H O R T E N S E
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          — À QUEL MOMENT ON FAIT UN FEU D'ARTIFICES LE TREIZE JUILLET ?

Jules, allongé sur l'herbe de la berge du lac, son sweat-shirt à capuche roulé en boule sous sa tête, contemplait le ciel vide d'un air perplexe.

Le soleil s'était couché il y a peu, tant et si bien qu'on apercevait toujours la teinte orangée qu'avait pris la voûte céleste, avant que ce dernier ne disparaisse. La surface du lac ondoyait doucement et les lueurs des lampions, qu'avaient suspendu un peu partout les gérants du snack-bar, illuminaient les alentours. Des tubes incandescents étaient glissés dans la main de certains adultes et adolescents, et des volutes de fumée s'élevaient dans les airs, tels des nuages éphémères. 

Plus de la moitié de la population de Montdesbois — plus les vacanciers du camping — semblait s'être retrouvée au plan d'eau du village. Le snack-bar tournait à plein régime, au fur et à mesure que les gens présents commandaient des collations avant d'admirer le spectacle. La baignade avait été rendue interdite pour une question de sécurité, ce qui n'empêchait pourtant pas deux gosses de jouer près de la rive, les pieds dans l'eau. 

— C'est un bled paumé, débuta Maël en répondant à son ami, ils s'en foutent un peu de suivre les traditions j'ai l'impression. Et puis, imagine juste cinq minutes que tous les villages et toutes les villes de France lancent des feux d'artifices en même temps...

— Ce serait un carnage si on lançait des milliers de feux d'arti..., renchérit Dorian, un petit sourire amusé au bord des lèvres.

Voyant la connerie arriver à des kilomètres, je le devançai de justesse, l'empêchant de sortir la blague de mauvais goût, qu'il semblait avoir préparé depuis longtemps.

— Le premier qui sort "feux d'artifesses", je le balance dans l'eau.

— Des milliers de feux d'artiFICES dans le ciel, se rattrapa le métisse d'un ton innocent suite à ma remarque.

Satisfaite, je lui adressai un petit sourire satisfait et repliai les jambes contre mon torse, les mains enfouies dans la poche du sweat-shirt de Maël — à ma décharge, c'est lui qui avait insisté pour me le passer, histoire de se faire pardonner de m'avoir jetée dans l'eau ce matin. De douces effluves acidulées émanaient du tissu bleu marine et j'en profitai pour les humer discrètement. Bordel... Il sentait vraiment trop bon ce gars.

Nola — qui s'était éclipsée jusqu'au bar en quête de boissons — revint quelques instants plus tard, les bras chargés. Elle avait improvisé une poche de transport en retournant le bas de son pull, et y avait déposé l'ensemble des cannettes bariolées. Une fois arrivée à notre semblant de campement, elle laissa tomber ses trésors sur la berge et s'assit près de moi. Dorian se redressa et entreprit de faire la distribution.

Je remarquai alors qu'ils étaient tous les deux en train d'avoir un semblant de conversation silencieuse. J'ignorais parfaitement quel était l'origine de leur sujet, mais s'il y avait bien une chose que je savais, c'était qu'ils ne souhaitaient pas vraiment nous faire participer à leur débat mental. Pfff... De toute façon, Nola crachera le morceau d'un moment à l'autre. Elle ne peut pas me cacher quelques chose, c'est contre nature voyons !

— Ah... Mes vacanciers préférés sont arrivés ! s'enthousiasma une voix sur le côté.

Nous tournâmes tous la tête dans cette direction et tombâmes nez à nez avec Noé et sa bande. Le blond ouvrait grand les bras, tel un messi annonçant la réconciliation d'un peuple entier. Sauf que le peuple était constitué de nous cinq et de ses amis, qu'on n'était pas du tout en guerre vu qu'on ne les connaissait pas, et que Noé n'avait vraiment pas la dégaine d'un sauveur. Ulysse s'avança à cet instant derrière lui, de même que Diane, et j'aurais mis ma main à couper que Dorian venait de rougir jusqu'aux oreilles : peut-être avait-il quelque chose pour les rousses ? On ne saura jamais...

— Yes toujours présents ! rétorqua Nola en riant légèrement. Asseyez-vous avec nous ! Y a assez de place pour tout le monde ici !

