26 | « T'aurais pas un p'tit zéro six à me passer ? »
N O L A
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RASSUREZ-MOI, est-ce que c'est normal d'avoir des pulsions meurtrières en pleine macarena ? C'est pas pour moi, c'est pour une amie.
— Ça va Nola ? On dirait que t'as des mitraillettes à la place des yeux, s'enquit Dorian après avoir crié le célèbre : "Hey Macarena !".
— Ça va. Parfaitement. Bien..., débitai-je en décrochant un petit sourire forcé au métisse, le genre de sourire qui veut dire : "tu me poses encore une question comme ça, j'te scalpe".
— Ok, j'ai compris. Je laisse tomber.
Dorian détourna le regard et reprit sa danse endiablée. Quant à moi, je soupirai légèrement avant d'attraper son bras. Le métisse sembla désemparé et fronça les sourcils. Néanmoins, je l'ignorai et poursuivis mon chemin. Je me faufilai entre les corps dansants, ignorant les cris qui s'élevaient dans mon dos, près du bar, et atteignis enfin un canapé en cuir rose — vraiment kitsch. Dorian se laissa tomber à mes côtés et posa son bras sur l'accoudoir. Il ne m'avait pas encore demandée pourquoi j'avais voulu quitter la piste de danse, mais je sentais qu'il allait éviter.
— Tu veux qu'on aille prendre un verre ? proposa mon ami en se frottant les mains.
— Hum... Sans façon. C'est hyper cher en général et puis... Je crois qu'une bagarre va bientôt éclater, ajoutai-je en pointant du doigt une fille éméchée qui criait à tout va.
— Dans ce cas... Ça te dit de faire un "pour combien" ? Histoire de passer le temps. Parce que bon, entre Jules qui veut à tout prix pécho et Maël et Hortense de nouveau perdus tous les deux, on est un peu laissés de côté.
Dorian n'avait pas tort. À peine étions-nous rentrés dans la discothèque La Panthère Rose, que notre petit groupe avait volé en éclats et que chacun était parti dans une direction opposée. Le métisse m'avait tout de suite entraînée sur la piste de danse — contre mon grès bien-sûr, car rappelons-le, je détestais danser tant que l'alcool n'avait pas commencé à faire effet sur mon organisme.
J'avais brièvement aperçu Jules se diriger vers une jeune femme blonde, seule dans son coin, et n'avais guère apprécié son manque total d'intérêt à mon égard : après tout, n'était-il pas censé avoir un faible pour moi ? Enfin, comme toujours, Maël et Hortense s'étaient volatilisés et étrangement, ils étaient toujours ensembles lorsque l'on se perdait quelque part.
— Ça marche, par contre c'est moi qui commence, acceptai-je en me redressant. Pour combien tu vas voler le serre-tête du vigile ?
— Pour dix, soyons fou !
Je ris légèrement face à l'attitude de Dorian et me concentrai, priant le ciel pour que Dorian dise le même chiffre que moi.
— T'es prêt ? questionnai-je avant que le métisse n'hoche la tête. Un, deux, trois... Neuf !
— Neuf ! s'exclama en même temps Dorian, avant de se rendre compte de sa bêtise.
Aussitôt, Dorian s'empara d'un cousin à sequins violines et se frappa la tête avec, sous mes yeux et mon air hilare. Il grognait de mécontentement et se maudissait d'avoir proposé ce jeu. Quant à moi, je lui tapotais l'épaule en lui assurant qu'il serait très mignon avec des oreilles de chat sur la tête. Cela n'eut guère l'air de lui plaire puisqu'il délogea le coussin de son visage, avant de me le lancer dessus. J'esquivai ce dernier aisément et pouffai davantage.
— J'suis obligé de faire ça ? se lamenta-t-il en me regardant d'un air désespéré.
— C'est le jeu ma pauvre Lucette ! Allez, c'est quand même pas la mer à boire ! Si tu veux, je le distrais pendant que tu lui voles son serre-tête...
