11 | « On n'aura qu'à dire que c'est le baiser de la victoire. »

H O R T E N S E
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          VOLER UN SCOOTER, encore quelque chose que je devais ajouter à la liste des trucs interdits et insolites que j'avais fait cet été.

Si Nola avait de l'expérience dans ce domaine, moi je débutais complètement, de même que Maël, qui semblait tout aussi perdu que moi. En même temps, se faire poursuivre par un boucher en colère, un couteau à la main, juste après avoir voulu voler un saucisson à l'odeur beaucoup trop alléchante, cela n'avait rien de commun. Et même à Montdesbois, qui, je l'avais appris, était un village plutôt rythmé en événements loufoques, notre tentative de fuite n'était pas passée inaperçue.

— Vite ! Démarre ! intimai-je à Maël tandis que ce dernier agitait dans tous les sens, les clés du Vespa bleu ciel que nous venions de dénicher dans une ruelle enfoncée.

— Oui bah je fais ce que je peux ! renchérit le blond en grognant. Ah ! C'est bon ! 

Le moteur du cyclomoteur vrombit légèrement et je lâchai un petit soupir de soulagement : enfin nous allions pouvoir nous enfuir loin d'ici, pour ne revenir que lorsque la colère du boucher sera retombée. Je sautai légèrement de joie, tandis que Maël s'emparait du casque accroché au guidon. Il le défit et sans prévenir, l'enfonça sur ma tête, avant de l'attacher fermement et de s'asseoir en avant de la selle. 

— Mais... Et toi ? J'exige que tu portes un casque ! C'est hyper dangereux tu sais ! Imagine qu'on ait un accident ! On ferait comment ?! m'emportai-je en commençant à défaire la languette présente sous mon menton. Je préfère encore m'enfuir à pieds plutôt que de te voir conduire sans protection et de risquer de nous faire arrêter, ou pire, d'avoir un accident !

Maël roula des yeux et descendit du Vespa, non sans afficher une mine agacée. Eh oui mon gars, on respecte les règles avec moi ! Je retirai le casque jaune poussin et le remis au blond, un petit sourire satisfait esquissé sur les lèvres.

Ah... La voix de la sagesse triomphe toujours, et ce, quoique Nola en dise. Elle, c'était sûr qu'elle serait partie sans casque et cela ne lui aurait posé absolument aucun problème : rappelons tout de même qu'à dix ans, elle avait volé la moto de son père... Quelle inconsciente ! Heureusement que j'étais là pour veiller sur elle, parce qu'au rythme auquel elle enchaînait les conneries, son casier judiciaire serait déjà plein à craquer !

— T'es vraiment trop chiante..., souffla Maël avant de reposer le casque. 

Je fronçai les sourcils : attendez... Mais qu'est-ce qu'il fait là ? 

— Euh... Tu fais quoi Maël ? T'as besoin du casque je te signale ! 

— Pas si on retourne discrètement à nos vélos et qu'on ne vole pas ce Vespa, expliqua le blond en souriant légèrement. Alors tu viens ? Ou tu préfères rester bloquée devant ce scooter qui démarrera pas ? poursuivit-il en me tendant sa main. 

Et sans prendre la peine d'ouvrir une fois de plus la bouche, je m'emparai de sa paume et liai mes doigts aux siens. Je relevai les yeux et remarquai que le rictus de Maël s'était accentué. Nous reprîmes alors notre course, sous les cris du boucher à qui nous venions "d'emprunter" du saucisson. Nous tournâmes à l'angle de la rue, esquivâmes une grand-mère qui promenait son chien en laisse, devançâmes quelques collégiens parlant un peu trop fort à mon goût, et débouchâmes finalement sur une vaste place, remplie de skateurs.

— Oh putain..., lâchai-je alors qu'une jeune fille aux cheveux méchés passa à toute vitesse juste devant moi. 

Elle prit un peu plus de vitesse, tandis que Maël m'entraînait sur le côté. Nous longions au pas de course une rangée de maisons aux façades ocres et aux volets colorés, quand soudain, la fille qui avait manqué de peu de me renverser, fit irruption devant nous. Je me stoppai net, de même que Maël, et évitai de justesse de percuter de plein fouet le dos du blondinet. 

— J'peux savoir qui vous fuyez là ? questionna-t-elle en rejetant ses cheveux en arrière, un sourcil arqué.

Maël tourna la tête vers moi, en quête de soutien. Je sentis ma bouche se tordre en un petit rictus crispé et déglutis difficilement. Fallait-il tout dire à cette fille ? Pouvait-on lui faire confiance ? D'ailleurs, pourquoi venait-elle nous accoster de la sorte ? 

— Et en quoi ça t'intéresse ? répondit finalement Maël en fronçant les sourcils.

— Bah j'sais pas... Peut-être que j'aimerais bien savoir pourquoi vous courrez comme des fous et pourquoi le boucher arrête pas de crier au vol depuis cinq minutes ? rétorqua l'inconnue en jouant des sourcils, un petit sourire suffisant peint sur son visage.

— J'imagine que tu nous lâcheras pas tant qu'on t'aura pas dit ce que tu veux entendre ? lâchai-je en soupirant.

Pour toute réponse, elle leva le pouce en l'air. 

— Promets-nous de garder ça pour toi par contre.

