69 | « Excuse-moi de ne pas être le prochain Tiger Woods de la pétanque »
H O R T E N S E
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EST-CE QUE MA VIE AVAIT DÉFILÉ EN CET INSTANT PRÉCIS ? Non, pas vraiment.
À peine Nola m'avait-elle criée de faire attention que je m'étais jetée au sol, éloignant de mon pauvre petit être, le projectile maladroitement lancé par Dorian. Néanmoins, si j'avais mis ma cause hors de danger, on ne pouvait point en dire autant de Jules. Le Bordelais accusa le coup et la boule de pétanque effleura son bras droit.
— Bordel Dorian ! Tu pourrais pas faire attention l'espace d'un instant ! Puis pourquoi c'est moi qui me tape les boulets à chaque fois ? râla Jules en foudroyant du regard Nola, Maël et Noé.
Toujours à terre, frottant mes genoux couverts de gravillons, je ne me fis guère prier davantage et protestai suite à la remarque de Jules.
— Excuse-moi de ne pas être le prochain Tiger Woods de la pétanque.
Dorian, qui avait fini de se confondre en excuse auprès de son meilleur ami, jugea bon d'ajouter ces mots — après m'avoir aidée à me relever.
— Puis si tu penses être bien trop fort pour nous, t'as qu'à jouer tout seul !
Jules, piqué dans son ego, grommela que c'était ce qu'il s'apprêtait à faire de toute façon et la partie repris. Si on n'y arrivait déjà pas avec Jules dans notre équipe, je pouvais vous assurer que sans lui, c'était encore pire. À chaque fois que j'arrivais à placer correctement une boule, Dorian venait tout gâcher en la visant accidentellement : pourtant c'était facile de s'y retrouver, les boules de Nola et compagnie étaient toutes rouillées.
Jules non plus n'en menait pas large : le brun pestait sans arrêt à chaque fois que l'un de nous venait déloger sa boule, prétextant que l'on s'était tous ligués contre lui. L'exaspération se lisait sur mon visage et — c'était étonnant d'ailleurs — sur celui de Nola également. Ma meilleure amie finit par saturer lorsque Dorian envoya le cochonnet dans un buisson, et elle déclara :
— Bon. Et si on arrêtait de jouer pour aujourd'hui ? Je crois que tout le monde a eu sa dose.
— Et moi j'en ai marre d'avoir les mains couvertes de rouille, râla Maël en scrutant ses paumes salies.
— Pauvre chou, chuchotai-je pour moi-même et Dorian s'occupa d'aller rechercher le cochonnet jaune fluorescent.
Après l'épisode pétanque — qui s'était révélé on ne peut plus catastrophique par la même occasion —, nous nous étions contentés de retourner aux tentes, espérant trouver une quelconque idée pour passer le temps. Jules avait fini de faire la tête, et la mauvaise humeur qui s'était abattue sur notre groupe quelques heures auparavant, s'était désormais envolée. Le crush de Nola nous avait adressés ses excuses, à Dorian et à moi, et le métisse, en grand philosophe qu'il était, avait renchéri :
— C'est pas grave man.
Puis il avait tenté de reproduire le signe du commandant Spock, sans réel succès.
— Les gars, je viens de penser à un truc, lança Noé depuis la chaise de camping sur laquelle il était affalé. Il vous reste même pas une semaine ici...
J'entrouvris la bouche, puis la refermai, prenant peu à peu conscience de cette réalité qui se rapprochait à grands pas. Nous étions le dimanche 22 juillet : dans cinq jours, Montdesbois ne serait plus qu'un lointain souvenir derrière nous. Une boule se forma dans ma gorge, à mesure que je prenais conscience du fait que nous allions tous nous quitter — du moins, tous sauf Nola et moi, on habitait à cinq cent mètres l'une de l'autre.
L'ego surdimensionné de Jules, l'indécision maladive de Maël et la maladresse attendrissante de Dorian, allaient désormais faire partie de notre passé. De même, toutes les personnes fantasques et fantastiques que nous avions croisé jusqu'à maintenant, ne seraient plus que de simples mirages dans notre esprit. Ça me rendait triste à vrai dire : il fallait dire qu'on s'était tellement découvertes avec Nola, tellement épanouies ici-bas, que partir de Montdesbois me fera l'effet d'arracher une partie de mon être.
— La vache j'y pensais même plus, lança subitement Nola en s'asseyant aux côtés de Jules — ben voyons.
