74 | « Hortense, on fonce dans le mur là ! »

N O L A
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         — OH, REGARDEZ un stand de barbe à papa ! s'exclama Dorian avec ravissement.

Je lui lançai un regard exaspéré. Nous venions tout juste de sortir de table après nous être gavés des tacos, que Jules et Hortense étaient gentiment allés chercher au snack-bar mexicain Chez Pablo. Aussi c'était tout simplement impossible qu'il reste de la place dans l'estomac du métisse. À moins qu'il n'en possède un deuxième.

— On ferait mieux de profiter des attractions d'abord, proposa sagement Maël.

Pour l'une de nos dernières soirées dans le village de Montdesbois, nous avions décidé à l'unanimité d'aller à la fête foraine située juste à côté. Noé et sa bande n'avaient pas pu nous accompagner, nous nous y étions donc rendus tous les cinq. Comme au bon vieux temps.

— On commence par quoi ? m'enquis-je subitement en jetant un coup d'œil aux alentours.

Nous avancions difficilement au milieu des enfants qui couraient de partout en hurlant comme des dégénérés. C'était assez invraisemblable de voir autant de monde rassemblé dans un coin de Provence paumé.

— Et si on allait aux auto-tamponneuses ? proposa Jules.

— C'est pas un peu enfantin ? réagit Hortense en haussant les sourcils.

Le jeune homme leva les yeux au ciel et désigna la piste des auto-tamponeuses. Aussitôt, ma meilleure amie se tourna dans la direction qu'il pointait du doigt.

— On dirait qu'il y a un côté pour les enfants et un autre pour les plus grands.

Et en effet la piste avait été divisée en deux parties distinctes par des cubes en mousse. D'un côté, la moyenne d'âge frôlait la dizaine d'années, tandis que de l'autre, des jeunes d'environ vingt ans hurlaient comme des possédés en faisant des tonneaux à tout va.

— Pourquoi j'ai la désagréable impression que cette histoire va mal se finir ? grogna Hortense en emboîtant le pas de Jules, qui semblait d'ailleurs très impatient de conduire un bolide.

— Parce que tout se finit toujours mal avec nous, répondis-je d'un air faussement triste.

Nous rejoignîmes Jules et Dorian qui étaient d'ores et déjà en train de régler la somme nécessaire pour participer à l'attraction. Le jeune qui s'occupait de la caisse nous demanda de faire des groupes de deux. Tout naturellement, Hortense et moi nous mîmes ensembles tandis que les trois garçons se disputaient pour savoir qui d'entre eux resterait tout seul. Finalement, Dorian déclara d'un air dramatique que ses deux compères conduisaient comme des manches et que pour sa sécurité — et pour préserver son physique de dieu — il préférait être seul au volant.

Au moment où j'allais m'installer à la place du conducteur, Hortense me prit de vitesse.

— Mais tu ne sais pas conduire, protestai-je les yeux écarquillés. J'ai le permis, moi !

— C'est une auto-tamponneuse, Nola, grinça Hortense en me désignant les enfants sur la piste d'à côté. Même des gosses de dix ans conduisent ces trucs. Puis je dois tout de même te rappeler que je sais conduire ! J'ai déjà mille quatre cents kilomètres à mon actif.

— En plus Nola, je suis sûr que ces gamins conduisent mieux que toi, ricana Jules en passant à côté de nous.

Je lui adressai mon plus beau majeur avant de daigner m'assoir à côté de ma meilleure amie. Ça me faisait tout drôle d'être installée du côté passager avec Hortense au volant. Même si ce n'était qu'une attraction.

— Vous avez payé pour vingt minutes, nous indiqua le caissier avant de nous laisser le champ libre.

Jules, qui était au volant de l'auto qu'il conduisait avec Maël, démarra à fond les ballons pour directement foncer dans le bolide d'un autre duo de jeunes. Ces derniers avaient la vingtaine d'années et deux têtes de plus que les deux bordelais. Visiblement ils n'avaient pas apprécié la collision car ils s'appliquèrent par la suite à poursuivre nos amis sur toute la piste, dans le but de les éjecter de leurs sièges.

— Bon, tu démarres, Hortense ? m'impatientais-je en entendant Jules et Maël hurler à pleins poumons en prenant un virage compliqué.

— Deux secondes, souffla ma meilleure amie.

