39 | « Pablo ? Comme Pablo Escobar ? »

H O R T E N S E
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          NOLA ET DORIAN étant partis en quête de sucreries, nous en avions convenu — Jules, Maël et moi-même — qu'il serait préférable de manger quelque chose de salé. Et lorsque la nourriture en question était mexicaine... On risquait de me perdre !

— On s'assoit là ? demanda Jules en pointant du doigt une table en plastique rouge avec un parasol sponsorisé Coca-Cola.

Si Dorian avait été là, j'aurais juré qu'il l'aurait volé avant de partir en courant. Ce mec vouait littéralement un culte à la marque de soda écarlate.

— Pourquoi pas ? Ça me paraît bien, répondis-je en commençant à tirer une des chaises. Et puis... De toute façon, c'est la bouffe qui nous intéresse !

— Jules ? Hortense ? Maël ? C'est vous ?! interpella une voix dans notre dos.

Nous tournâmes simultanément la tête en direction de la personne qui venait de s'adresser à nous, et un sourire fendit mes lèvres lorsque je reconnus Noé. Ce dernier était attablé avec une jeune femme à la longue chevelure flamboyante, Ulysse et une blondinette qui ressemblait atrocement au premier Montdesboisien. Noé écarta les bras, un large sourire esquissé sur son visage rayonnant. La blonde souriait également. Le vent s'engouffrait dans ses boucles blondes et ses grands yeux azurs pétillaient au fur et à mesure qu'elle nous contemplait.

Je ne l'avais jamais aperçue auparavant, mais j'aurais mis ma main à couper qu'elle et Noé partageaient un lien particulier.

Ulysse nous fit signe de nous avancer, avant de tendre l'oreille afin de mieux entendre ce que la rouquine assise à côté de lui, voulait lui dire. Il fronça subtilement les sourcils, puis ajouta quelques mots que je ne parvins pas à entendre. Jules s'avançait déjà en direction de la petite tablée, le ventre criant famine. Maël, toujours posté à mes côtés, m'accorda un bref coup d'œil.

Et d'un commun accord, nous décidâmes qu'il serait plus sympathique de partager notre repas avec la bande du coin.

— Pourquoi t'es trempée Hortense ? s'enquit Ulysse, ses iris verts rivés sur ma tignasse dégoulinante.

— Longue histoire..., grommelai-je en coulant un regard vers Maël. Et vous, vous faites quoi ici ?

À peine eus-je fini de prononcer ma question que je me rendis compte de sa stupidité : ils étaient là parce qu'ils avaient faim, tout simplement. Ils n'allaient pas bloquer une table de ce snack-bar juste pour discuter ou encore jouer aux cartes. Qu'est-ce que tu peux être débile Hortense par moment...

— On attend avec impatience nos commandes, répliqua Noé tandis que je m'emparai d'une chaise vacante pour m'installer auprès du petit groupe.

Jules et Maël m'accompagnèrent dans mon geste et bientôt, le cercle que formaient les quatre villageois venait de s'étendre à sept. Noé fit rapidement les présentations, ainsi, j'appris que la blonde lui ressemblant, n'était autre que sa sœur d'un an sa cadette et qu'elle se prénommait Luna. La jeune femme assise en face de moi, celle dont la chevelure était comparable à des flammes, portait le nom de Diane et était l'ancienne petite-amie d'Ulysse et une très bonne amie de Noé. Nous nous présentâmes à notre tour et discutâmes de tout et de rien, jusqu'à ce que le serveur — plutôt beau garçon on ne va pas se le cacher — arrive, un large plateau au bout de la main.

Il déposa la commande de nos tous nouveaux amis avant de fusiller légèrement Diane du regard.

— Je veux que cette bouteille finisse intacte, Diane... J't'ai à l'œil..., la menaça-t-il alors que Diane prenait un air révolté.

— Ça fait deux mois que j'ai arrêté, Édouard ! Et puis c'est bon, c'est pas pour deux trois éclats de verre...

Je ne cherchai pas à comprendre plus longtemps et préférai demander au serveur où l'on devait effectuer notre commande. Celui-ci m'indiqua du doigt l'intérieur du snack mexicain, tout en m'expliquant :

— Il faut que vous alliez voir Pablo, le gérant, au compt...

— Pablo ? Comme Pablo Escobar ? ne pus-je m'empêcher de lâcher avec un petit sourire.

