30 | « Et pour nous ce sera deux cocktails aux fruits ! »
N O L A
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— EH ! CE SERAIT PAS HORTENSE ET MAËL LÀ-BAS ? demanda Jules en pointant du doigt deux silhouettes assises sur un tronc d'arbre, au bord de la berge.
Je plissai les yeux et me concentrai sur ces dernières : en effet, une brune ressemblant à Hortense était assise sur un bout de bois, son t-shirt enroulé autour de son poignet, et ébouriffant distraitement la tignasse d'un blondinet ayant la tête posée sur ses genoux. Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire en les voyant et Jules se tourna vers moi, un petit sourire moqueur au bord des lèvres. Nous échangeâmes un regard et bientôt, nous nous retrouvâmes à pagayer dans leur direction.
— Oh les tourtereaux ! Vous savez que y a des gens qui vous regardent là ! C'est pas bien de vouloir se pécho devant des gosses ! rit mon coéquipier alors que nous descendions de notre embarcation.
— J't'emmerde Jules ! répondit Hortense, les mains formant un porte-voix.
Maël se redressa, l'air perdu et les yeux endormis, comme s'il s'était assoupi l'espace d'un instant. Il se frotta d'une main distraite les paupières, avant de nous faire signe de nous approcher. Je sautai à mon tour du canoë et mes pieds rencontrèrent la berge faite de gravillons clairs. Jules était déjà loin devant moi, je me pressai donc pour le rejoindre au plus vite — après avoir hissé notre "bateau" près de celui de ma meilleure amie. Néanmoins, lorsque j'arrivai à la hauteur d'Hortense, je remarquai que le tissus enroulé autour de son poignet était taché de sang.
— Qu'est-ce que t'as foutu encore ? ne pus-je m'empêcher de demander en écarquillant les yeux. C'est toi qui lui a fait mal ?! ajoutai-je en accusant du doigt Maël.
Je m'avançai dans sa direction, prête à lui décocher une droite quand l'envie m'en prendra. On ne touche pas à ma meilleure amie, c'est l'une de nos règles d'amitié les plus anciennes. Et Maël semblait l'avoir compris : il reculait déjà, affichant un air paniqué et manqua de peu de trébucher contre le tronc d'arbre, sur lequel il était auparavant assis.
— Nola, Maël a rien fait, lança Hortense en détachant son t-shirt de son articulation.
— T'sais tu peux le dire s'il t'a fait mal, parce que c'est pas quand vous serez en couple et qu'il te tabassera tous les jours, que je vais pouvoir te sauver ! m'emportai-je en le fusillant du regard.
— Eh ! Calme-toi ! Je viens juste de me prendre la pagaie dans la tête, personne m'a frappée ! rétorqua Hortense en se plaçant entre Maël et moi.
Mouais... C'était du Hortense tout craché ce genre de choses. Et même si j'imaginais mal Maël faire du mal à une mouche, et donc à Hortense, j'allais tout de même le garder à l'œil.
— Vous auriez pas vu passer Dorian ? s'enquit Jules, comme pour changer de sujet.
Au même instant, un canoë rouge sang fila entre deux rochers, avant de s'écraser lourdement sur l'onde clair de la rivière. À son bord, un métisse aux cheveux courts hurlait comme une petite fille à Disneyland. Les mains en l'air, tenant sa pagaie à bout de bras, il souriait béatement, comme figé dans le temps. Néanmoins, lorsque son canoë percuta de plein fouet le fond peu profond du cours d'eau, Dorian sembla revenir à la raison. Il s'ébroua légèrement et tourna la tête dans notre direction.
— Hey ! Dorian ! hélai-je en agitant les bras en l'air. On est là !
Le métisse parut confus l'espace d'un instant mais ne se questionna pas plus longtemps. Après s'être extirpé de son moyen de locomotion en plastique, il courut jusqu'à la berge où nous nous trouvions, un large sourire esquissé sur ses lèvres. Lorsqu'il atteignit notre hauteur, il se laissa tomber à genoux par terre, non sans se plaindre que les cailloux étaient guère confortables. Jules et Maël explosèrent de rire en le voyant souffler sur ses articulations, comme un petit enfant souffrant le martyr, tandis qu'Hortense et moi nous levâmes les yeux au ciel.
