70 | « Les rois de la glisse ! »

N O L A
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      HORTENSE ME DÉVISAGEAIT INTENSÉMENT, tenant toujours mon bras. Elle paraissait enfin déterminée à savoir ce qui s'était passé lors de cette fameuse soirée dans les bois de Montdesbois, et qui, par ailleurs, avait conduit au départ précipité — alléluia — de Pauline.

— Pour que tu pètes un câble et tombes dans les pommes alors qu'on a prévu de faire un truc cool cette après-midi ? Hors de question ! rétorquai-je.

Pas que Hortense était faiblarde ou prédisposée au malaise, mais bon, mieux valait prendre ses précautions. À cette soirée elle avait quand même fini anormalement alcoolisée, et s'était donnée en spectacle en déversant tout ce qu'elle pensait à propos du couple que formaient Pauline et Maël. Ma seule peur était qu'après elle se sente mal à l'aise vis-à-vis du blond alors que notre petit groupe était enfin redevenu à peu près comme avant.

— Allez, Nola, insista ma meilleure amie. Ça me concerne, j'ai quand même le droit de savoir !

— Non, répondis-je toujours en croisant les bras sur ma poitrine.

Hortense roula des yeux mais je n'avais toujours pas cédé. Seulement, ma meilleure amie n'avait pas encore dit son dernier mot. Et il fallait dire que je m'attendais à ce qu'elle me balance ce qu'elle s'apprêtait à déclarer.

— Dois-je te rappeler le nombre de fois où, moi, je t'ai raconté ce que tu avais fait la veille ? Parce que tu étais trop soûle pour t'en souvenir. Et, je te raconte toujours tout en détail en plus ! s'exclama-t-elle en plissant les yeux.

À mon tour je soupirai d'exaspération. Seulement, Hortense n'avait pas tort. Elle m'avait toujours relatée les conneries que j'avais faites sous l'emprise de l'alcool le matin même, histoire que je ne rate rien. Or, ça faisait deux jours que la fête à Montdesbois avait eu lieu et elle n'était toujours au courant de rien.

— Pour une fois que les rôles s'inversent, c'est vraiment méchant de ne pas..

— Oui, bon, ça va, ça va ! Ok, je vais tout te raconter, abdiquai-je finalement en effectuant des signes d'apaisement avec mes mains.

Un sourire en coin apparut sur le visage d'Hortense et elle me fit signe qu'elle était tout ouïe pour écouter ce que j'avais à lui dire.

— Ok, commençai-je en me frottant le front pour essayer de me rappeler par quoi débuter. Bon, déjà tu avais beaucoup trop bu.

— Sans blague ? ironisa-t-elle en levant les yeux au ciel.

— Tais-toi, sinon je te raconte pas. Moi, je t'ai jamais coupée quand tu me racontais mes soirées hein.

Hortense me répondit par une grimace mais ne dit rien alors je continuai mon récit.

— Bon, alors on discutait tranquillement quand tu as débarqué et tu t'es ruée vers Maël et Pauline. Je t'avoue que j'ai demandé à Jules et Noé de ne pas intervenir parce que voilà, c'était une occasion en or et sur le coup je suis sûre que ça t'as fait du bien.

— Sauf que je ne m'en souviens pas, s'impatienta Hortense en tapant du pied. Alors, qu'est ce que j'ai dit ?

Au loin, on entendait Noé et le restant de la bande qui riaient aux éclats suite à une blague de mauvais goût de Jules. Je vous avoue que j'avais eu du mal à me retenir de sourire en l'entendant. Néanmoins, les sourcils froncés et l'expression agacée d'Hortense me rappella à l'ordre.

— Si t'arrêtais de me couper, tu le saurais déjà je te signale.

Cette fois, c'est moi qui tirai la langue vers Hortense dans un geste particulièrement enfantin.

— T'as clairement dit à Pauline qu'elle avait rien à foutre ici, et qu'elle avait foutu le bordel dans notre groupe, poursuivis-je. Tu as aussi dit que tu ne sortais pas du tout avec Noé, que c'était avec Maël que tu avais flirté. Tu as aussi précisé le nombre de fois où vous vous étiez embrassés : deux fois, pour être précise. Après, tu as dit à Pauline que Maël était venu te voir soi-disant parce que tu lui ressemblais. Et là, ben là tu lui as tout balancée à la gueule en lui rappelant qu'elle avait lâché son copain juste avant le bac, qu'elle l'avait supplié de revenir alors qu'elle l'avait fait souffrir, que personne ne voulait d'elle dans le groupe.

À mesure que les mots sortaient de la bouche, le visage d'Hortense pâlissait dangereusement. Quand j'eus fini de parler, son teint se rapprochait étrangement de celui de Casper, le petit fantôme.

— Et, j'ai dit un truc à Maël ? déglutit-elle.

