49 | « I'm like a bird... I only fly away »
H O R T E N S E
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J'AVAIS DÉJÀ FAIT DE L'ACCROBRANCHE DANS MA VIE, néanmoins, j'avais le souvenir que je n'avais guère trouvé cette activité des plus rassurantes. De plus, bien que Nola m'ait assurée que le temps serait radieux aujourd'hui, elle s'était majestueusement trompée puisque désormais, des perles translucides s'abattaient sur notre campement digne des plus grands.
— On est vraiment obligés d'y aller ? questionnai-je à l'attention de Nola.
Cette dernière était assise juste devant la porte de la tente, de telle sorte qu'elle pouvait observer le temps maussade qui se déversait sur Montdesbois, sans pour autant se retrouver trempée jusqu'aux os. Elle tourna la tête dans ma direction, faisant voler un rideau de mèches brunes, et c'est à cet instant-là que je remarquai qu'elle s'était peinturée les joues de brun et de kaki.
— Qu'est-ce que tu fais avec ça sur les pommettes ? m'enquis-je en désignant brièvement le sommet de ses joues.
— Je me mets dans la peau de mon personnage, indiqua simplement cette dernière avant de se détourner.
— Et de quel personnage tu parles ?
— Rambo.
Je manquai de peu de m'étrangler avec ma salive et attrapai le coussin qui traînait sur mon lit de fortune, enfouissant mon faciès dans la matière duveteuse, prise d'un fou rire nerveux. Non mais sérieusement, Rambo ? On partait faire de l'accrobranche cet après-midi, pas un parcours du combattant ou encore moins la guerre. Il ne manquait plus que Dorian se ramène en pagne pour compléter ce tableau rocambolesque.
— C'est bon. La pluie semble s'être calmée, s'exclama soudainement Nola tandis que je reprenais avec difficulté mon souffle. Viens, on va profiter de l'accalmie pour sortir de la tente et rejoindre la voiture de Dorian !
Nous nous exécutâmes suite aux indications de ma meilleure amie. Nous sortîmes en vitesse de sous notre campement restreint, nous prenant les pieds dans les sardines mal orientées. Nola étouffa un juron en s'attrapant le pied et je devais vous avouer que j'étais contente que pour une fois, ce ne soit pas moi le souffre-douleur ambulant. Dans un élan de compassion, je tapotai néanmoins son épaule, avant de me rappeler que j'avais laissé mon sac à dos dans la tente. Je m'empressai alors de le retrouver et pus enfin jouir du beau temps se dessinant à l'horizon.
— Tout le monde est là ? interrogea Dorian, les clés de sa voiture dans une main, sa casquette orange fluo dans l'autre — je doute qu'il ait besoin de cette dernière, mais enfin bon.
— Jules finit son brushing et on peut y aller, rétorqua Maël en serrant ses lacets de chaussures.
Le concerné riposta qu'il n'était guère en train de se pomponner, avant de s'extirper avec hâte de la tente de compétition des trois Bordelais. Cependant, la masse de gel qu'abritait sa chevelure chocolatée le trahit immédiatement, ainsi que le rire aiguë de Nola qui ne vint rien arranger à la chose. Vexé, le jeune adulte nous lança tous un regard dédaigneux, avant d'ébouriffer ses mèches, étalant malencontreusement le gel coiffant à des endroits non désirés.
— Mec. Tu viens de passer d'Elvis Presley à Bill Kaulitz, le mec de Tokio Hotel, constata Dorian en ouvrant la portière de son véhicule. J'pense pas que ça soit bon pour ton métabolisme tout ça...
— Rohh ta gueule Collectif Métissé. Démarre plutôt cette voiture qu'on en finisse.
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— Bon, faut qu'on fasse deux groupes si on veut avoir le temps de tout faire, annonçai-je alors que nous étions tranquillement en train de contempler le plan du parc Wakakoudou, accrobranche and co.
— Ouais mais si on fait ça, y aura forcément un groupe de trois, déclara Dorian, l'air sceptique, tout en se frottant le menton.
— On s'en fout de ça au pire, renchérit Nola en se tournant vers le métisse. On n'a qu'à se séparer par groupe de niveau : un groupe de fort qui veut faire les parcours en hauteur, et un groupe de... de moins fort qui préfère les trucs sans risque, tenta ma meilleure amie en laissant couler un regard dans ma direction. En tout cas, moi je vais sur le parcours "Grands singes", si ça intéresse quelqu'un au passage...
Étrangement, cela en intéressait plus d'un, puisqu'en l'espace d'un instant, je me retrouvai toute seule, face à Nola et les trois guignols.