Après un démarrage saccadé, Hortense sembla avoir trouvé comment fonctionnait l'auto-tamponneuse car elle allait beaucoup plus vite qu'au départ. Peut-être un peu trop d'ailleurs.

— C'est trop cool, s'extasia-t-elle en prenant goût à la vitesse, à mon plus grand damne.

Au moment où elle accéléra, Dorian surgit de nulle part juste devant nous. La collision fut violente car nous manquâmes de passer par dessus le capos. Je me fis violence pour ne pas rendre les tacos que j'avais avalé un peu plus tôt. Hortense ne m'aurait pas pardonnée d'avoir gâché de la nourriture mexicaine.

À côté de nous, le visage de Dorian avait perdu sa couleur et virait doucement vers une étrange couleur verdâtre.

— Je crois que je vais vomir, articula-t-il difficilement.

Il abandonna son auto en plein milieu de la piste pour se ruer en dehors, mains devant la bouche. Nous grimaçâmes de dégoût en le voyant se pencher en avant et rendre tout le contenu de son estomac au pied de la tente d'une diseuse de bonnes aventures.

Dorian ne revint d'ailleurs pas sur la piste et préféra attendre sagement sur le côté que nous ayons terminé. Jules et Maël s'étaient excusés une bonne centaine de fois auprès des deux jeunes, après que ces derniers aient cabossé leur auto-tamponeuse en leur rentrant dedans. Maël avait perdu un bout de dent en se cognant contre le tableau de bord et Jules saignait du nez depuis qu'il avait essayé d'embrasser son volant.

Après avoir foncé dans la moitié des gens présents sur la piste car Hortense avait du mal à concilier vitesse et direction, je consultai la montre que j'avais au poignet.

— Eh, Hortense, ça va bientôt être l'heure, l'informai-je en désignant les aiguilles sur le cadran.

Pas de réponse.

— Tu m'écoutes quand je parle ?! m'insurgeai-je alors.

N'obtenant toujours aucune réponse de ma meilleure amie, je tournai la tête vers elle. Elle était livide, les yeux braqués devant elle et ne semblait pas du tout apte à m'écouter.

— Hortense ? Ça va ?

J'allais lui demander ce qui n'allait pas quand je constatai qu'on allait beaucoup, beaucoup trop vite et qu'il était peut-être temps de freiner.

— Eh, t'attends quoi pour freiner ?! Hortense, on fonce dans le mur là !

— Je peux pas, marmonna ma meilleure amie d'une petite voix.

J'avais brusquement très froid, mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine en me rappelant les paroles d'Hortense avant qu'on ne commence l'attraction. J'avais un très mauvais pressentiment.

— Comment ça tu peux pas ? questionnai-je de nouveau en deglutissant bruyamment.

— Le volant et la pédale de frein sont bloqués, minauda cette dernière, les yeux rivés droit devant elle.

J'émis un couinement en voyant qu'on se dirigeait à toute vitesse vers le mur de mousse qui séparait les deux pistes. À côté de moi, Hortense semblait à deux doigts de s'évanouir.

— On saute ! hurlai-je.

Avant que je n'eus le temps de sortir de l'auto, Hortense m'avait attrapée par le tee-shirt pour me forcer à garder ma place.

— T'es malade ? Tu vas t'écraser sur la piste et te faire rouler dessus par cette bande de dingues !

— On fait quoi alors, Einstein ? ironisai-je en me m'attendant d'ores et déjà au pire.

— On se prépare à la collision ! cria Hortense en se couvrant les yeux avec ses mains.

De mon point de vue, c'était une très mauvaise idée. Mais sauter en marche pour passer sous les roues de dégénérés n'était pas réellement mieux. Le mur de mousse se rapprochait dangereusement et nous nous mîmes soudainement à hurler.

— AAAAAAAAAAHHHHHH !

Après deux tonneaux, nous nous prîmes les cubes de mousse dans la figure. Cela eut le mérite de faire ralentir l'auto mais aussi de la déstabiliser. Cette dernière chuta sur le côté, nous éjectant en même temps du véhicule, avant de continuer sa glissade jusqu'à la cabane du caissier qui s'en échappa en hurlant.

— Nola, gémit Hortense en se frottant le dos. Pourquoi ça finit toujours en catastrophe avec nous ?

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chapitre de :
chercheusedemots

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