53 | « Je médite, ça se voit pas ? »
H O R T E N S E
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— HORTENSE ? Qu'est-ce que tu fous dehors à cette heure-ci ?
— Je médite, ça se voit pas ? grognai-je, assise en tailleur devant la tente que je partageais avec Nola.
Dorian, qui revenait de je-ne-savais-où, s'était arrêté devant moi, les poings posés sur les hanches, un air incrédule esquissé sur son faciès de victime. C'est vrai qu'il était plus d'une heure du matin, le sable sur lequel j'étais assise était encore mouillé, je mourais de froid sans mon sweat-shirt, mais à part ces légers détails, je ne voyais rien de choquant.
— Tu sais, je pourrais tout autant te retourner la question ? ripostai-je en fermant les yeux, tandis que Dorian attrapait une chaise pour venir s'installer près de moi.
Le métisse ne prit guère la peine de me répondre, soudainement embarrassé. Un sourire en coin se glissa sur mes lèvres et un flot de pensées, toutes plus fantasques les unes que les autres, fit irruption dans mon cerveau. Des milliers de questions se formèrent dans mon esprit, tiraillant mes lèvres afin de s'échapper et de déferler au grand jour, malgré la gêne qu'elles occasionneraient pour Dorian.
— T'es alors voir Diane, c'est ça n'est-ce pas ? tentai-je d'une voix amusée, ouvrant un œil afin d'observer la réaction de Dorian.
Malgré la pénombre nous entourant, je devinai aisément que le jeune homme rougissait à vue d'œil. Satisfaite, je laissai un petit soupir s'échapper d'entre mes lèvres. Vraiment, Dorian était tel un livre ouvert : on pouvait lire en lui avec autant de facilité que de consulter un livre d'éveil pour enfants en bas âge.
— Hum... Pas vraiment, se confia finalement le métisse, alors que je tombais des nues.
Mes paupières s'ouvrirent spontanément et mes yeux s'écarquillèrent : m'étais-je trompée sur le compte de notre métisse préféré ? Pourtant, j'aurais mis ma main à parier qu'il était allé rendre visite à cette chère rouquine, avait passé une agréable soirée en sa compagnie, avant de retourner au camping des Trois Dauphins, un large sourire au bord des lèvres. Néanmoins, à en juger par l'expression de Dorian, on n'était pas du tout sur la même longueur d'onde.
— T'étais où alors ? rétorquai-je en décroisant mes jambes pour les étendre, avant de m'étirer légèrement — simple réflexe de danseuse.
— Ah ah..., murmura avec mystère le métisse, se levant déjà de sa chaise de camping rayée.
Il la repoussa contre la table, se frotta légèrement les mains, comme s'il venait d'exécuter le clou final de son plan machiavélique, avant de se détourner de moi. Dorian se dirigeait désormais d'un pas léger en direction de la tente qu'il partageait avec Maël et Jules, puis s'engouffra à l'intérieur, malgré mes protestations.
— Dorian ! criai-je soudainement avant d'être interrompue par une Nola en colère.
— Hortense ferme-la par la barbe de Merlin !
Je jugeai alors que je devais y être allée un peu fort sur ce qui ne devait être qu'un murmure. Aussi, je m'empressai de me relever, avant de m'engouffrer avec hâte dans la toile de tente située dans mon dos.
Bon et bien, je crois que ma pseudo-séance de médiation est close.
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Le lendemain matin, alors que les oiseaux roucoulaient et gazouillaient joyeusement en haut de la cime des arbres, et que le soleil aveuglant du sud de la France pointait dans notre direction, réchauffant mes joues couvertes de coups de soleil, l'heure n'était guère à la rigolade. Assise à mes côtés, se désolant sur le funeste sort de ses céréales — je lui avais promis qu'on irait faire les courses au plus vite —, se trouvait Nola, les cheveux en pétards. Elle semblait avoir passé une nuit agitée, enfin, elle au moins avait réussi à dormir, puisque pour ce qui était de mon cas, je n'avais cessé de me tourner et de me retourner sur mon matelas qui grinçait.