— Promis, je dirai rien. J'suis une tombe vous savez ! se venta la fausse blonde en hochant de la tête, comme pour appuyer ses propres dires. 

— Une de nos potes a volé un saucisson au boucher, et on l'a aidée. Du coup, avant que tu ne viennes mettre ton grain de sel dans nos affaires, on était en train de s'échapper et de rejoindre nos vélos, expliqua Maël distraitement, une main dans ses cheveux. 

Et contre toute attente, la jeune femme devant nous explosa de rire. Elle se tordait de rire, tant et si bien que je me demandai si elle ne le faisait pas un peu exprès. Maël aussi semblait décontenancé et ses sourcils demeuraient arqués. Finalement, au bout de trente secondes de spasmes nerveux, de bruits aiguës, et de reniflement, la skateuse se redressa. Elle essuya une petite larme qui perlait au coin de ses yeux et reprit son souffle.

— Sérieusement ? Du saucisson ? Vous n'avez rien trouvé de mieux à voler ? J'sais pas mais moi j'aurais préféré braquer la pâtisserie des Anvers plutôt que le stand de charcuterie de ce bon vieux Roland ! Non mais sérieusement... Du saucisson !

— C'est bon ?! T'as fini de te fendre la poire ?! questionnai-je, agacée par son comportement. On peut partir maintenant ? 

— Ouais allez-y ! acquiesça-t-elle en pouffant toujours. Non mais j'vous jure... Du saucisson quoi..., continua-t-elle pour elle-même tout en remontant sur son skateboard. 

°

Le camping Les Trois Dauphins se dessina à l'horizon, pour mon plus grand soulagement. À vrai dire, je n'étais pas très rassurée vis-à-vis de la fiabilité des vélos que nous venions de louer pour le mois entier. Pourtant, à en croire le vendeur — un homme bedonnant ressemblant fortement à Astérix — "il n'y avait pas plus sûr sur le marché !". Dans ce cas-là, je voulais bien qu'il m'explique pourquoi je n'arrivais pas à passer mes vitesses et pourquoi Maël devait sans cesse remettre sa chaîne en place. 

Bon, toujours était-il que je fus emplie d'une joie sans nom lorsque l'arche fleurie, marquant l'entrée du camping, se présenta à nous. Je laissai un large sourire décorer mes lèvres et pédalai de toutes mes forces — et comme une hystérique — jusqu'à notre emplacement numéro cinquante-six. Derrière moi, Maël peinait à me suivre et bouscula sans le faire exprès un trentenaire au téléphone. Ce dernier le fusilla du regard tandis que mon ami s'excusait avidement. Enfin, nous arrivâmes tous les deux, sains et saufs, devant nos tentes respectives.

  — On est les premiers, annonçai-je en constatant que les vélos de nos autres compères n'étaient pas garés dans le sable. 

— Normal, c'est nous les plus forts ! fit remarquer Maël en m'adressant un clin d'œil. Ça te dit de fêter cette petite victoire, coéquipière ? 

J'acceptai sa proposition d'un sourire ravi et descendis de mon vélo, vite suivie par le blondinet aux iris verts. Après cela, je me ruai en direction de la tente. Je fouillai quelques instants dans l'espace réservé à la nourriture et aux boissons, avant d'être rejointe par Maël. Ce dernier s'empara d'une des canettes de Coca qu'on avait caché dans le sable pour plus de fraîcheur, et il s'assit par terre à côté de moi. J'en saisis également une avant de me placer devant lui. 

La situation était plutôt cocasse si vous voulez tout savoir. Maël et moi, dans une tente pas plus grande que ma salle de bain, les jambes entremêlées et en train de trinquer à notre récente victoire, ne faisait absolument pas parti du déroulement de la journée que j'avais imaginé durant le petit-déjeuner. Néanmoins, cela ne me dérangeait pas d'avoir contrecarré mes plans pour une fois : après tout, si Nola, Dorian et Jules revenaient vivants, on aura gagner un saucisson gratuitement ! Et ça... C'était vraiment cool !

— Levons nos canettes à cette visite du marché riche en émotion ! m'exclamai-je en cherchant du regard les orbes verdoyants du beau blond.

Lorsque je trouvai enfin le regard malicieux de Maël, je remarquai que quelque chose clochait. Et lorsqu'il reposa sa boisson sur le sol bâché, je compris tout de suite qu'il allait se passer quelque chose par la suite. Le blond s'avança alors vers moi, doucement, tout en s'humectant légèrement les lèvres. Enfin, sans prendre la peine de me prévenir, il déposa ses lèvres sur les miennes, me prenant totalement au dépourvu.

Je me raidis tout de suite, surprise par son geste, et manquai de peu de renverser mon Coca sur le sol. Je sentais mes joues rougirent comme si elles avaient été chauffées à blanc et c'était affreusement gênée que je le repoussai, un petit sourire figé au bord des lèvres. Maël fronça les sourcils l'espace d'un instant et se rembrunit lorsqu'il comprit ce qu'il venait de faire.

— Excuse-moi, je voulais pas... Je..., balbutia-il en rigolant nerveusement.

— C'est pas grave, on n'aura qu'à dire que c'est le baiser de la victoire, terminai-je en buvant malicieusement une gorgée de mon soda.  

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BOUM.

chapitre de :
-missIndecise

musique :
One kiss — Dua Lipa ft Calvin Harris

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