22 | « Pourquoi tu me regardes comme si j'avais assassiné quelqu'un ? »

N O L A

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          —  ICI C'EST PARFAIT POUR S'INSTALLER, lança Dorian pendant que Noé se vautrait déjà sur le sol en terre battue. 

J'acquiesçai en levant les deux pouces en l'air, avant de me tourner vers les autres. Ce qu'ils pouvaient être lents ! Non mais franchement, même la grand-mère d'Hortense  — celle qui a un déambulateur — marche plus vite qu'eux ! Bon, je peux bien comprendre la lenteur de cette dernière : elle semblait en pleine conversation avec son âme-sœur. Mais pour ce qui était des autres, ils n'avaient pas la moindre excuse.

— Bougez-vous ! m'écriai-je en agitant les bras en l'air. 

Je tournai la tête vers Dorian et constatai qu'il avait abandonné la position debout pour s'installer à même le sol. Le métisse semblait faire la tête et se contentait de consulter son téléphone.

— Pourquoi tu t'es pas assis sur une chaise ? questionnai-je en lâchant un petit rire amusé. 

Dorian passa une main dans sa tignasse légèrement bouclée et grogna.

— La chaise veut pas de moi, se contenta-t-il de répondre en soupirant.

Et visiblement, il ne semblait pas exagérer : le fauteuil de plage, au tissus rayé de bleu et de blanc, était couché sur le sol, à moitié déplié. Les accoudoirs en plastiques blancs semblaient être coincés et empêchaient la chaise de se former. Même si je ne connaissais Dorian que depuis quelques jours, j'avais deviné ô combien il détestait lorsque tout ne marchait pas du premier coup.

— Tu veux que je le fasse ? J'suis sûre que c'est qu'un malentendu, proposai-je en relevant l'objet. 

— Si j'y arrive pas, je vois pas comment tu pourrais réussir... C'est pas comme si tes biceps étaient aussi impressionnants que ceux de Sylvester Stallone, se moqua légèrement le métisse alors que je demeurais la bouche entrouverte, choquée par autant de machisme.   

Comme pour lui prouver qu'il avait tort, je m'emparai des deux accoudoirs en plastiques, écartai les deux pieds de la chaise et en deux temps trois mouvements, le fauteuil de plage se dressa devant les yeux à moitié ébahis de Dorian. Je laissai un petit sourire satisfait s'esquisser sur mes lèvres et m'écroulai sur l'assise, sans plus de cérémonie. J'entendis Dorian murmurer quelque chose dans mon dos, un truc du style : "la chance du débutant", ce qui me fis jubiler davantage. 

Quelques instants plus tard, le métisse se laissa tomber à mes côtés. Cependant, son postérieur ne reposait plus à même le sol, mais plutôt sur une toile en plastique, identique à la mienne. J'arquai un sourcil, un petit air moqueur au coin des lèvres et laissai couler. Après tout, si je me permettais de faire un commentaire à Dorian, il allait sûrement piquer une crise et me balancer toute habillée dans la piscine.

— Tu t'y connais un peu en astronomie ? demanda-t-il finalement, une fois que tout le monde fut installé à bon port. 

J'haussai les épaules nonchalamment avant de daigner lui répondre :

— Pas vraiment... Mais disons qu'Hortense arrête pas de me bassiner avec tout ça. Donc si tu veux je peux te montrer où est la Grande Ourse et puis si tu me dis l'heure à laquelle t'es né, ta date de naissance et ton lieu de naissance, peut-être que je pourrai calculer ton ascendant astrologique, ajoutai-je en gardant une expression sérieuse, malgré la tête que faisait mon compagnon de galère.

— Euh..., débuta-t-il avant de se racler la gorge. Je crois qu'on va plutôt rester sur les constellations.

