12 | « Noé, c'est bien celui qui a manqué de nous assassiner hier ? »

N O L A

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          HEUREUSEMENT — pour mon plus grand bonheur et surtout parce que c'était aujourd'hui nécessaire à ma survie —, grâce au tennis que je pratiquais depuis plusieurs années déjà, j'avais relativement de l'endurance niveau course.

Endurance nécessaire pour échapper au boucher fou furieux et son long couteau très bien aiguisé.

Après avoir hurlé comme une tarée au groupe de se séparer, j'avais pris la direction que je jugeais la plus judicieuse pour échapper au boucher : se fondre dans la foule. Bon, j'avais dû sprinter en zigzag, et donc forcément j'avais écrasé le pied d'une vieille dame qui portait un foulard fushia, fait tomber la glace d'un enfant d'environ huit ans et failli donner un coup de pied à un chihuahua.

En somme, j'avais bousculé la moitié de la population du village de Montdesbois.

Heureusement que j'avais la casquette de Dorian enfoncé sur la tête, parce que sinon, je ne pourrais sûrement plus remettre un pied au village sans me faire lyncher par ses habitants.

Mais, le saucisson était sain et sauf et c'était le plus important.

Il était solidement glissé entre mon short en jean et ma ceinture en cuir — serrée le plus possible pour plus de sécurité — et ne risquait donc pas de tomber par mégarde. Ravie par le franc succès qu'avait eu mon plan, je marchais tranquillement en direction de l'espèce de parking où nous avions laissé nos vélos.

J'allais décrocher le mien, quand Dorian et Jules débarquèrent à toute vitesse d'une rue sur la droite.

— COURS, NOLA ! hurla le premier.

Je les regardai courir vers moi sans comprendre tant de hâte, jusqu'à ce que les hurlements du boucher — qui visiblement était toujours furieux contre nous — me parvinrent très distinctement et que sa silhouette dotée d'un visage rouge et suant se dessine au coin de la rue.

Et, merde.

La course de Dorian et Jules devint la mienne également et c'était ainsi qu'on se retrouva à courir tout les trois, comme si le diable était à nos trousses — ce qui, entre nous, n'était pas très loin de la réalité : n'oubliez pas que le boucher possèdait de très long couteaux —, dans le dédale qu'étaient les rues de Montdesbois.

Non seulement, courir sur des routes pavées était extrêmement fatiguant, et malgré le fait que je n'étais pas aussi maladroite qu'Hortense, j'avais manqué de me tordre la cheville cinq fois en l'espèce d'un quart d'heure, mais en plus de cela, il faisait une chaleur insoutenable. On approchait de l'heure de midi et les rayons du soleil qui m'avaient fait tant de bien ce matin, m'épuisaient plus qu'autre chose.

— Faut qu'on se planque, ordonna Jules alors qu'on faisait une pause dans le recoin du mur d'une maison, pour reprendre notre souffle.

— Il va bien arrêter de nous poursuivre au bout d'un moment, non ? articula Dorian avec difficulté.

J'avisai le potentiel de mes compagnons de galère d'un regard. Jules semblait être le moins fatigué de nous trois, mais il peinait à reprendre son souffle tant la chaleur étouffante nous vidait de nos forces. Moi, je commençais à avoir mal aux jambes à force de courir, car n'oublions pas que je me remettais d'une sacré cuite de la veille. Quand à Dorian, si Jules ne m'avait pas assurée qu'il avait amené son inhalateur avec lui, j'aurais déjà appelé les pompiers depuis un bon moment : son visage était rouge, couvert de sueur et il avait l'air proche de la crise cardiaque.

— Ce gars est plus collant qu'un veracrasse, jurai-je en dessinant dans la poussière émanant de l'endroit dans lequel on s'était cachés.

— Je meurs de soif, gémit Dorian en utilisant une fois de plus son inhalateur pour respirer.

Je commençais à désespérer par rapport à la tournure que prenait la situation, et à me sentir coupable d'avoir emmené les trois garçons avec moi dans cette galère, alors qu'on ne les connaissait que depuis deux jours. Cependant un détail étrange finit par attirer mon attention.

Le garçon qui avait manqué de me renverser à vélo le premier jour — un petit brun avec un bandeau sur la tête pour tenir ses cheveux — me faisait discrètement signe du coin de la rue. Je fronçai les sourcils. Qu'est-ce qu'il voulait ?

