57 | « Tu veux que je fasse une overdose de paillettes et de licornes ? »

H O R T E N S E
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          GÉRER DE TELLES SITUATIONS CATASTROPHIQUES n'avait jamais été mon fort. Aussi, les premières idées qui me passaient par la tête n'avaient rien de grandiose, et ne contribuaient qu'à m'enfoncer davantage. Mais bon, ainsi allait la vie : cela aurait été dommage de changer une équipe qui gagnait, à une semaine et demie de la fin de nos vacances à Montdesbois.

Après avoir délaissé Nola et ses yeux de raton-laveur à deux balles, je m'étais empressée de rejoindre Noé en courant. Lorsqu'il me vit arriver dans sa direction, le chignon de travers et les tongs recouvertes de sable, le franco-allemand ne put se retenir de déglutir subtilement, ses yeux écarquillés, comme s'il avait face à lui une échappée de l'hôpital psychiatrique. M'excusant auprès de Pauline le caniche, j'attrapai le bras de notre ami provençal et l'entraînai à l'écart de notre attroupement hétéroclite.

— Euh… Hortense ? tenta ce dernier une fois que nous fûmes assez loin. C'était quoi ça ? Parce que bon… C'est pas que ça me flatte pas, mais t'es pas censée vouloir sortir avec Maël ? ajouta le franco-allemand tandis que je lui donnais un coup de coude.

— La ferme Noé, c'est justement ce genre de révélations que j'aimerais que tu taises, avouai-je en me pinçant les lèvres. Et puis, si tu veux tout savoir, t'embrasser était une question de vie ou de mort, poursuivis-je en me balançant d'un pied sur l'autre.

Noé parut outré suite à mes propos. Portant une main devant sa bouche entrouverte, l'autre posée sur le haut de son torse, il se la jouait diva choquée de la vie. Je voulus lui adresser un nouveau coup, hélas, c'était sans compter sur la vision ultrasonique de Pauline le caniche — je crois que je vais l'appeler comme ça maintenant.

Aussi forçai-je de nouveau le blond à m'embrasser, me fichant éperdument du fait que Maël pouvait nous apercevoir. Après tout, c'était de sa faute si j'étais obligée d'agir ainsi, enfin, pas de sa faute directement : ce n'était pas lui qui m'avait demandé de simuler une quelconque relation avec le franco-allemand, pour que son ancienne petite-amie ne se doute de rien.

Comme d'habitude, j'avais pris les devants, me fourrant une fois de plus dans une situation improbable, tout en sachant pertinemment que cette histoire loufoque ne pourrait jamais bien se finir.

— Tu recommences ! s'écria Noé d'une voix sur aiguë, avant que je ne lui intime du regard de la fermer.

— Écoute, Dorian a dit à Pauline que j'avais flirté avec un gars blond. Or, je ne pouvais décemment pas lui révéler la vérité et lui dire qu'en réalité, il y avait eu pas mal de choses entre Maël et moi. Aussi, quand je t'ai vu, je me suis dit que c'était une occasion en or pour noyer mon mensonge. Alors je sais, c'était vraiment pas terrible comme excuse et je me rends compte maintenant, qu'en plus d'avoir sombré dans les problèmes, je t'ai entraîné dans ma chute. Je suis désolée, Noé, expliquai-je en me tordant les mains dans tous les sens, cherchant un quelconque endroit à fixer, autre que l'expression ahurie de mon ami Montdesboisien.

Néanmoins, et contre toute attente, Noé explosa de rire. Moi qui m'attendais à ce qu'il se révolte, ne me dise de me débrouiller toute seule et qu'il n'avait rien à faire dans cette histoire… Mais non, Boucle d'or riait aux éclats, s'emparant même de mes épaules qu'il vint serrer contre lui. C'était désormais à mon tour de paraître surprise. Je me dégageai du semblant d'étreinte du blond, les sourcils froncés et le questionnai du regard. Noé haussa les épaules pour toute réponse, avant de finir par prendre la parole.

— Écoute, Hortense. Je pense pas que ce que tu fait est la meilleure solution envisageable, et je continue de croire que tu devrais tout révéler à Pauline, quitte à confronter Maël une bonne fois pour toute. Mais…

— C'est marrant, Nola m'a dit exactement la même chose, ironisai-je en lui coupant la parole. Vous vous êtes concertés avant ou ça se passe comment ?

Noé accueillit ma réponse en pouffant légèrement et je levai les yeux au ciel.

