67 | « Le caniche m'a ouvert les yeux sur certaines choses »

H O R T E N S E
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          RETROUVER LE CALEÇON DE DORIAN ne fut guère une chose des plus aisées. Déjà, le métisse avait dû se cacher derrière un buisson, lorsqu'une famille de touristes hispaniques était arrivée — on avait d'ailleurs tous eu peur qu'il passe pour le pervers de service, tapi dans l'eau de cette façon-ci. Toujours est-il qu'on s'y était mis tous les quatre, et qu'au final, c'était Jules qui avait retrouvé le slip de Tarzan : il était suspendu à l'une des branches d'un pin. Et sincèrement, ne me demandez pas comment il avait pu atterrir là-bas, parce que j'en avais fichtrement aucune idée.

— Dorian ! La prochaine fois tu mettras des bretelles à ton caleçon ! s'était écrié Maël alors que les Espagnols présents, nous adressaient d'étranges regards suspicieux.

Alors Dorian avait pu remettre son maillot de bain suite à cela, puis on était tous sortis de l'eau pour aller manger une glace au snack-bar.

— Tu prends quoi, Nola ? demandai-je en consultant la carte des desserts avec beaucoup d'attention.

Pas de réponse.

Intriguée, je relevai la tête pour finalement poser les yeux sur ma meilleure amie, qui visiblement, était en pleine discussion avec Jules. Un petit sourire niais était esquissé sur les lèvres du brun, ce qui éveilla davantage ma curiosité : ce soir Nola, y a intérêt à ce que tu me racontes toute la vérité.

Voyant qu'elle était bien trop occupée à reluquer les abdominaux de Jules, pour s'intéresser à ma petite personne — pourtant, je suis vachement plus intéressante que lui, moi je sais faire des pancakes ok ? —, je préférai me tourner vers Dorian. Le métisse avait le regard dans le vide, comme toujours depuis le début de la journée. Je passai alors une main devant son visage et Dorian s'ébroua tel un Shetland.

— Y a quoi ? demanda notre ami Tarzan, complètement à la ramasse. Ah oui... Les glaces, se rappela-t-il soudainement en jetant un coup d'œil par dessus mon épaule. Melon pour moi, s'il te plaît.

— Mangue, s'il te plaît, compléta Maël en retirant une peau morte qui pendait au bout de son index.

— Ok, donc ça fait deux mangues et une melon, comptai-je avant de me tourner vers Jules et Nola. Eh ! Tic et Tac, vous voulez quoi ?!

Jules sursauta suite à ma question, alors que Nola se contenta de détourner le regard, l'air de dire : "bordel Hortense, j'étais sur le point de l'attirer dans un coin obscur".

— Noix de coco, pour moi et citron pour Nola, répondit le brun après avoir repris ses esprits.

Je hochai de la tête suite à leur réponse et me levai de la chaise en plastique sur laquelle j'étais assise, les sous de Maël dans la main. Maël fit de même et je fronçai les sourcils : qu'est-ce qu'il voulait encore celui-là ? Et, alors que je m'attendais à ce qu'il parte charrier Jules et Nola, le blondinet aux yeux verts se contenta de me suivre jusqu'au comptoir du snack-bar.

— Hortense ? débuta ce dernier en se frottant l'arrière de la nuque, un air gêné ayant pris possession de son visage si moqueur habituellement. Faut que je te parle d'un truc.

Je hochai de la tête, l'invitant à continuer. Néanmoins, c'était ce moment précis qu'avait choisi le gérant du snack-bar pour faire apparition. Alors je m'étais contentée de passer notre commande glacée, sentant le regard verdoyant de Maël rivé sur moi : cela avait tellement le don de m'agacer, vous ne pouviez pas savoir. Puis, lorsque j'en eus terminé avec ce bienveillant monsieur, je me tournai vers le jeune Bordelais, bien décidée à entendre ce qu'il avait à me dire.

— Tu voulais me dire quoi ? lâchai-je de but en blanc, sentant tout de même une légère appréhension faire son apparition.

Maël se tordit les mains fébrilement, ce qui n'eut guère l'effet de me rassurer quant à ses futurs propos. Aussi décidai-je de m'accouder au comptoir — mieux valait prévenir que guérir comme disait le vieux dicton.

— Je suis désolé, déclara brusquement Maël en levant les yeux vers moi. Franchement, j'aurais jamais dû inviter Pauline, ça n'a fait qu'empirer la situation entre toi et moi. On venait à peine de se réconcilier et moi, j'ai tout gâché, comme un con. Puis t'sais, je me suis rendu compte qu'elle et moi, on était trop différents maintenant : Pauline, elle est planplan et elle raconte toujours les mêmes histoires, ça en devient redondant. Alors que toi, t'es pleine de surprises, il t'arrive toujours des choses insolites, t'enchaînes les remarques sarcastiques et le pire dans tout cela, c'est que tu te rends même pas compte que c'est drôle. Vraiment, je suis qu'un pauvre con : je voulais Pauline, alors que je t'avais juste en face de moi, et je me suis même pas rendu compte que c'est toi qui me fallait, acheva Maël en attrapant ma main à la fin de sa tirade.

