43 | « Tu l'as trouvée derrière un paquet de Kellogg's ? »
H O R T E N S E
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QUE L'ON SOIT BIEN CLAIR : j'ai simplement embrassé Maël parce que, de un, la Piña Colada du snack-bar m'avait achevée, et de deux, pour qu'il me foute la paix avec cette histoire de baiser. Bordel, ça remonte à une semaine déjà ! Pas besoin d'en faire tout un plat !
Bon, toujours est-il que je continuais à l'embrasser, malgré la stupeur de Nola, qui n'en revenait toujours pas de me voir accomplir un tel acte. J'avais aperçu Jules derrière elle, lorsque j'avais jeté un coup d'œil dans sa direction, et n'avais pas tardé à comprendre qu'il était tout aussi choqué de voir un de ses meilleurs amis m'embrasser. Mon dieu... C'est qu'il lui en faut peu pour le mettre dans tous ses états celui-là ! Pire que Dorian je vous dis !
Maël aussi n'avait pas été le dernier à être surpris. Ses beaux orbes verdoyants s'étaient écarquillés lorsque j'avais empoigné son pull par les mains, et je l'avais entendu déglutir avec difficulté juste avant de plaquer mes lèvres sur les siennes. Néanmoins, plus les secondes s'écoulaient, plus l'assurance naturel du blondinet reprenait ses droits, et bientôt, je sentis ses bras finement musclés s'enrouler autour de ma taille, au creux de mes reins. Je décidai alors qu'il était grand temps de mettre fin à tout ce cirque, avant que cela ne devienne trop sérieux et que j'y prenne du plaisir.
Car malheureusement oui, embrasser Maël semblait être capable de m'entraîner dans les bas-fonds de ce monde, comme un doux rêve qui se révélerait être un cauchemar. C'était enivrant, cela je ne pouvais le nier, enivrant mais terriblement déplacé : moi qui m'étais toujours promis de ne jamais succomber pour un garçon aussi facilement, je devais tout de même reconnaître que je me retrouvais désormais au bord du gouffre de l'envie.
— Bon allez. On va s'arrêter là je crois, lançai-je d'une voix rauque en interrompant le baiser.
Je pris soin de détourner le regard et lâchai prestement le pull de Maël. Mon regard rencontra celui de Nola, qui, un verre en plastique à la main, me fixait de ses grands yeux turquoises, l'air de dire : "dans quoi tu t'es embarquée encore ?".
— Hum... Hor... Hortense ? débuta Maël d'une voix peu assurée. C'était quoi ça ?
— Écoute. Tu m'as volée un baiser, je t'en ai volé un. Maintenant on est quittes, donc arrête de faire cette tête là et va me recommander un verre de Piña Colada s'il te plaît, ordonnai-je en me massant les tempes doucement.
Maël voulut protester, mais lorsqu'il remarqua le regard noir que je lui lançais, il se ravisa et tourna les talons. Le blondinet manqua de justesse de percuter un Jules désemparé, avant de disparaître au loin après avoir saisi le bras de son ami. Nola, quant à elle, demeurait toujours campée sur ses positions, les yeux toujours aussi ronds que ceux d'une chouette hulotte. Elle entrouvrit la bouche, avant de la refermer, se résignant à effectuer le moindre commentaire.
— Nola, pourquoi j'ai autant mal à la tête en fait ? questionnai-je en m'approchant d'elle d'un pas peu assuré.
— Peut-être parce que t'as un peu trop bu ? Après c'est juste une supposition, ironisa ma meilleure amie en me rattrapant in extremis avant que je ne me fracasse le crâne contre le comptoir.
Trop bu ? Moi ? Non, non c'est pas possible. Je bois jamais plus d'un verre ou deux d'habitude. En plus, je ne suis pas sans ignorer que je ne tiens pas l'alcool. Alors pourquoi ? Pourquoi me suis-je laissée tenter par ce breuvage des enfers ? Je me rappelais simplement qu'une fille, Auquelque chose, m'avait proposée un verre de Piña Colada. Mais après... Je ne savais absolument pas ce qui s'était passé pour que je me dispute avec Maël, et pour que je me mette à l'embrasser en plein milieu des habitants de Montdesbois.
— L'alcool, c'est pas de l'eau. Enfin du jus de fruits quoi, lançai-je en laissant s'échapper un petit hoquet.
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— On se les gèle un peu là, remarquai-je, toujours pelotonée dans le sweat-shirt de Maël — il ne me l'avait pas réclamée depuis l'accident de tout à l'heure, alors je l'avais gardé.
— J'avoue qu'on se les caille, renchérit Noé en agitant ses mains dans le vide — probablement une technique révolutionnaire pour se réchauffer.
— Vous croyez que l'eau du lac est chaude ? interrogea Nola en se tournant vers l'étendue paisible qui se trouvait à quelques mètres de nous.
Dorian se releva suite à cette interrogation et époussetta son derrière d'un geste rapide. Jules se révolta après avoir reçu dans les yeux, la majorité des brins d'herbe, auparavant collés au postérieur du métisse. Ce dernier s'excusa rapidement, promettant à son ami de lui payer une barbapapa pour se faire pardonner. Puis il se redressa, jeta son t-shirt qui atterrit sur la tête de Diane, juste à côté d'Ulysse — la rousse grimaça et j'aurais parié que Dorian s'était mis à rougir —, avant de se mettre à courir en direction du lac.
— Y a qu'une seule façon de le savoir ! hurla-t-il en se jetant dans les flots paisibles.
L'instant d'après, un grand bruit d'eau que l'on percute se fit entendre et le corps de Dorian disparut. Nola se redressa, les sourcils froncés, tout en murmurant des propos inaudibles mais qui, si vous voulez mon avis, n'étaient pas destinés à venter les mérites du métisse, mais plutôt à se lamenter sur sa stupidité légendaire.
