H O R T E N S E
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          SELON NOÉ, notre guide touristique ambulant, la pizzeria Rizzo était un endroit incontournable de Montdesbois. Située en contre-bas du village, tout près d'un hôtel quatre étoiles, il s'agissait d'une petite bâtisse typiquement italienne, avec des moulures autour des fenêtres. Les volets vert sapin s'accordaient à merveille au drapeau italien suspendu près de l'entrée — bien que je trouvais cela légèrement too much. De même, une glycine blanche s'étirait le long de la façade, entremêlée de lierre.

— Ils font des pizzas vegans ici ou non ? s'enquit Dorian en descendant de la voiture.

Nola avait pris les devants et avait proposé que l'on prenne sa Clio rouge pour une fois, histoire de faire économiser un peu d'essence à notre ami métisse. Néanmoins, je n'étais pas certaine qu'il s'agissait d'une bonne idée. Nola conduisait tellement brusquement et dangereusement que par moment, je me demandais si elle n'avait pas passé son permis sur Mario Kart. Toujours est-il que je m'étais fait la promesse de veiller à ce que rien de fâcheux ne nous arrive, aussi avais-je pris la place de copilote, laissant la banquette arrière aux trois boulets — ça non plus ça n'avait pas été la meilleure des idées.

Enfin, Noé nous avait rejoint quelques instants plus tard, chevauchant son fidèle vélo cabossé. Comme convenu, il n'avait pas prévenu Ulysse de notre petite soirée, pour le plus grand bonheur de Dorian qui déjà, salivait rien qu'en scrutant la carte des pizzas accrochée à l'extérieur du restaurant. Les prix n'étaient pas exorbitants, aussi j'avais tout juste assez pour me payer l'équivalent de deux pizzas.

— Je sais pas mec, pourquoi tu me demandes ça ? Tu veux en manger une ? répondit Noé en haussant les épaules.

Dorian grimaça suite à la question du blondinet et Jules laissa échapper un éclat de rire.

— Le jour où Dorian sera vegan, les poules auront des dents, se justifia-t-il en passant une main dans ses cheveux mordorés.

J'ai vu ton regard Nola tu sais, pas besoin de faire l'innocente.

— C'est bien ce que je me disais ! rit Boucle d'or en accordant une tape sur l'épaule de Dorian. Bon, on reste plantés là ou on va manger ?

— On va manger, nous rétorquâmes tous en même temps et Noé éclata de plus bel de rire.

La porte de la pizzeria était grande ouverte, aussi nous pénétrâmes aisément dans la bâtisse de pierre. La réceptionniste leva la tête en nous apercevant et un sourire commercial vint immédiatement illuminer son visage luisant. Elle nous conduit à une petite terrasse extérieur, ses fidèles menus à la main et nous les distribua une fois que nous fûmes confortablement installés. La cour intérieure ressemblait en tout et pour tout à un atrium romain. Avec sa petite fontaine et ses mignonnes tables rondes, c'était l'endroit rêvé pour passer une soirée entre amoureux.

— Je vous sers quelque chose à boire ? s'enquit-elle, sa queue de cheval blonde s'agitant dans son dos.

Je jetai un coup d'œil en direction de Nola et soutint son regard, espérant la dissuader de commander un verre d'alcool. Il fallait tout de même qu'elle se souvienne qu'elle conduisait, aussi n'avait-elle pas le droit de boire. Et par sécurité, moi non plus — le souvenir de moi en train de voler un fût de bière me hantait toujours si vous vouliez tout savoir.

— Un Coca-Cola, demanda ma meilleure amie, avant de se faire couper par Dorian qui en réclama un aussi.

— Un Orangina, s'il vous plaît, lâchai-je à mon tour, me tournant vers les trois derniers garçons.

— Et pour nous trois bières, acheva Noé en adressant un clin d'œil à la serveuse.

Mon dieu.

Cette dernière ne releva pas le geste du blondinet et se contenta de s'en aller, son carnet de commande à la main. Nous en profitâmes pour plonger dans la carte des pizzas, savourant du regard les délicieux noms inscrits dessus. Le silence régnait parmi notre petit groupe de bras cassés, aussi nous relevâmes tous la tête lorsque des exclamations retentirent de l'autre côté de la cour.

— Rohh tu vas pas commencer à me faire chier, hein ? Déjà que je suis gentille de t'inviter, fais pas la fine bouche non plus !

— Toujours aussi aigrie chère cousine, constata une deuxième voix, un peu plus aiguë que la première.