Je me pinçai les lèvres suite à cette déclaration. Je devais tout de même avouer que les révélations de Maël venaient de chambouler mes pensées, ainsi que tout ce en quoi je croyais. Cependant, une partie de moi avait fini par s'éveiller, ou plutôt se réveiller, depuis quelques temps. Aussi, je me voyais mal vivre sans à présent. Alors je serrai la main de Maël avec sincérité, avant de la lâcher.

— Moi aussi, j'ai des aveux à te faire Maël, débutai-je en esquissant un sourire navré. Te voir avec Pauline, ça m'a fait beaucoup de mal, je peux vraiment pas le nier. Or, ça m'a également permis d'ouvrir les yeux sur certaines choses. Depuis qu'on s'est rencontrés le jour de notre arrivée avec Nola, je t'avais idéalisé : t'étais blond, t'avais des beaux yeux, puis t'avais ce petit air moqueur que j'aimais bien. T'étais ce que je pouvais rêver de mieux, mais au fur et à mesure que le temps a passé, je me suis rendue compte qu'en réalité, t'étais la réplique conforme de mon ancien copain. Je voulais pas répéter ce chemin indéfiniment, et je crois que je n'aurais jamais été capable de briser cette boucle infernale sans l'arrivée de Pauline. Le caniche m'a ouvert les yeux sur certaines choses et m'a rappelé qui j'étais malgré elle : Hortense Bellort, la petite intello qui rêve un jour de vendre des médicaments hors de prix à des vieillards aigris, mais également la future bachelière avec des idéaux et qui pour une fois depuis bien longtemps, a réalisé que s'aimer soi-même, ça valait tout l'or du monde.

— Ça veut dire que..., déclara timidement un Maël totalement déboussolé — sans rire, on aurait cru qu'il s'était pris une claque en plein visage.

— Ça veut dire que toi et moi, ça n'existera plus jamais. Y a que moi et moi dans cette histoire désormais, conclus-je alors que le propriétaire arrivait avec notre commande de crème glacée.

Maël semblait être tombé des nues : je ne l'avais jamais vu ainsi. On aurait dit qu'il s'apprêtait à fondre en larmes, néanmoins, le blond se contenta de redresser la tête, avant d'attraper le plateau de commande. Maël esquissa un semblant de sourire frustré — je pense qu'il venait enfin de saisir la profondeur de mes mots — avant de battre en retraite en direction de notre table rouge cardinale.

Dorian attendait avec impatience sa glace au melon, puisque lorsque cette dernière arriva, il se jeta littéralement dessus.

— T'es vraiment irrécupérable, commenta Maël de son habituel air moqueur, avant de récupérer à son tour sa coupe glacée.

J'esquissai un sourire à la vue d'un Dorian on ne peut plus réjoui — eh oui, perdre un slip ça creuse — avant que ce dernier ne s'évanouisse quelques instants plus tard, lorsque je constatai que Jules et Nola avaient mystérieusement disparu. Maël aussi venait probablement de le remarquer, puisqu'il m'adressa un regard mi-paniqué, mi-intrigué. Alors c'était d'un silencieux accord commun, que nous décidâmes d'abandonner une fois de plus lâchement Dorian, pour aller enquêter de notre côté.

— Je vois deux ombres derrière la cabane du maître-nageur, confia Maël alors que nous avancions à toute vitesse en direction de cette dernière.

Le temps que l'on arrive là-bas, pas mal de personnes s'étaient déjà retournées sur notre passage et nous détaillaient étrangement du regard. Cependant, nous n'y prêtâmes guère attention plus longtemps et nous nous réfugiâmes près de la cabane. Maël se pencha légèrement et murmura à mon oreille :

— Tu vois quelque chose ?

Je lui fis signe de se taire — bordel, il allait nous faire repérer avec ses conneries — et tentai une approche très furtive. Or, s'il fallait savoir quelque chose, c'était qu'une approche de la sorte se transformait la plupart du temps en catastrophe. Aussi ma tong avait-elle glissé sur une boule de pétanque égarée.

Je m'étalai donc au sol avec toute la grâce que je possédais et la vision que j'eus une fois là-bas, fut des plus traumatisantes.

Jules et Nola étaient en train de s'embrasser et croyez-moi que si j'étais pas intervenue, ils se seraient probablement lancés dans des choses peu catholiques.

Alors j'ai crié.

Nola a crié.

Jules a crié.

Bref, on a crié.

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chapitre de :
-missIndecise

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