04 | « T'es une Gryffondor, tu peux le faire »
N O L A
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AVEC un cri de joie, je me hissai agilement sur le pédalo volé par Hortense. Non sans avoir fait remarquer à ma meilleure amie son exploit du jour, surtout sachant qu'elle était légèrement à cheval sur les règles habituellement, je m'installai confortablement à l'arrière du pédalo. Dorian, qui n'avait aucunement l'intention de pédaler en bon flemmard qu'il était apparement, s'installa juste à côté de moi pour bronzer. C'est Jules qui prit le premier tour de pédalage et s'assit à côté d'Hortense.
— Maintenant qu'Hortense a volé ce pédalo, autant s'en servir, s'exclama Dorian, de toute façon personne n'en veut vu qu'il était abandonné.
— Parle moins fort, sifflai-je en désignant le maître-nageur d'un coup de tête.
Ce dernier, bronzé de la tête aux pieds par les longues journées qu'il passait au soleil à surveiller les baigneurs, nous fixait d'un œil mauvais. Mais ce devait être son regard naturel car il lança le même à une bande de gamins d'une dizaine d'années, qui sautait du plus grand plongeoir en même temps, dans un grand concert de hurlements.
Si la plupart des maîtres-nageurs que je connaissais avait dans la vingtaine d'années, celui-là l'avait largement dépassée et depuis longtemps. Un peu dodu et le crâne chauve, il était loin d'être athlétique et préférait visiblement boire une bonne bière — qu'il tenait d'ailleurs à la main — plutôt que de surveiller un lac perdu en pleine cambrousse. Je me fis la réflexion qu'il fallait vraiment qu'un de nous évite de se noyer car sinon, il ne nous serait d'aucune utilité.
Ok, Nola, tu gardes un œil sur Hortense.
Parce que je connais Hortense depuis longtemps et qu'en plus d'avoir deux pieds gauches sur le sol terrestre, elle avait également du mal avec la natation. Et pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé de lui apprendre le crawl.
— C'est bon, il regarde ailleurs, lança Maël en plissant les yeux, la main en visière pour se protéger du soleil. Pédalez !
Hortense et Jules se mirent à pédaler le plus vite possible pour gagner le centre du lac, après cinq bonnes minutes d'efforts et de fou rire, ils arrivèrent enfin à coordonner leurs mouvements pour aller le plus loin possible du vieux maître-nageur.
Plutôt que de prendre des coups de soleil en restant immobile sur le véhicule marin, on en profita pour se baigner autour du pédalo. Il n'y avait pas à dire, c'était totalement différent de nager loin de la berge. Au centre du lac, on n'avait pas pieds et personnellement j'adorais nager en eau profonde — et ce depuis le jour où mon grand frère m'avait balancée dans la piscine municipale quand j'avais cinq ans : je ne savais pas nager et j'avais faillit me noyer.
N'importe qui aurait été traumatisé, mais moi ce fut tout le contraire qui s'était produit. En eau profonde, on était libres de faire n'importe quels mouvements sans risquer de se cogner le pied contre un rocher ou de racler le sol.
Après que Dorian et Jules m'aient noyée pour la énième fois — j'avais bien essayé de riposter mais même une fille comme moi, qui faisait du sport régulièrement, ne pouvait rien contre deux mecs me dépassant d'une bonne tête. Et inutile de compter sur Hortense : non seulement elle ne savait nager que la brasse, donc il en fallait peu pour la noyer, mais en plus, elle était occupée à bavarder avec Maël sur le pédalo.
En deux mouvements de bras, j'avais déjà rejoint notre véhicule — temporairement emprunté — et me hissai dessus.
— Et si on allait au plongeoir ? proposai-je.
Devant le regard mi-furieux mi-effrayé que me jeta Hortense, je corrigeai avec un sourire d'excuse :
— Enfin, on peut aussi rester là. C'est cool, ici.
— Moi je suis partant pour le plongeoir, lança Dorian en se hissant violemment à l'arrière du pédalo, manquant de nous faire tous chavirer.
Je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil à Hortense, qui grimaça quand Maël et Jules approuvèrent également ma fantastique idée.
Cinq minutes plus tard, les garçons amenèrent le pédalo au plus près du plongeoir et je murmurai une excuse à Hortense en passant à côté d'elle.
— Tu viens pas Hortense ? s'exclama Dorian en resserrant le noeud de son short de maillot de bain, en prévision du saut qu'il allait faire.
— Non, marmonna celle-ci. Hum... J'aime pas trop les hauteurs. Je vous attends là. Mais allez-y avec Nola, elle adore sauter.
Un blanc particulièrement gênant — surtout pour moi — suivit les paroles d'Hortense. Les yeux des garçons firent la navette entre mon amie et moi avant que tout le monde n'éclate de rire.
— Décidément, constata Jules entre deux éclats de rire, tu enchaînes les gaffes.
Mais l'air gêné qu'affichait désormais ma meilleure amie m'empêchait de penser qu'elle l'avait fait exprès. Hortense était juste une gaffeuse qui parlait sans réfléchir et dont la partie diabolique de son esprit — si je puis dire — ne comprenait le sens de ses paroles qu'après les avoir dites à voix haute.
Désormais, j'étais en train de grimper au sommet du plongeoir en compagnie de Dorian — nos deux autres voisins et Hortense ayant préféré garder le pédalo volé. Bien évidemment, le métisse avait choisit le plus haut plongeoir disponible sinon ce n'était, je cite, pas drôle.
— Les dames d'abord, lança Dorian en effectuant un semblant de révérence pour me laisser passer.
— Ben voyons, contre-attaquai-je.
Néanmoins, j'avançai en tête jusqu'au bord du plongeoir et compris brusquement pourquoi Hortense avait refusé d'y aller tout à l'heure pour son gage. Il devait être à environ sept mètres de la surface de l'eau. Pour certains ce n'était peut-être pas beaucoup, mais ça suffisait amplement pour se faire très mal si je faisais un plat, si vous voulez mon avis.
— Je peux passer en premier si tu veux ? proposa Dorian en changeant visiblement d'avis devant mon hésitation.
— Non non c'est bon, je vais y aller. Je me prépare juste mentalement.
J'avançai jusqu'au bord du plongeoir. J'avais maintenant les orteils dans le vide, et un souffle de vent vint agiter mes cheveux bruns.
Allez, allez, sept mètres c'est pas grand chose.
J'avais toujours eu une grande passion pour les défis, j'avais du mal à résister à l'envie d'accepter un pari même si ce qui était demandé était totalement stupide.
Quand j'avais dix ans, mon cousin m'avait mise au défi de voler la moto mon père — mille fois trop grande pour moi à l'époque et beaucoup trop difficile à conduire pour une enfant — et de faire le tour de quartier avec. Résultat : j'avais détruit toute une clôture, arraché les plantes de la voisine, blessé le chien de mes grands-parents et je m'étais cassée le bras gauche.
Je regardai une nouvelle fois sous mes pieds pour voir s'échouer l'eau en mini vagues sur le bas du plongeoir. Derrière moi, Dorian tentait de me rassurer tandis que j'entendais la voix d'Hortense et de nos autres voisins m'encourager depuis le pédalo, un peu plus loin.
— T'es une Gryffondor, tu peux le faire.
J'inspirai une grande goulée d'air, pris un peu d'élan et m'élançai dans le vide pour retomber dans l'étendu bleutée du lac.
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chapitre de :
chercheusedemots
Musique :
Confident — Demi Lovato
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