Je ris légèrement suite à sa remarque et entrepris de lui montrer toutes les formations d'étoiles que je connaissais. Dorian est plutôt bon public : il ne décrochait pas malgré les explications ennuyeuses que je lui donnais — je les avais bien sûr piquées à Hortense, croyez pas que je suis fan de ça non plus. Je m'étais penchée vers lui, histoire d'avoir la même vision et de pouvoir lui indiquer précisément. Au moment où je désignais du doigt la constellation du Grand Chien — ma préférée, allez savoir pourquoi—, Dorian en profita pour poser son bras sur l'accoudoir, faisant ainsi d'une de mes mèches de cheveux, sa prisonnière. 

— Dorian ! Bouge ton coude ! m'exclamai-je en tournant la tête vers lui.

Un petit sourire facétieux au bord des lèvres, il me fixait comme si tout était normal et que non, il n'avait pas le coude posé sur ma tignasse chocolat. Cela eut le don de m'énerver davantage et je tirai sur ma mèche avec vigueur : rien à faire, sa prise était trop forte. Et à moins d'avoir une paire de ciseaux sous la main, je ne donnais pas cher de ma tignasse. Néanmoins, cela ne m'abattis pas le moins du monde et je redoublai même d'énergie, tant et si bien que mon téléphone s'extirpa de la poche de mon sweat-shirt, pour finir sa course en plein dans la terre battue. 

— Putain de merde ! soufflai-je en me penchant en avant — Dorian venait de me libérer, surpris face à mon cri étouffé. 

Je saisis d'une main vive mon bien le plus précieux — après le trophée de meilleure amie que m'avait confectionnée Hortense en primaire— et soupirai de soulagement en constatant que l'écran était toujours intact : décidément, il y a vraiment un dieu sur cette terre. Malheureusement, je n'avais pas prévu qu'en relevant la tête, Dorian aurait eu la même idée que moi. Nos fronts se heurtèrent à mi-chemin et un petit "aïe" traversa la barrière de mes lèvres.

— Oh mon dieu ! s'égosilla une voix dans mon dos.

Dorian se redressa automatiquement, ignorant notre récente proximité et se frotta la nuque du bout des doigts. Tandis qu'il essayait tant bien que mal de cacher sa gêne, j'en profitai pour tourner la tête en direction de l'exclamation. Mes pupilles se posèrent sur un Maël bouche-bée, emprisonnant dans sa main droite, le menton d'une Hortense aux yeux écarquillés. Je me raclai la gorge avant de demander d'une voix forte, à l'attention de ma meilleure amie :

—  Pourquoi tu me regardes comme si j'avais assassiné quelqu'un ?

Hortense sembla sortir de sa transe puisqu'elle s'ébroua comme un chiot, se dégageant de l'emprise de Maël par la même occasion. Elle cligna plusieurs fois des yeux avant de s'éclaircir la voix. À ses côtés, le blond venait de refermer subitement la bouche et grimaçait : sûrement venait-il de gober un moustique. 

— Pour rien, riposta vivement la brune en esquissant un petit sourire maladroit. T'as vu, on voit ta constellation préférée ! ajouta-t-elle en pointant une étoile en particulier, l'étoile du nom de Sirius.

Je me contentai d'hocher la tête suite à sa remarque, sans grande conviction et me concentrai de nouveau sur l'ensemble d'astres qui s'offrait à nous. Cependant, la transe dans laquelle j'avais surpris Maël et Hortense me revenait sans cesse en tête. Leurs visages semblaient être à la limite de se décomposer quand je m'étais tournée vers eux, et, bien que ma meilleure amie en démentisse le contraire, j'avais remarqué que quelque chose n'allait pas. 

Leurs expressions abasourdies, leurs airs éberlués et la facilité dont Hortense avait fait preuve pour détourner ma question, ne me laissaient que confuse. Quelle idée avait encore pu se loger dans leurs cervelles ? Qu'avait pu insinuer Hortense ? Qu'avait pu dire Maël ? Cela, je ne pouvais le deviner toute seule. Néanmoins, j'avais peut-être une petite idée quant à la raison d'un tel comportement...

Ils avaient sûrement dû penser que Dorian et moi-même allions nous embrasser !  

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chapitre de :
-missIndecise
(exceptionnellement)

musique :
All Star — Alma, Martin Solveig

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