Dorian hocha de la tête en signe d'approbation, et c'est ainsi que nous nous retrouvâmes dans le long couloir menant à l'entrée. La pénombre régnait d'une poigne de fer en ces lieux, seuls les quelques spots diffusant une lumière rose pâle, incrustés dans le sol, venait la troubler. Nous croisâmes un couple en train de s'embrasser de manière beaucoup trop langoureuse pour être admis dans un lieu public. Je mimai une envie de vomir et Dorian gloussa comme une fillette. Enfin, nous atteignîmes l'entrée. La femme qui s'occupait des vestiaires semblait avoir disparu dans ces derniers : nous avions donc le champ libre pour passer à l'action.
Bon, réfléchissons... Qu'est-ce qu'Annabeth Chase ferait si elle était à ma place ? Elle prendrait sûrement sa casquette d'invisibilité et s'emparerait de son serre-tête en moins de deux. Mais bon, moi je n'étais pas encore en possession d'un tel objet et par conséquent, il fallait que je trouve une autre solution... Hum... Attendez, j'ai peut-être une idée !
— Hey mon mignon ! lançai-je à la cantonade en veillant à ne pas marcher droit— comme si j'étais complètement saoule. T'aurais pas un p'tit 06 à me passer ? poursuivis-je en continuant mon chemin, jusqu'à sortir de la boîte de nuit.
Dans le dos du vigile, Dorian m'adressa un clin d'œil, comme pour me signifier qu'il avait compris où je voulais en venir. De son côté, le gardien— un jeune homme du type Monsieur Propre, âgé de tout au plus vingt-cinq ans— posa son regard méfiant sur moi et je lui adressai un petit sourire charmeur. Mon dieu... Qu'est-ce que je ne ferais pas pour aider quelqu'un !
— Veuillez retourner à l'intérieur ou quitter les lieux, mademoiselle, grogna-t-il en détournant ses yeux bruns.
Je jetai un autre coup d'œil en direction de Dorian et remarqua qu'il se tenait presque derrière le vigile. Son bras était tendu en avant, ses doigts prêts à saisir les oreilles touffues et roses pétantes de l'homme en costume noir. Si seulement je pouvais trouver un moyen pour que l'attention du vigile soit entièrement dirigée sur moi...
— J'm'appelle Aurélie au fait ! Et toi c'est quoi ton petit nom ?! Oh ! On peut faire un snap tous les deux ?! m'exclamai-je le plus fort possible pour qu'il n'entende que ma voix, et non les bruits de pas et la respiration saccadée de Dorian.
Avant que le vigile n'ait pu répondre, Dorian avait saisi vivement les oreilles de chat et commençait déjà à s'enfuir le long du couloir. L'homme porta instinctivement une main à son crâne et constata que son serre-tête ne reposait plus sur ce dernier. Son expression, auparavant si neutre, se mua petit à petit en colère. Ses yeux semblaient s'assombrir et alors qu'il se retournait pour voir qui était responsable de ce si tragique enlèvement, j'en profitai pour crier une ultime fois avant de m'élancer à la suite de Dorian :
— Regardez ! Là-bas ! Rihanna !
Le vigile fut distrait et reporta son regard sur la petite rue se trouvant en face de la discothèque. Lorsqu'il comprit enfin qu'il n'y avait aucune star mondialement connue ici, et que par conséquent, il s'était fait rouler, il laissa échapper une flopée de jurons en se lançant à notre poursuite.
Je ne me rappelle pas avoir franchi un couloir aussi vite de toute ma vie. Je manquai d'ailleurs de percuter le couple que nous avions croisé à l'aller, et reconnus l'employée chargée des vestiaires. Je voulais lui lancer une petite remarque, comme quoi ce n'était pas bien de jouer les ventouses en plein service, mais les cris et les menaces du gardien m'en avaient dissuadée.
— Nola ! Par là ! indiqua Dorian en me tendant son bras.
Je redoublai de vitesse, une main tendue en avant. Je n'étais plus qu'à quelques mètres du métisse lorsqu'une jeune femme — que j'avais aperçu au bar — fit apparition en plein milieu de mon chemin. Le choc fut inévitable et bientôt, je me retrouvai les quatre fers en l'air, enchevêtrée avec l'inconnue en robe courte bleue. Cette dernière grogna en se frottant l'arrière du crâne. Une main apparut dans mon champ de vision et je m'en saisis : le grain de peau m'indiquait qu'il s'agissait de Dorian.