— Ce que je veux dire, c'est que je respecte quand même ton choix. Après tout, ça peut toujours être cool de se la jouer petit couple mielleux ! pouffa Noé alors que je levais les yeux au ciel. Je vais enfin pouvoir te charrier en te donnant des surnoms débiles, du genre, mon petit doudou au caramel.

— Tu veux que je fasse une overdose de paillettes et de licornes ? rétorquai-je en faisant mine de vouloir vomir.

Noé éclata de rire une énième fois, esquivant au passage ma main. Le jeune blond préféra s'emparer de ma taille, me soulevant avec aisance — il faisait au moins une tête et demie de plus que moi — avant de me faire tournoyer légèrement. Je ris suite à son geste, avec la même niaiserie dont il venait de faire preuve. Cependant, alors que je me retirais de l'étreinte bancale de Noé, je remarquai aussitôt que Maël nous observait. Une ombre sembla passer devant ses yeux.

Mon cœur se serra.

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— Laissez passer le roi des merguez ! tonna Dorian, une toque improvisée placée sur sa tignasse crépus.

— Plutôt le roi des emmerdes, rectifia Nola en tapant dans la main de Jules.

Notre petit groupe — nouvellement agrandi par l'arrivée du caniche bordelais — était réuni autour des tables de pique-nique que nous avions placé près de la tente des garçons. Dorian, qui avait récupéré sa place au barbecue, venait d'apporter une assiette où se battaient en duel, une dizaine de merguez avec des grains de sable collés dessus.

En voyant les dégâts, Jules grimaça. Nola parut outrée que Dorian n'ait pas servi ses merguez trop cuites, préférant prendre celles qui étaient tombées par terre. Ulysse semblait compatir, en bon ami qu'il était, tandis que Noé tentait du mieux qu'il le pouvait de dissimuler son rire. Pauline, probablement habituée aux idées incongrues de Dorian, ne paraissait guère étonnée.

Quant à ce qui était de Maël et de moi, nous préférions garder le silence, nous évitant volontairement du regard.

Et dire que tout allait bien il y avait quelques heures encore.

— Ça me rappelle la fois où on avait improvisé un barbecue chez Maël, commença Pauline le caniche lorsque les rires, éclats de voix divers, finirent par se taire. Jules avait renversé la grille et les chipolatas étaient passées par dessus le balcon. On avait dû retenir Dorian, qui voulait absolument aller les rechercher en bas de la rue. Tu t'en rappelles Gasquet ? s'empressa-t-elle de compléter en se tournant vers Maël.

Assis à l'autre bout de la table, Maël feignit un petit sourire forcé, tandis que Nola et moi restions stoïques. Nous échangeâmes un regard qui voulait tout dire : il fallait absolument se débarrasser de Pauline si on voulait que la bonne humeur revienne.

Je m'étirai, jetant un coup d'œil à ma montre. Pendant ce temps-là, Nola s'était chargée de relancer la conversation — qui menaçait de diverger vers les exploits de la bande de bordelais, racontés en exclusivité par la personne indésirable à cette table. Tiens, si on avait acheté du pain, je l'aurais probablement mis à l'envers.

Peut-être qu'elle aurait compris qu'il était temps pour elle de dégager.

— Quelqu'un sait s'il y a quelque chose à faire dans les environs ce soir ? questionna Nola d'un ton détaché, retirant les grains de sable de sa nourriture.

— Dorian m'a parlée d'une superbe boîte de nuit à quelques minutes d'ici. La Panthère Rose ou quelque chose comme ça…, essaya Pauline avant d'être coupée par une plainte collective.

Personne n'avait envie de retourner dans cet endroit plein de cougars de cinquante balais, de serre-tête en fourrure rose pétant, de lanceuse de talons aiguilles et de toilettes empestant l'urine. Pauline, déçue et surtout intriguée par ce refus collectif, préféra se taire et s'enfoncer dans sa chaise — c'est bien, c'est ce que tu aurais dû faire depuis le début ma cocotte.

— Et y a rien d'organisé au camping par le plus grand des hasards ? lâcha Jules en rattrapant la bouteille de ketchup, que Dorian venait de laisser échapper.

— Je crois avoir vu des affiches pour une séance de cinéma en plein air au lac, réfléchit Ulysse en se frottant le menton. On peut toujours aller voir ce que ça donne, non ?

Vu que personne ne répondait, je pris les devants.

— Bon bah va pour la séance de ciné !

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chapitre de :
-missIndecise

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