— Ok..., soufflai-je en évaluant la situation qui se présentait à moi désormais. Bon bah... Si vous me cherchez je suis à la buvette. Amusez-vous bien.
Je leur adressai un petit sourire complice et tournai les talons, bien décidée à trouver une terrasse où me prélasser le temps que tous ces ouistitis sautent de branche en branche, attachés à des liens qui ne me rassuraient guère.
— Hortense ! Attends ! lança quelqu'un alors que je contournais un groupe constitué essentiellement d'enfants — probablement une colonie.
Je soupirai, agacée à l'idée que l'on pense que je faisais la tête parce que personne ne voulait faire le parcours "Lémuriens" avec moi. Ce qui était faux, même archi-faux : qu'est-ce que j'en avais à faire qu'ils me laissent seule ? Je suis fille unique, la solitude faisait partie de mon quotidien depuis mes premiers pas, alors à quoi bon penser que je me sentais rejetée ? Et d'ailleurs, si j'avais réellement envie de faire de l'accrobranche, rien ne m'empêchait d'y aller toute seule : j'avais seize ans et demi les gars, pas quatre.
— Je peux rester avec toi ? demanda Jules, une fois arrivé à ma hauteur.
J'arquai un sourcil : Jules ? Sérieusement ? Maël encore, j'aurais compris — bien que depuis les aveux qu'il m'avait fait à propos de Pauline, son ancienne petite-amie, il paraissait distant — mais Jules ? Ça sortait littéralement de toute la logique qui s'était érigée au sein de mes pensées, une logique comme quoi Nola, Dorian et Jules traînaient toujours ensemble, et Maël et moi restions à deux.
— Euh ouais... Mais pourquoi tu veux pas rester avec Nola plutôt ? Genre, c'est la fille qui te plaît depuis le début, vaut mieux que tu passes du temps avec elle plutôt qu'à te coltiner un boulet préférant siroter une Margarita tout l'après-midi au lieu d'évoluer au travers des différents parcours.
— Justement. J'ai besoin de toi. Et pour ce qui est de l'accrobranche, t'inquiète pas on va en faire, mais le parcours le plus basique : j'ai un petit frère, j'imagine c'est à peu près la même chose que de s'occuper d'une personne ayant le vertige ? supposa le brun en penchant la tête sur le côté.
— Hum... Ça marche. Mais je t'avertis, si je tombe et que tu me rattrapes, n'en profite pas pour me peloter après, le menaçai-je en le pointant du doigt.
— Promis chef. Bon, on va se le faire ce parcours "Lémuriens" ?
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— Hortense ! Je te promets qu'il ne va rien t'arriver ! La tyrolienne est solide, la preuve ! Le mec qui vient de partir devant toi faisait au moins cent-trente kilos ! tenta vainement de me rassurer Jules alors que nous atteignions la fin du parcours — le tout, sans avoir une seule fois mentionné Nola.
— Justement ! Imagine qu'il l'a fragilisée ?! Je fais comment moi si ça tombe alors que je suis en plein milieu du vide ? rétorquai-je alors que les clients présents derrière Jules commençaient à s'impatienter.
Le jeune homme s'excusait désespérément, passant d'une langue à une autre avec aisance, aussi constatai-je qu'il connaissait le mot "excusez-nous" en autant de langue que Nola et moi réunies — Nola étant celle qui parlait le moins de langue étrangère d'entre nous deux. Voyant que cela ne menait à rien, je pris une profonde inspiration, détendis singulièrement mes muscles noueux, avant de me lancer dans le vide, telle un oiseau apprenant à voler.
— I'm like a bird... I only fly away, chantonnai-je faiblement alors que mon corps prenait de la vitesse au fur et à mesure que je dévalais cette tyrolienne infernale.
L'atmosphère autour de moi semblait s'épaissir au fil des secondes, pourtant, je n'avais pas l'impression d'aller si vite que ça. D'ailleurs, je devais avouer que je commençais à prendre du plaisir à dévaler la pente, bien que le vent fouettait mes cheveux et que la fin de ma longue descente arrivait à grands pas — ou plutôt devrai-je dire à grands battement d'ailes ? après tout, j'étais suspendue dans les airs, tel un volatile courageux bravant les vents infernaux.
— Oh oh.
Non, ce qui venait de suivre n'était pas une imitation ratée du Père Noël, mais plutôt le cri désespéré d'une jeune fille encore plus désespérée, et tout ça pourquoi ? Parce qu'elle ne savait tout simplement pas comment s'arrêter.
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chapitre de :
-missIndecise
musique :
I'm like a bird — Nelly Furtado
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