Je fus de nouveau sur pieds en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire "quidditch" et mon regard dériva sur la fille que je venais de bousculer : ses cheveux blonds emmêlés pendaient tristement de par et d'autre de son visage, sa robe avait remonté et il lui manquait un escarpin. Je fronçai les sourcils un bref instant et sursauta lorsqu'elle m'attrapa soudainement la cheville.
— C'est toi la salope avec qui il m'a trompée ?! s'égosilla-t-elle en se relevant avec difficulté.
Dorian me pressa la main, comme pour me signifier qu'il fallait que l'on parte. Néanmoins, il n'avait pas dû remarquer que la jeune adulte me retenait prisonnière. Je l'ignorai délibérément lorsqu'elle partit dans un de ses délires et agitai ma cheville fortement, espérant la faire lâcher. Malheureusement pour moi, cette altercation nous avait fait perdre un temps précieux et l'instant d'après, le vigile — privé de ses oreilles de chaton— fit irruption dans la salle, scrutant la pièce d'un air patibulaire.
— Faut qu'on se tire Nola ! recommença Dorian en tirant sur mon bras.
Je sentis mon corps partir en avant et l'entrave qui retenait prisonnière mon articulation se défaire. Nous reprîmes alors notre course et décidâmes de nous séparer afin que le videur n'en retrouve qu'un seul à la fois — encore fallait-il qu'il arrive à nous attraper ! Tout à coup, alors que je devançais deux silhouettes semblables à celles de Maël et d'Hortense, un objet non identifié fusa dans les airs et ricocha contre la porte des toilettes. Je ne pris pas la peine de regarder de quoi il s'agissait, mais j'étais presque sûre que la fille éméchée venait de jeter son deuxième escarpin — avait-elle déjà lancé l'autre ?
Cependant, ce projectile m'avait donnée une idée de cachette et après avoir vérifié où se trouvait le videur, je m'engouffrai dans les sanitaires pour femme. Une odeur de vomis, mélangée à des effluves de cigarettes et des relents d'urine me cueillirent au vol et je dus me faire violence pour entrer dans la première cabine — rose— qui se présentait à moi. Je verrouillai à la hâte la porte derrière moi et m'assis sur la lunette baissée.
Cinq minutes s'écoulèrent pendant lesquelles il ne se passa absolument rien : personne n'entra dans les sanitaires, aucune chasse d'eau ne fut tirée... J'en conclus que la voie était libre et que cet imbécile de vigile n'avait pas eu l'idée de s'engouffrer dans ce lieu réservé à l'intimité féminine. C'était donc emplie de joie que je me saisis du verrou et le tournai... Et le tournai... Et le tournai... Oh non. Ne me dites pas que je suis enfermée dans ces chiottes pour toujours !
J'avisai du regard la hauteur de la cloison : elle était beaucoup trop haute et lisse, et même si je montais sur les toilettes, je ne pourrais jamais l'atteindre et encore moins passer de l'autre côté. Par conséquent, il ne me restait plus qu'une seule solution, et c'était de loin la plus sale : passer sous la porte. Effectivement, l'écart était assez grand pour que je passe aisément, cependant, ce n'était pas le top du top au niveau de la propreté. Hélas, je n'avais que cela comme choix.
Réprimant alors une petite grimace, je m'allongeai sur le sol légèrement collant et fermai les yeux en tentant d'ignorer ce qui avait pu tomber sur ce carrelage. Quelques instants plus tard, je me relevai de l'autre côté de la porte et époussetai mes genoux d'un geste vif. Lorsque je tournai la tête en direction des lavabos, mes yeux rencontrèrent le regard de la fille avec qui Jules traînait.
— Tu sais, tu devrais peut-être investir dans la chirurgie esthétique, déclarai-je avant de pousser la porte de sortie.
Je lâchai un hoquet de surprise et l'instant d'après, une main de camionneur attrapait mon épaule.
— Viens là ma mignonne.
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chapitre de :
-missIndecise
musique :
September — Earth, Wind and Fire
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