Mes tentatives de l'ignorer furent vaines, car il insistait sans relâche pour que je le rejoigne. Ce que je fis en entraînant mes deux compères dans mon sillage.

— Je m'appelle Ulysse Anvers, se présenta-t-il. On s'est déjà croisés plusieurs fois je crois. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi.

— Ouais, la première fois t'as failli m'écraser avec ton vélo et la deuxième fois, c'est ton copain qui a assommé ma meilleure amie avec son frisbee. Difficile de t'oublier mon coco.

Le dénommé Ulysse eut l'air soudain extrêmement gêné suite au rappel de ses interventions pas vraiment glorieuses envers nous.

— Désolé, s'excusa-t-il timidement, pour les vélos, je faisais la course avec Noé. Et le frisbee, c'est juste qu'on ne sait pas encore très bien viser avec.

Je balayai ses excuses d'un revers de main signe que c'était déjà oublié. Je ne me prenais pas la tête et je détestais être en froid avec des gens pour des broutilles. Par contre, je ne m'excusais jamais par pure fierté, ce qui ne m'empêchait pas de pardonner à ceux qui avaient le courage de le faire.

— Bon, faut se bouger où le boucher va vraiment finir par nous égorger comme des cochons, paniqua Dorian.

— Venez, intervint Ulysse. Je connais une bonne planque. Attendez quelques minutes et vous pourrez retourner au camping des Trois Dauphins tranquillement.

Je ne fis aucune remarque sur le fait qu'Ulysse sache où nous logions — les habitants d'un si petit village se connaissaient certainement tous, ainsi les étrangers ne pouvaient qu'être des touristes en vacances dans le camping du coin — et le suivis de bonne grâce mais en gardant une certaine distance.

On ne faisait tout de même pas confiance au premier venu.

Finalement, la bonne planque que nous proposa Ulysse s'avéra être la pâtisserie du village, qui appartenait en réalité à ses parents — ceci expliquant le fait qu'il passait le balai devant le magasin avant le vol du saucisson —, comme il nous l'expliqua avant de nous faire entrer par la porte de derrière.

— Alors, il paraît que cette pâtisserie vend les meilleurs croissants de tout le Var, remarquai-je après nous être hydratés à grands verres de limonade faite maison. C'est vrai ?

— À toi d'en juger, rit Ulysse en attrapant un plateau en fer sortant du four. Mais avant, ça serait cool que je sache vos prénoms.

Après nous être présentés à tour de rôle en n'oubliant pas de mentionner Hortense et Maël, que nous avions perdu dans notre folle course poursuite — tout les deux bizarrement —, Ulysse nous donna gratuitement un croissant chacun.

— Mec, t'es un dieu, lâcha Dorian avant de mordre à pleines dents dans la viennoiserie encore chaude.

Ok, la réputation de la pâtisserie Anvers était totalement justifiée. Les croissants étaient croustillants, avec un vrai goût de bon beurre, et je me promis d'en acheter avant de partir pour les faire goûter à ma famille.

— Et si tu venais avec nous jusqu'au camping ? proposai-je après avoir englouti croissants et pichet de limonade. On te doit bien ça, et on partagera le saucisson qui a failli nous coûter la vie avec toi.

Ulysse sembla hésiter un moment. S'il se montrait souriant et amicale, il n'était pas aussi exubérant que l'était Dorian par exemple. Ulysse c'était plutôt le genre de garçon avec un cœur gros comme la terre, mais qui n'aimait pas se faire excessivement remarquer.

— Je peux... Amener Noé avec moi ? hésita-t-il.

— Noé, c'est bien celui qui a manqué de nous assassiner hier ? plaisantai-je.

Ulysse grimaça mais comprit ensuite à mon sourire malicieux que je plaisantais.

— Bien sûr qu'il peut venir, approuva Jules.

— Plus on est de fous, plus on rit, s'esclaffa Dorian en se levant brusquement de sa chaise.

Et c'est ainsi que notre petite troupe fut bientôt rejointe par Noé et Ulysse. Après avoir détaché mon vélo, je donnai un grand coup de pédale en savourant le peu de vent qu'il y avait en cette chaleur. Direction le camping des Trois Dauphins, ainsi que la dégustation d'un saucisson bien méritée.

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chapitre de :
chercheusedemots

musique :
Break the rules — Charli XCX

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