— Ouais, tu as sous-entendu qu'il était minable de retourner avec cette pétasse, ce sont tes mots, après tout ce que Dorian et Jules avaient fait pour lui.

Hortense inspira profondément avant de finalement se rendre compte qu'elle s'était simplement contentée de dire ce qu'elle pensait, et que cela avait contribué au retour de notre petit groupe de cinq. Elle ne semblait plus tellement regretter d'avoir abusé sur l'alcool.

— Franchement, c'était grandiose. Jules et Basile ont même applaudi.

Pour le coup, j'aurais mieux fait de fermer ma bouche. Car au prénom du premier, Hortense se rappela qu'elle avait une autre question à me poser.

— Il s'est passé quoi entre Jules et toi ?

— On s'est presque embrassés, déclarai-je dans un murmure las.

— Presque ? s'étonna ma meilleure amie en arquant un sourcil.

— En réalité, c'est un peu de ta faute si on ne l'a pas fait.

Hortense fronça les sourcils en écarquillant les yeux, cela lui donnait une vague ressemblance avec une chouette — ou encore avec Dory, le poisson amnésique du Monde de Némo.

— C'est-à-dire ?

— Et bien, au moment où on allait s'embrasser, tu as débarqué de nulle part en poursuivant Dorian qui hurlait comme un cochon qu'on égorge. Tu étais pieds nus, tu portais un fût de bière au dessus de la tête et tu rigolais comme les hyènes dans Le Roi Lion. Épique comme moment, commentai-je d'un air songeur.

— Je crois que j'ai carrément plus honte de ce moment que d'avoir parlé à Pauline et Maël, minauda Hortense.

Un petit silence s'installa avant qu'on ne le coupe en partant dans un grand fou rire. Sans doute visualisions-nous toutes les deux la scène.

— Bon, on rejoint les autres ? proposai-je.

— C'est parti, répondit Hortense d'un ton enjoué.

Nous rejoignâmes alors les autres. Ils avaient déjà installé une immense bâche en plastique bleu foncée, que Basile avait trouvé dans le garage de son grand-père et emprunté à ce dernier sans autorisation soi-disant. Noé était en train de vider des bouteilles de liquide vaisselle sur la bâche quand nous arrivâmes à sa hauteur.

— T'es sûr d'en avoir assez mis ? ironisai-je en remarquant la dizaine de cadavres de bouteilles de liquide vaisselle qui l'entourait.

Natürlich, für wen nimmst du mich ? rétorqua le franco-allemand avec un sourire en coin.

Je coulait un regard vers Hortense, n'ayant absolument rien saisi de ce qu'il venait de proférer.

— Il a dit "bien sûr, pour qui tu me prends ?", traduisit ma meilleure amie.

Je roulai des yeux et Noé acheva de massacrer ses bouteilles de liquide vaisselle — j'étais absolument persuadée qu'il n'avait absolument pas demandé à ses parents l'autorisation et qu'ils allaient faire une drôle de tête en voyant que toute leur réserve avait disparu.

Pendant que le blondinet s'occupait de la mousse, Basile avait ramené le tuyau d'arrosage des voisins servant habituellement pour le potager. Il se plaça à côté du blond et fit signe à Ulysse et Diane qu'ils pouvaient ouvrir le robinet rouillé. Avec le jet d'eau produit par le tuyau d'arrosage, Luna, Dorian et Jules s'appliquèrent à répartir uniformément la substance savonneuse sur toute la bâche.

— Vous pensez que ça va bien glisser ? s'enquit Maël en nous rejoignant.

Nous n'eûmes même pas le temps de répondre que Dorian s'étalait déjà de tout son long sur la bâche couverte d'eau et de produit dégraissant. Lorsqu'il se releva, la mousse lui avait laissé une petite barbe et nous éclatâmes de rire.

— Les rois de la glisse ! plaisantai-je en voyant Jules et Luna tenter d'avancer sans tomber.

Perfekt ! s'exclama Noé, mains sur les hanches. J'aurais pas cru. La dernière fois qu'on a essayé avec ma sœur et mes cousins c'était un fail complet. Mais là, ça a l'air de drôlement bien marcher !

Dorian, Jules et Luna sortirent tant bien que mal de la surface de la bâche et nous retirâmes nos vêtements afin de ne garder que nos maillots de bain. Cependant Ulysse se ramena avec de vieux t-shirts troués, m'en tendant un au passage.

— Pourquoi on doit mettre un tee-shirt ? demandai-je suite à cela.

— Pour éviter de se brûler, ou de se griffer, me répondit Ulysse alors que j'enfilais un vieux tee-shirt Disney — sûrement un de Luna.

Quelque minutes plus tard, nous étions tous fin prêts et avions hâte de débuter notre nouvelle activité.

— Bon, qui commence ? s'exclama Noé en se tournant vers la petite assemblée.

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chapitre de :
chercheusedemots

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