J'esquissai un sourire en reconnaissant Juliette, Julie et Benjamin — les jeunes qui étaient venus à notre soirée barbecue — et me décalai sur le côté, délaissant l'arbre sur lequel j'étais appuyée. Néanmoins, lorsque je me penchai en arrière, mon dos buta contre quelques chose de dur. Je fronçai alors les sourcils et me retournai prestement.

— Tu peux t'appuyer sur mes jambes si tu veux, me lança Maël avec un de ses sourires charmeurs complètement stupides, ça ne me dérange pas.

Je levai les yeux au ciel suite à son expression. Cependant, je m'allongeai tout de même sur ses mollets, car après tout, je manquais cruellement de dossier. Nola jeta un coup d'œil dans ma direction et arqua un sourcil, perplexe. Elle remua silencieusement ses lèvres, comme pour me demander ce que je fabriquais. C'est ainsi que je me rappellai qu'elle n'avait pas été là quand Maël m'avait passée son sweat-shirt, et qu'elle n'avait pas non plus entendu la proposition que m'avait faite le blond il y a quelques instants.

Alors j'haussai les épaules, comme simple et unique réponse.

— Eh mais attends ! J'te reconnais toi ! s'écria fortement Maël alors qu'une fille à la chevelure méchée s'asseyait près de Diane.

L'inconnue tourna la tête dans notre direction. Elle était plutôt ronde, avec des cheveux mi-longs décolorés. Ses grands yeux bleus semblaient briller dans la pénombre et son sourire moqueur était reconnaissable entre mille.

— Oh... Mes deux voleurs de saucisson préférés, s'amusa-t-elle alors que les deux nouveaux Montdesboisiens qui venaient d'arriver, froncèrent les sourcils comme une seule et même personne.

Une fois cette révélation effectuée, Noé nous présenta au restant du groupe — plus précisément aux personnes que nous n'avions jamais vu —, introduisant au passage quelques uns de nos exploits fabuleux de ces deux dernières semaines. Ainsi, nous apprîmes que la fausse-blonde sur son skateboard, n'était autre que Aurore, la meilleure amie de Diane et la fille des gérants du snack-bar du lac, qu'elle raffolait des fajitas et semblait vexée de ne pas en avoir mangé plus tôt avec nous. La grande lycéenne aux longs cheveux de jais et aux petits yeux verts, celle qui aurait pu faire la doublure de Mercredi Adams sans le moindre problème, se prénommait Laure et était la petite-amie du garçon blond à côté d'elle, un certain Basile.

Une fois les présentations terminées, nous discutâmes tranquillement de ce que l'on venait faire ici, nous, une bande de guignols complètement barge. Nous racontâmes bon nombre de nos exploits et Aurore, de même que Basile, s'avérèrent être de très bon publics. Laure semblait plus sur la réserve, un peu comme Julie, néanmoins, cela ne l'empêchait pas de nous parler avec gentillesse et de sourire quelques fois à nos idioties. Juliette et Benjamin, les bras l'un dans l'autre, rirent à l'unisson lorsque Dorian conta la fois où il avait volé le serre-tête en fourrure rose bonbon du videur de La Panthère Rose, tandis que Diane avouait qu'elle aussi avait déjà été tentée.

— Vous savez à quelle heure commence le feu d'artifices ? m'enquis-je lorsqu'un blanc s'installa.

J'étais toujours emmitouflée dans le pull de Maël, qui dégageait assez de chaleur pour réchauffer mon corps frigorifié. Le jeune semblait avoir remarqué que je me serrais dans son vêtement, car il m'adressai un grand sourire de satisfaction lorsque je tournai la tête dans sa direction. Rêve pas trop mon gars, j'ai pris ton pull juste parce que j'avais froid, rien de plus. Alors si tu t'attends à ce que je baisse la garde et plonge dans tes bras, t'en auras pour une éternité au moins !

— Techniquement, il devrait débuter à vingt-deux heure trente, répondit Juliette en jetant un coup d'œil à la voûte céleste.

— Sauf qu'il est presque quarante et qu'on n'a encore rien v..., riposta Basile avant de se faire couper net par une détonation.

Et l'instant d'après, le ciel de Montdesbois était devenu la scène d'un spectacle bariolé.

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chapitre de :
-missIndecise

musique :
A sky full of stars —
Coldplay