Le serveur ne réagit même pas à ma blague, sûrement habitué à l'entendre des milliers de fois durant l'été : peut-être avait-il jugé préférable de ne plus prêter d'intérêt aux estivants et à leurs blagues pourries.

— La commande s'effectue au comptoir et je vous l'apporterai une fois préparée, poursuivit le dénommé Édouard d'un voix neutre, comme si je ne l'avais pas interrompu.

Après cela, il disparut, hélé par un couple de quinquagénaire qui réclamait du sel. Je me levai donc, Jules et Maël sur mes talons, et nous nous dirigeâmes en direction de la salle du snack-bar. Nous esquivâmes de nombreuses tables, slalomâmes entre les chaises en plastique et nous nous arrêtâmes juste à temps, évitant de justesse une collision frontale entre un panier de nachos sauvage. Enfin, après tout ce périple digne des plus grands aventuriers, nous atteignîmes le bâtiment.

L'enseigne en néon rouge semblait prête à se décrocher à tout moment du mur, tant et si bien que je me décalai d'un seul coup, arrachant un regard suspicieux à Jules. Le snack-bar mexicain était un petit coin renfoncé, glissé entre deux boutiques totalement différentes. Le sol en carrelage noir et blanc, les chaises en bois et les banquettes en cuir me rappelaient étrangement les diners américain. Des effluves de sauce salsa et d'oignons fris évoluaient dans l'air et semblaient toutes provenir des cuisines ouvertes. Des jeunes étudiants riaient dans un coin, tandis que le serveur de toute à l'heure ramenait des verres vides à la plonge.

Derrière le comptoir en béton se tenait un homme d'une quarantaine d'années, avec une bedaine certaine, une imposante moustache dont les côtés remontaient d'eux-mêmes, de petits yeux bruns et rieurs. Heureusement pour lui, il ne portait pas de sombrero : auquel cas j'aurais été obligé de clamer haut et fort qu'il était le cliché parfait du mexicain ! Il nous adressa un large sourire en nous voyant approcher, dévoilant des dents guère alignées et jaunies par le café.

— Qu'est-ce que je vous sers les niños ? demanda-t-il d'une voix chantante et relativement clair.

— Un panier de nachos avec du guacamole, commença Jules en se frottant le menton, tout en consultant du regard la carte accrochée en grand sur le comptoir.

— Un tacos royal, poursuivit Maël en souriant poliment.

— Et une fajita salsa, s'il vous plaît, finis-je en sortant mon porte-monnaie de mon sac.

Nous payâmes chacun séparément avant de regagner la table où nous attendaient les quatre Montdesboisiens. Noé avait déjà fini ses enchiladas depuis un moment, et s'amusait désormais à piquer des nachos à sa petite-sœur. Luna semblait lancée dans une histoire captivante et effectuait de grands gestes. À un moment donné, elle percuta de plein fouet la bouteille de soda de Diane et le liquide fusa par terre. Ulysse laissa échapper un petit rire devant la tête que tirait la rouquine, et c'est à cet instant que nous nous rassîmes.

Le serveur ne tarda pas à arriver avec notre commandes et Jules se jeta sur ses nachos. Il plongeait les chips au fromage dans son guacamole, si vite qu'il donnait l'impression de ne pas avoir mangé depuis des jours.

— Eh Cro-magnon, l'interpella Maël en avalant sa bouchée. Personne va te voler ta bouffe.

Jules releva les yeux en direction de son ami, l'air d'atterrir. Il avait plein de guacamole autour de sa bouche et des morceaux de chips siégeaient à la commissure de ses lèvres. Heureusement que Nola n'était pas là, car voir son Don Juan ainsi aurait sûrement fait baisser son sex-appeal. Je laissai échapper un petit rire à cette pensée avant de croquer dans ma fajita. Les épices se diffusaient dans ma bouche comme un volcan en pleine irruption. Qu'est-ce que je pouvais aimer ça...

— J'crois qu'Hortense s'est trouvée un nouvel amour, lança Noé en ricanant légèrement.

Pour toute réponse, je lui souris, les joues pleines de nourritures divines — selon moi du moins.

— Tu t'entendrais bien avec Aurore, elle aussi elle raffole des fajitas, ajouta Diane en attachant ses cheveux.

Je voulus rétorquer quelque chose, mais au moment où j'allais ouvrir ma bouche, un ombre longiligne fondit dans notre direction, s'emparant du tacos de Maël, tout en gueulant :

— Manger !

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chapitre de :
-missIndecise

musique :
Sweet Home Alabama — Lynyrd Skynyrd

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