdimensionnée qu'avait remporté un petit garçon et zigzaguant entre un couple de forain et des clients en colère.

— Doivent pas être commodes ceux-là, remarqua Maël alors qu'ils disparaissaient derrière nous et j'approuvai d'un signe de la tête.

Finalement, nous débouchâmes face à une petite bâtisse bancale, aux volets dépareillés cloués par des planches de bois. Sur ces dernières avaient été glissés des prospectus décrivant les termes "Danger" ou encore "Zombie à l'intérieur". J'arquai un sourcil en détaillant ce qui devait être un train fantôme et glissai un coup d'œil en direction de la cabane du forain. Je laissai échapper un cri bref en apercevant le masque à gaz qu'il arborait, alarmant les quatre bouffons situés autour de moi.

Dorian eut le temps de faire tomber la moitié de ses churros restants par terre, et Maël s'était déjà mis en situation de combat. Nola et Jules, quant à eux, se contentèrent de me juger du regard et j'en conclus qu'ils n'étaient guère compatissants vis-à-vis de mes frayeurs. Bande d'ingrats.

— Alors c'est ça ta grand idée ? Un train fantôme ? demanda Maël d'un air perplexe, après avoir laissé retomber ses bras le long de son corps.

— Bah ouais, se contenta de renchérir Dorian en soufflant sur ses churros pleins de poussière. On va pas conduire de véhicule dangereux et je pense pas qu'il y ait de gorille poilu dans cette maison hantée. Je crois qu'ils sont plus zombies et autres monstres à ce que j'ai cru comprendre, ajouta le métisse en désignant les affiches d'un coup de menton.

— Moi j'suis grave partante en tout cas ! s'enthousiasma Nola et je devais vous avouer que le contraire m'aurait grandement étonnée.

— Tant qu'on y est, autant finir sur une crise de panique, soupirai-je alors que Maël et Dorian prenaient nos places. Par contre, je monte pas avec toi, Nola, pas après ce qui s'est passé tout à l'heure aux auto-tamponeuses.

— Je suis tout à fait d'accord, approuva ma meilleure amie en attrapant l'avant-bras de Jules. Viens, on va monter tous les deux : avec un peu de chance on finira pas dans le décor cette fois-ci !

Je ris jaune l'espace d'un instant et les observai s'éloigner tous les deux vers les wagons après que Maël leur ait donnés leurs places. Ils étaient mignons ensembles, dans le genre grands conspirateurs de plan foireux. Moi qui n'avais jamais réellement vu Nola en couple — à part au collège et encore —, j'étais plutôt heureuse qu'elle ait trouvé Jules, même si cela n'allait pas durer éternellement. Ils s'étaient plutôt bien trouvés tous les deux, et puis ils avaient bien fait de ne pas se précipiter et de ne rien prendre au sérieux — tout le contraire de Maël et de moi en somme.

Vraiment, ça allait me manquer de les voir ensemble.

— Hortense ? Tu montes avec moi ? proposa Maël en revenant vers moi, s'emparant au passage du dernier bout de ma barbe à papa.

Je m'insurgeai brièvement contre le blond, avant de me rappeller que ce n'était que du sucre.

— Si tu veux, répliquai-je en m'en allant jeter le bâtonnet sur laquelle reposait jusqu'alors ma confiserie. Par contre, tu crois que c'est vraiment sage de laisser Dorian tout seul ? Dans un train fantôme ?

— Oh, il est grand hein ! Je te rappelle tout de même qu'il a dix-huit ans. Il peut bien rester tout seul dans un wagon, on sera juste devant lui en plus...

Je me contentai de hausser les épaules, indifférente, et finis par suivre Maël jusqu'au wagon le plus proche. Le forain qui gérait l'entrée et la sortie s'approcha de nous et récupéra nos billets avant de nous laisser nous asseoir. Devant nous, Nola et Jules spéculaient d'ores et déjà quant aux monstres et créatures qui pouvaient bien se trouver dans cette attraction. Finalement, Dorian nous rejoignit et non content d'être seul — il avait toute la place pour lui et ça l'arrangeait — il se laissa retomber contre le dossier.

— On se revoit tout à l'heure, les nazes ! s'exclama Jules alors que leur wagon se mettait en marche.

— Qui fait le malin tombe dans le ravin, ironisa Maël lorsqu'ils furent engloutis par la pénombre du train fantôme.

J'approuva d'un hochement de la tête et l'instant d'après, notre wagon s'actionnait lui aussi. Nous saluâmes Dorian qui désormais, demeurait seul à l'extérieur de l'attraction, et nous passâmes bientôt le rideau de velours qui cachait l'intérieur de la maison hantée. Des cris stridents résonnèrent immédiatement à mes oreilles et je me demandai à qui ils pouvaient bien appartenir. C'était sûr et certain qu'ils ne venaient pas de Nola et de Jules : ils étaient trop proches de moi et les bruits que j'entendais semblaient lointains.

— C'est calme, j'aime pas beaucoup ça, chuchota Maël en plissant les yeux — du moins j'imaginais que c'était ce qu'il était en train de faire, à vrai dire, on ne voyait pas très bien.

Et comme si les employés de la fête foraine avaient entendu les dires de mon ami, une femme vêtue d'une robe ensanglantée surgit de nulle part, nous flanquant une frousse sans nom. Je hurlai à plein poumons et sursautai de plus bel lorsque Maël se rua sur moi, effrayé par un zombie qui venait de débouler de l'autre côté. Alors nous nous blottîmes l'un contre l'autre, nous égosillant tels des enfants de cinq ans.

Nola et Jules n'en menaient pas plus large que nous et si on avait fait un concours de hurlements, ceux de Jules auraient battu des records. Lorsque la première vague de frayeur fut retombée, j'en profitai pour me retourner en direction de Dorian, et ce que je vis me laissa perplexe plus d'un instant. À mes côtés, Maël échappa un ricanements nerveux.

Dorian venait de donner un coup poing en plein dans le nez de la Dame Blanche.

||°

chapitre de :
-missIndecise

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top