09 | « On va voler des vélos et se perdre dans Montdesbois »

H O R T E N S E

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          S'IL Y AVAIT BIEN QUELQUE CHOSE QUI M'AGAÇAIT, c'était de toujours devoir raconter à Nola, ce qu'elle avait eu le malheur d'avoir fait pendant qu'elle était bourrée. Et croyez-moi, ça arrivait beaucoup trop souvent à mon goût.

— Alors premièrement, débutai-je en reposant mon verre de jus de fruit sur notre table de camping. Tu as accepté les verres que te proposaient des gars que tu ne connaissais pas, et à chaque fois qu'ils te demandaient ton nom, tu disais que tu t'appellais Aurélie...

— Aurélie ? Sérieusement ? Comme Aurélie Kaci, la footballeuse ? s'étonna Dorian en haussant les sourcils, le paquet de Chocapic de Nola toujours posé devant lui.

— Non, comme la chanson "Aurélie" de Colonel Reyel, avoua Nola en se pinçant les lèvres. Mais bon, on va pas tergiverser plus longtemps sur ce pseudonyme digne des plus grands... Tu peux continuer Hortense, s'il te plaît ?

—... Après tu t'es pris un palmier et tu m'as appelée quand la chanson "YMCA" est passée. J't'ai perdue de vue dix minutes plus tard...

— Et quand on t'a retrouvée, s'empressa d'ajouter Jules, légèrement gêné, t'étais en train de danser en sous-vêtements sur le bar.

Aussitôt, la mine de Nola se décomposa et cette dernière se prit la tête entre les mains, tout en grognant telle une femme des cavernes. Je me contentai de lui tapoter le bras, tandis que nos trois nouveaux compères se regardaient silencieusement.

Les images de la soirée revenaient sans cesse dans ma tête, le moment où mes yeux s'étaient posés sur Nola en particulier. Je crois que je ne m'étais jamais sentie aussi embarrassée de toute ma vie. Je me rappellais encore de ma mine déconfite et du mal que j'avais eu à la faire descendre de son perchoir.

Les garçons avaient tenu à m'aider. Cependant, je les avais envoyés balader avec un tonitruant : "la situation est sous contrôle !". Les trois guignols avaient alors effectué un mouvement de recul tandis que je tirais le bras de Nola, complètement torchée. J'avais eu de mal à la faire descendre et encore plus à la rhabiller : elle n'avait pas arrêté de se débattre dans tous les sens, beuglant qu'il faisait une chaleur de bête et que si elle s'écoutait, elle se déshabillerait totalement. C'est à ce moment-là que j'avais jugé qu'en réalité, ce n'était pas une mince affaire.

J'avais alors rappelé le trio infernal et ces derniers m'avaient aidée à la traîner jusqu'à l'autre bout du camping. Lorsqu'on était arrivés devant nos emplacements respectifs, les trois garçons avaient lâché le corps à moitié conscient de ma meilleure amie. Puis ils étaient partis se coucher, me laissant seule avec ce poids mort. J'avais alors enfermé de force Nola dans la tente, une bassine à côté d'elle. Et tandis qu'elle commençait à somnoler, je m'étais emparée de mon duvet et de mon oreiller. Je m'étais par la suite installée devant l'entrée de la tente et avais passé la nuit là, à la belle étoile.

Oh... J'aurais pu rester dormir avec Nola, mais sachez que le vomi c'était très difficile à retirer quand on avait les cheveux ondulés. Je parlais en connaissance de cause, si vous vouliez tout savoir.

— Bon, sur ce petit moment gênant, moi j'vais me doucher ! s'exclama Maël en se levant de sa chaise. Qui m'aime me suive ! ajouta-t-il en tournant la tête vers nous.

Seul Dorian daigna vouloir l'accompagner. Jules, quant à lui, préféra rester en notre compagnie — enfin surtout en celle de Nola.

— On fait quoi aujourd'hui ? demanda finalement Nola en se redressant.

Je la remerciai intérieurement : depuis tout à l'heure, elle avait sa tête posée sur mon épaule et était adossée contre mon bras, ce qui faisait que je commençais à ne plus sentir mon membre !

— J'en ai aucune idée, lâcha Jules en haussant les épaules. On pourrait peut-être aller de nouveau au lac ?

— Ah non ! le coupai-je avant que Nola n'acquiesce sa proposition. J'ai eu ma dose de baignade pour le moment !