— RIP Dorian, on t'aimait bien, déclara Noé en plaçant sa main sur son cœur.
Ulysse lui donna un coup de coude dans les côte et le blondinet se plia en deux, tout en n'oubliant pas de fusiller son meilleur ami au passage. Diane se retenait de glousser devant leur petit manège, Aurore affalée contre elle. La jeune skateuse semblait avoir totalement succombé aux effets de l'alcool, bien que ses parents se trouvaient juste à côté, de l'autre côté du comptoir du snack-bar. Julie — la meilleure amie de Noé — était déjà rentrée car elle travaillait le lendemain, et Laure et Juliette étaient parties chercher de quoi manger. De ce fait, il ne restait plus que Noé, Ulysse, Diane, Aurore, Basile et Benjamin avec nous.
— On devrait pas aller voir si tout va bien pour Dorian ? suggéra Benjamin en pointant du doigt la surface du lac.
— Non t'inquiète. C'est normal, rétorqua Maël, assis complètement à l'opposé de moi — à croire que je l'avais traumatisé.
— Avec Dorian, faut toujours attendre trois minutes avant de s'inquièter, ajouta Jules, nullement perturbé par le fait que notre ami loufoque ne refaisait toujours pas apparition.
— Justement, ça va pas bientôt faire trois minutes qu'il est parti ? s'inquiéta Ulysse en jetant un coup d'œil à sa montre.
Jules et Maël échangèrent un bref regard avant de se lever. J'en conclus alors que le délai du "je m'en fais pas pour mon pote stupide" était bel et bien écoulé désormais, et qu'il fallait donc qu'ils aillent s'assurer de leurs propres yeux que tout allait bien.
— On va peut-être aller voir si tout est ok pour lui..., débuta Jules en sortant son smartphone pour allumer l'option lampe torche.
— On sait jamais, peut-être qu'il s'est tordu le petit doigt de pied ? supposa Maël en faisant de même. Ça lui est déjà arrivé pleins de fois depuis le primaire, j'crois qu'il est hyperlaxe maintenant, mais bon, vaut mieux aller vérifier.
— On vient avec vous ! nous nous écriâmes de concert avec Nola.
Les garçons ne prirent pas la peine de protester, bien que je voyais à l'expression de Maël qu'il n'était pas si enjoué que ça à l'idée que je l'accompagne. Non mais sérieusement, c'est pas parce que je n'avais pas succombé à son charme qu'il fallait en faire tout un plat ! Les déceptions amoureuses, ça avait toujours été mon quotidien, alors pour une fois que je pouvais rendre la pareille à quelqu'un, je n'allais pas m'en gêner ! Puis de toute façon, c'était pas deux baisers — que dis-je ! Deux effleurements de lèvres — qui allaient frustrer Maël dans sa vie sentimentale !
Ainsi, nous nous retouvâmes tous les quatre, avançant près les uns des autres — histoire d'éviter de marcher sur des gens au passage — en direction de la rive du lac. Les lampes de Jules et de Maël n'éclairaient pas grand chose, ce que je me permis de faire remarquer.
— Ça marche pas du tonnerre de dieu vos trucs là.
— Peut-être que si t'étais une lumière, ça serait plus pratique, renchérit sarcastiquement le blond.
Je me stoppai net, la bouche entrouverte, fusillant Maël du regard : il cherchait les emmerdes lui ou ça se passait comment ?
— T'as un problème peut-être ? questionnai-je en prenant un air supérieur.
Devant moi, Nola me faisait signe de me détendre. Cependant, je l'ignorai royalement et préférai concentrer toute mon attention sur le blond.
— Ouais. C'est toi mon problème, avoua ce dernier d'un ton neutre.
— Waouh... Quelle belle répartie dit donc ! Tu l'as trouvée derrière un paquet de Kellogg's ? ripostai-je en pouffant légèrement.
— Venant d'une mioche qui se prend pour la reine du monde, mais qui peut même pas se commander un verre toute seule, c'est vraiment petit !
— D'une mioche ?! Mec on a qu'un an de différence, bordel ! T'as fini de te la jouer mec trop expérimenté de la vie ?!
— Euh... Les gars, tenta Jules d'une petite voix.
— Et toi t'as fini de te la jouer meuf trop fraîche ?! J'te rappelle que c'est toi qui te tape l'incruste dans notre groupe ! J'suis pas parti en vacances pour me la jouer baby-sitter à temps plein !
— Comment ose-tu ?! hurlai-je sans me soucier du fait que la plupart habitants de Montdesbois, était en train de nous dévisager depuis tout ce temps.
— Puis tu sais quoi ?! T'es même pas belle en vrai ! Nola est beaucoup plus bandante que toi !
Je ne répondis pas. Des larmes de rage menaçaient de s'éclipser de mes iris. Comment pouvait-il être aussi agressif, aussi blessant alors que quelques heures auparavant, c'était limite s'il ne me suivait pas à la trace comme un petit chien ?
— Euh... J'aimerais bien ne pas être mêlée à la conversation, fit cette dernière en toussottant.
— Eh les gars ! Vous foutez quoi là-bas ?! L'eau est trop bonne ! s'exclama au loin Dorian, perdu au milieu des flots.
Si je n'avais pas ressenti tant d'amertume, peut-être que j'aurais osé clamer : "sauvée par le gong". Mais clairement, je n'étais pas d'humeur à m'amuser en ce moment.
Maël, sache que tu auras affaire à moi.
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Tout ce que j'ai à dire,
c'est que y a des tensions dans
la villa, les gars.
chapitre de :
-missIndecise
musique :
Bad romance — Lady Gaga
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