— Qu'est-ce que vous foutez tous là ? C'est l'heure du quatre heure ? s'interrogea Dorian après s'être relevé.
— J'avoue, vous nous avez même pas dit pourquoi vous vous étiez arrêtés là ? repris-je en me tournant vers ma meilleure amie.
Cette dernière jeta un bref regard accusateur à Maël, qui se contenta de lui rendre un petit sourire désolé.
— On a chaviré, répondit-elle en soupirant.
— Ouais l'un pour l'autre. Ça on avait cru comprendre, se moqua Jules en donnant un petit coup de coude au blond.
Ce dernier l'ignora délibérément et se contenta de jeter un coup d'œil en direction de l'autre berge. Hortense menaça le brun de lui envoyer sa pagaie dans la tête, ce qui parut le calmer quelque peu. Ainsi, il se décala de Maël et reprit sa place à côté de moi, le visage neutre, bien que je lui adressais un petit regard moqueur. Enfin, Hortense nous expliqua ses récentes péripéties, qui partaient des promeneurs croisés durant leur périple, en passant par les filles qui avaient fait du charme à Maël et par leur "accident" — si on pouvait dire ça comme ça —, pour finir par le moment où Hortense avait voulu récupérer sa pagaie mais se l'était prise dans le nez.
— C'est excellent bordel ! J'aurais dû venir avec vous ! rit Dorian en se frottant le front du revers de la main.
— Bah écoute, t'as voulu te la jouer solo, donc on t'a privé du spectacle très divertissant qu'est Hortense à elle seule, même si c'est encore plus drôle qu'en Nola vient se rajouter, lâcha notre ami blondinet en posant sa main sur l'épaule de Dorian.
— D'ailleurs, en parlant de ça... Comment t'as fait pour nous rattraper ? Parce que bon... C'était pas trop ça au moment du départ ! demandai-je en m'asseyant sur le tronc d'arbre désormais libre.
— Tu doutes de mes capacités à manier une telle machine ?
— Mec, le prends pas mal, mais t'arrivais même pas à faire un mètre sans percuter la berge, rétorqua Jules en rabattant sa mèche en arrière.
Dorian sembla vexé — du moins, il jouait la personne blessée dans son amour-propre. Il s'empara de la pagaie qu'il avait délaissé près de son canoë, et retourna vers ce dernier d'un pas décidé. Il se tourna une dernière fois dans notre direction, les yeux plissés, nous jugeant du regard.
— Si vous n'êtes même pas fichus d'apprécier mes talents sensationnels, je préfère m'en aller dignement ! s'exclama-t-il fièrement avant de nous quitter du regard.
Et par dignement, il entendait bien sûr s'écrouler en plein dans son canoë à cause d'une pierre mal située. Les rires fusèrent de plus bel tandis que le métisse se relevait, un sourire mi-amusé mi-honteux dessiné sur son visage. Il s'extirpa du "bateau" comme il le put, avant de le pousser jusqu'à l'eau. Lorsque l'onde eut atteint la hauteur de ses cuisses, il se hissa à l'intérieur de la coque et s'assit à la hâte.
— Bisous les michtos ! Moi j'ai une course à gagner, j'vous rappelle tout de même ! Ah et au fait, j'veux bien un Coca Light ! termina Dorian avant de pagayer comme si sa vie en dépendait.
J'écarquillai quelques instants les yeux : le pari, je l'avais presque oublié celui-là ! Aussitôt, je m'emparai de l'avant-bras de Jules et me précipitai en direction de notre canoë, sous les regards intrigués de Maël et d'Hortense. Cette dernière clignait des yeux lentement, comme si elle venait d'atterrir, et qu'elle commençait tout juste à se rappeler de ce qu'elle avait dit, il y a une heure ou deux. Néanmoins, lorsqu'elle percuta enfin, nous étions déjà embarqués dans notre canoë, Jules et moi.
— Et pour nous ce sera deux cocktails aux fruits ! hurlai-je alors que la brune se ruait sur son canoë, Maël sur ses talons.
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chapitre de :
-missIndecise
exceptionnellement
musique :
Kiss the sky — Jason Derulo
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