Jules tendit l'oreille et Noé fronça les sourcils. Même Maël et Dorian semblaient intrigués par ces deux timbres féminins. De notre côté avec Nola, on savait pas trop où se mettre. Alors je me redressai légèrement sur mes avant-bras, tentant de déterminer l'origine de ce boucan. Lorsque mes yeux se posèrent sur deux adolescentes, l'une rousse et l'autre brune, aucun éclair de génie ne traversa mon esprit. On ne pouvait cependant pas en dire autant de Jules, qui s'exclama :

— Darla ?!

La prétendue Darla se retourna à l'entente de son prénom, un air furieux sur son visage aussi pâle qu'un iceberg. Ses nattes rousses volèrent brusquement lorsqu'elle se détourna, frappant de plein fouet la joue de la fille assise à ses côtés. Néanmoins, ses traits tirés se détendirent lorsque ses deux iris noisettes se posèrent sur notre ami brun, et un large sourire s'étira sur ses lèvres gercées lorsqu'elle aperçut Noé à ses côtés.

— Euh... C'est qui déjà ? me chuchota à l'oreille Nola, soudainement très intéressée.

C'est sûr que lorsqu'il s'agissait de Jules, elle était toujours présente.

— Sa cousine... ou un truc comme ça, répondis-je en me souvenant vaguement de ce que nous avait dit Jules au début des vacances.

Nola se contenta de hocher de la tête, visiblement rassurée. Jules quant à lui s'était levé et tapa dans la main de la rouquine, avant de saluer la brunette qui l'accompagnait. Darla remarqua alors la présence de Maël et Dorian, qu'elle embrassa tour à tour, avant de se jeter dans les bras grands ouverts de Noé. Derrière elle, son amie levait les yeux au ciel en mimant une envie de vomir. Enfin, Darla et Noé se décollèrent et Jules fit officiellement les présentations.

— Darla, je te présente Nola et Hortense, des amies qu'on s'est faites au camping.

Je me contentai d'un signe amical de la main, tandis que Nola adressait un "salut !" tonitruant à l'égard de la nouvelle venue.

— Montdesbois c'est vraiment un trou à rat, vous trouvez pas ? lança Darla alors que la brune s'insurgeait depuis la table où elles étaient installées. Rohh ça va Fanny, j'rigole. C'est ma cousine, faut pas faire attention à cette sale gosse.

J'échangeai un bref regard avec Nola, légèrement perdue face à la situation actuelle. Alors comme ça Darla était la cousine de Jules, donc elle connaissait Maël et Dorian, mais elle était aussi la cousine de Fanny, qui semblait d'ici et elle connaissait Noé. Waouh. Je vais finir par avoir mal à la tête si je continue.

Darla échangea quelques mots avec son cousin et le franco-allemand, sous le regard impatient de Fanny. Puis elle retourna s'asseoir à sa table lorsque la serveuse arriva avec nos boissons. C'était à ce moment-là que je me rendis compte que je n'avais pas encore choisi ce que je souhaitais manger. Prestement, je parcourus les différents catégories de pizzas, avant de finir par tomber sur celle que je souhaitais.

— Vous avez choisi ? interrogea l'employée en tapotant nonchalamment son carnet à l'aide de son stylo.

— Une Texane, s'il vous plaît, fus-je la première à déclarer.

— Deux quatre fromages, intervinrent Noé et Maël après s'être concertés.

— Une savoyarde pour moi, ajouta Nola en refermant la carte.

— Et deux Calzone pour nous, achevèrent Dorian et Jules.

La serveuse hocha de la tête et nous lui tendîmes les menus lorsqu'elle eut fini d'écrire. Elle tourna les talons par la suite, avant de s'éclipser en direction des cuisines.

— Les gars... Et les filles, commença Dorian après s'être raclé la gorge. C'est notre avant avant dernière soirée à Montdesbois, je sais pas si vous réalisez mais on va devoir partir et on se reverra plus jamais.

— Dis pas ça mec, on se reverra à chaque vacances et peut-être même à chaque week-end, objecta Maël en accordant une petite tape amicale sur l'épaule du métisse.

— Mais vous je sais qu'on se reverra, on habite dans la même ville espèce de bouffon. Mais je parle de Nola, Hortense et Noé : on les verra plus jamais eux. C'est trop nul.

— Eh Dorian, t'sais quoi, bah on retournera à Montdesbois l'été prochain. Tous ensembles. Et on se refaira des vacances de dingue. Je te le promets, répondit ma meilleure amie sur le ton de la confidence.

— Puis d'ici là, peut-être qu'on aura eu notre bac avec Noé, et vous vous aurez peut-être eu votre première année. Enfin... Pour Nola c'est pas encore gagné, me permis-je d'ajouter avant d'esquiver le coup de Nola.

Les quatre garçons autour de nous éclatèrent de rire et nous les suivîmes. Enfin Noé leva son verre de bière en l'air, tout en clamant :

— À Montdesbois !

Et nous répondîmes, levant nos verres à notre tour :

— À Montdesbois !

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