Je hochai de la tête pour signifier que moi aussi, j'avais totalement occulté cette réalité de mon esprit. Une semaine, même pas, cinq jours ça allait passer tellement vite ! Il y avait tellement d'activités que l'on n'avait pas encore tenté, mille et unes catastrophes que l'on n'avait pas encore subi. Malheureusement, on ne pouvait pas faire tenir cela en cinq jours, ni rallonger notre séjour. Alors il fallait faire un choix, et les choix, c'était très peu pour moi.
— Noé, tu sais ce que l'on pourrait faire demain ? questionna Dorian en rafistolant sa tong Les Simpson.
Le franco-allemand soupira et pencha la tête sur le côté, réfléchissant. À vrai dire, bien que je savais qu'il nous restait de nombreuses choses à découvrir, j'étais tout de même plutôt à sec niveau idée. Et puis vu qu'il était hors de question que l'on retourne faire du jet-ski ou tout autre activité barbare — on se souvient de la spéléologie des premiers jours —, ça réduisait énormément le champ des possibilités.
— Par contre, faut pas que ça soit extrême, hein ! jugeai-je bon d'ajouter en levant la main pour me faire remarquer.
— Eh bien..., réfléchit le Montdesboisien en se grattant la nuque. Y a toujours le laser game, le trampoline park où le slip and slide..., énuméra Noé avant de se faire interrompre par Maël.
— Oh ! Le slip and slide ça a l'air trop bien !
Alors on s'était tous consultés du regard, puis comme personne n'avait d'objection vis-à-vis de cette idée, on avait tous approuvé.
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— Je peux savoir pourquoi on est chez toi Noé ? demandai-je alors que nous déposions nos vélos rutilants contre un portail en PVC bleu marine, celui des Snapp plus exactement.
— T'as vraiment cru qu'il existait un parc de slip and slide à Montdesbois ? demanda le blond et je sus immédiatement que ma question était stupide. On a juste besoin d'une bâche et de liquide vaisselle, mais vu que le camping est un endroit de collectivité, on n'a pas vraiment le droit de faire ce que l'on veut là-bas.
— Donc si j'ai bien compris, on fait ça dans ton jardin ? reprit Nola alors que Noé nous ouvrait la porte.
— Ja, natürlich, affirma Boucle d'or alors que mes pensées s'éclaircissaient. Et comme c'est plus drôle à plusieurs, j'ai dit à la bande de venir ! Dorian, Ulysse est là spécialement pour toi..., confia Noé en adressant un clin d'œil au métisse.
Je fronçai les sourcils : qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? À en juger par les têtes de mes quatre autres amis, seul Maël paraissait autant dans le flou que moi : Nola et Jules s'adressaient des regards entendus et Dorian fusillait du regard l'Allemand. Lasse de me sentir de trop, je poussai Jules sur le côté et suivis Noé jusqu'à son jardin.
Là-bas, Ulysse, Diane et tout le restant de la bande de Noé — plus Luna, sa sœur — discutaient paisiblement en sirotant des verres de limonade maison. Une immense bâche bleue turquoise avait été installée au niveau d'une petite pente, et un tuyau d'arrosage permettait à un mince filet d'eau de s'écouler.
Je n'avais jamais tenté quelque chose de pareil et à vrai dire, jamais je n'en aurais eu l'idée toute seule : même Nola ne pensait pas à cela quand on s'était concertée la veille. À vrai dire, cela me faisait un peu peur, comme cela me donnait terriblement envie. Il fallait que j'essaie, pour mon honneur et surtout pour dire que je l'avais fait.
La nouvelle Hortense, elle essayait de nouveaux trucs même si cela ne la rassurait pas.
Mes amis arrivèrent à leur tour dans l'espace clos situé derrière la maison des Snapp et une lueur d'impatience brilla immédiatement au sein des iris de Nola. Dorian quant à lui, semblait vouloir disparaître dans un trou et ne refaire surface que lorsque l'apocalypse aurait anéanti le monde. Ulysse le remarqua également et un air gêné se dessina sur son visage chaleureux.
Mais bon sang ! Que s'était-il passé entre eux !
Nola passa près de moi et alors qu'elle s'apprêtait à faire la bise à nos connaissances Montdesboisiennes, je l'attrapai par le bras. Ma meilleure amie parut surprise l'espace d'un instant, mais elle se laissa faire. Je l'entraînai alors de l'autre côté de la maison et lorsque nous fûmes assez loin des autres, je lui demandai :
— Nola, j'ai besoin que tu me dises tout ce qu'il s'est passé lors de la fête dans les bois.
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chapitre de :
-missIndecise
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