— Qu'est-ce que tu proposes dans ce cas, ô Hortense divine reine des sorties organisées ? se moqua Nola en pouffant légèrement.

— Bah je sais pas, on pourrait peut-être louer des vélos et aller voir ce qu'il se passe du côté du village ? Ça pourrait être sympa, non ? proposai-je en les regardant tour à tour.

Jules arqua un sourcil tout en passant sa main dans ses cheveux. Ses sourcils se froncèrent légèrement et sa bouche se tordit en un petit rictus. Il semblait réfléchir, du moins... Je l'espérais, car je détestais lorsque les personnes devant moi se fichaient totalement de ce que je racontais. Autant le dire si c'était le cas, comme ça j'étais fixée et on en parlait plus.

Du côté de Nola, son visage s'était illuminé à l'entente du terme "vélo", et depuis que je l'avais prononcé, elle ne cessait de me fixer. Je supposai donc qu'elle approuvait ma proposition, ce qui me ravit sincèrement : enfin on allait arrêter de se tourner les pouces pendant que Maël et Dorian se lavaient.

— C'est une super idée ça ! En plus j'ai vu sur le site du camping que les petits commerces du village étaient cools, surtout le pâtissier : apparemment, on vend là-bas les meilleurs croissants de tout le Var ! s'enthousiasma Nola en frappant dans ses mains, comme une enfant devant le jouet qu'elle souhaitait tant. T'en penses quoi Jules ? poursuivit ma meilleure amie en se tournant vers le jeune homme.

Étrangement, ce dernier paraissait plutôt content de ma proposition depuis que Nola s'était montrée si enjouée. Ben voyons...

— On a loupé quoi ? déclara une voix depuis l'allée.

Maël. Ce dernier venait tout juste de revenir de la douche et avait encore les cheveux mouillés. Quelques mèches tombaient devant ses yeux espiègles et je dus me retenir de ne pas défaillir devant tant de beauté. Bon, Hortense, respire, tout va bien se passer.

Le blond étendit sa serviette sur leur toile de tente et enfila son t-shirt. Ah oui... J'avais oublié de préciser qu'il venait de faire le chemin torse nu, et qu'il ne paraissait nullement gêné devant nous. En même temps, hier, on était tous allés se baigner au lac, mais disons que là, maintenant, cela ne faisait pas le même effet que lorsqu'il était en maillot de bain. C'était... Je m'égarais un peu trop là.

— On a décidé ce qu'on allait faire aujourd'hui, annonça Nola en baillant légèrement.

— Et vous avez prévu quoi du coup ?

— On va voler des vélos et se perdre dans Montdesbois, répliquai-je le plus sérieusement possible.

Maël arrêta tout mouvement et me fixa pendant quelques secondes, les yeux légèrement écarquillés, comme s'il me prenait pour une folle. Il demeura bloqué ainsi pendant quelques instants, avant que Jules ne le taquine :

— Bah qu'est-ce que t'as, petit chat ? T'as vu la vierge passer ? interrogea le brun, un petit sourire en coin au bord des lèvres.

— Non, je viens d'avoir une vision traumatisante des strings XXL de ta mère, répondit le blond le plus sereinement possible, tout en regagnant d'un pas nonchalant la place qu'il occupait ce matin, durant le petit-déjeuner.

Je ne pus m'empêcher de lâcher un petit rire et tapai dans la main que me tendit Maël. Bon sang, si ça continuait comme ça, je sentais qu'on allait former une alliance maléfique tous les deux ! Nola, comme tout le monde aurait pu s'y attendre, s'empressa de se tenir les côtes et se transforma en masse de chair complètement hilare. Seul Jules demeurait stoïque, choqué des paroles de Maël. Bon, il était vrai que les blagues sur les mères des autres c'était pas cool, mais bon, fallait tout de même reconnaître que celle-ci était super bien placée. Franchement, bravo !

— Euh... On m'explique pourquoi Nola manque de s'étouffer avec sa propre salive, pourquoi Maël et Hortense vous vous regardez comme si vous veniez de réussir le coup du siècle, et enfin pourquoi Jules fait la tête ? s'enquit Dorian en revenant des douches communes.

— Oh... C'est une longue histoire, répliqua Nola entre deux rires.

Puis elle tapa contre les accoudoirs de sa chaise et se leva.

— Du coup on va louer ces vélos, oui ou non ?

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chapitre de :
-missIndecise

musique :
Happy — Pharrell Williams

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