Toute la nuit, les paroles de Dorian avaient tiraillé et chamboulé mon esprit, sans que je ne parvienne à mettre le doigt sur ce qui me chagrinait le plus. Qu'était-il allé faire bon sang ? De plus, l'arrivée de cette chère Pauline — l'ex de Maël pour ceux qui n'ont pas suivi — ne parvenait guère à me réjouir. J'arrivais encore à me questionner sur le pourquoi du commun, tout en ruminant le fait que Maël avait reproduit avec moi, le même schéma que je m'efforçais inconsciemment de répéter depuis ma rupture avec mon premier copain.
Avec Nola, on avait beaucoup discuté de cette Pauline, parvenant ainsi à nous mettre d'accord sur un point : il était hors de question qu'elle nous approche à moins de deux pas, et que, par conséquent, elle ne dorme dans la même tente que nous. Non pas que nous avions des préjugés sur sa personne — si, beaucoup même — mais disons que nous n'étions pas prête psychologiquement à faire amie-amie avec l'ex du blondinet.
— Pauline est à la gare ! s'exclama soudainement Maël en émergeant de nul part, son smartphone à la main. Dorian, viens avec moi, faut qu'on aille la chercher ! ajouta-t-il à l'attention du métisse, qui semblait avec du mal à enfiler sa tong.
Le jeune homme protesta, signalant qu'il n'avait guère envie de se taper soixante bornes aller-retours pour l'ancienne petite-amie de Maël. Néanmoins, ce dernier le fit céder en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, en lui proposant d'acheter des Kinder Buenos une fois qu'ils seraient arrivés. Et Dorian, en grand enfant qu'il était, ne se fit guère prier plus longtemps, avant de s'engouffrer dans sa Golf grise immatriculée "33" et de faire rugir le moteur diesel. Maël disparut bientôt à ses côtés, laissant derrière lui, un Jules, une Nola et moi-même complètement au dépourvus.
— Je sais pas vous, mais je le sens pas ce week-end, lâcha subitement Nola, après avoir descendu son verre de jus de pomme.
— Moi non plus, répondis-je aussitôt, les yeux azurs braqués sur la voiture de nos amis qui s'éloignait petit à petit. Je pense sérieusement que ce n'était pas une bonne idée qu'il l'invite, ce n'est pas comme ça qu'il va réussir à oublier cette fille.
— Je suis amplement d'accord, avoua Jules en s'asseyant sur une de nos chaises. Mais s'il faut savoir une chose, c'est que quand Maël a une idée dans la tête, il faut avoir un Bac plus douze pour parvenir à lui retirer.
— Comme Hortense, pouffa Nola alors que je lui accordai une petite tape sur le sommet du crâne.
Jules poussa un profond soupir, tandis que je me laissais à mon tour tomber aux côtés de ma meilleure amie et du gars qui en pinçait pour elle. Observant l'horizon d'un air perdu, je ne remarquai même pas que deux silhouettes connues de tous ici, se dessinaient à l'horizon. Une touffe blonde émergea soudainement, bientôt suivie par un bandana rouge vif, et un sourire s'esquissa sur nos visages, à Jules, Nola et à moi. L'un des deux personnages tenait un sac en plastique du bout des doigts.
— Yo les mecs, ça gaze ? lança Noé en arrivant bientôt à notre hauteur, déposant son butin sur la table de pique-nique bancale. Comme promis, on vous a ramené la viande pour votre barbecue et heureusement d'ailleurs qu'on s'y est collé, parce que si vous voulez tout savoir, le boucher parle encore de son vol de saucisson, confia le franco-allemand d'un air complice.
— Merci mec, t'es officiellement devenu notre livreur de travers de porcs et de merguez, annonça fièrement Jules en tapant dans la main que lui tendait Noé.
Un peu plus loin, Ulysse paraissait sur la réserve, consultant du regard les alentours et remarquant que la voiture de Dorian était absente. Fronçant les sourcils, il se retourna vers nous, un millier de questions lui brûlaient déjà les lèvres.
— Vous les avez enfermés où Dorian et Maël ? s'enquit le brun en passant une main dans sa tignasse écaille.
— Comme s'ils allaient te révéler l'endroit où ils les avaient séquestrés, ajouta Noé en faisant semblant d'être indigné.
Nola pouffa légèrement, suivie de Jules et moi.
— Ils sont partis à la Gare SNCF de Fréjus, expliqua calmement Jules.
— Ah bon ? Et pour aller faire quoi ?
— Aller chercher l'ex de Maël, achevai-je en ravalant une injure.
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chapitre de :
-missIndecise
musique :
Complicated — Avril Lavigne
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