03 | « Le karma m'aime pas »
H O R T E N S E
__________
POURQUOI faut-il toujours que quelqu'un ait la bonne idée de crier : "le dernier à l'eau à un gage" ?! Parce que tout le monde — enfin, seulement Nola dans ce cas-là — sait que c'est toujours moi qui vais arriver après les autres !
— Fais chier ! m'écriai-je alors que tout le monde commençait déjà à courir vers l'eau.
Je sautillais le long de la berge, tentant vainement de retirer mon short en essayant de ne pas me faire distancer. Enfin, après quelques secondes de labeur, je parvins à m'en débarrasser et m'attaquai à mon haut. Ah oui, j'ai une autre réclamation à faire : pourquoi faut-il toujours que je mette des hauts "sophistiqués" lorsqu'il faut que je les ôte rapidement ? — pas d'arrières pensées s'il vous plaît.
Pourquoi avais-je dû mettre ce fichu top noué dans le dos ? Pourquoi n'avais-je pas fait comme Nola ? Elle au moins, elle avait été plus intelligente que moi — pour une fois. Elle avait mis son éternel t-shirt de tennis, le vert avec des inscriptions blanches.
Râlant comme j'en avais si souvent l'habitude, je me contorsionnai et entrepris de défaire les nœuds présents dans mon dos. Je savais que c'était déjà peine perdue lorsque j'entendis des bruits de plongeon devant. Néanmoins, je n'allais pas me laisser abattre pour si peu : je rejoindrai ce fichu lac, même si je dois y laisser la peau de ce super haut qui, soi-dit en passant, m'avait coûtée la peau du derrière.
La tête tournée vers mon dos, les bras cherchant les rubans à libérer, tout en courant comme une tarée vers l'étendue légèrement verdoyante, je ne faisais pas attention à où j'allais. Tant et si bien que lorsque mon pied buta contre quelque chose de dur, mon premier réflexe fut d'hurler.
J'atterris lourdement contre le sol, les bras étendus de chaque côté de mon corps, la tête légèrement surélevée. Dans mon dos, je sentis la brise agiter les nœuds qui venaient de se défaire. Je réprimai un petit cri de colère et me contentai de serrer les dents tout en me redressant. Devant moi, tellement hilare qu'elle s'en tenait les côtes, se trouvait Nola. À ses côtés, les trois garçons riaient également de bon cœur et je remarquai que Dorian essuyait une larme au coin de son œil.
— C'est bon ? Vous avez assez ri ou vous voulez que je recommence ? lâchai-je sarcastiquement.
Et comme si le ciel avait écouté mon souhait factice, quelque chose percuta de plein fouet l'arrière de mon crâne. Ma figure se tordit en un petit rictus de douleur tandis que je ramassais d'une main rageuse l'objet du crime : un frisbee jaune canari. Je me relevai d'une traite, les poings serrés et cherchai des yeux le ou la propriétaire de cette arme en plastique.
— Excuse-moi ! s'exclama quelqu'un vers ma gauche.
Je détournai le regard et haussai un sourcil lorsque je reconnus le garçon blond qui avait failli écraser Nola, alors que nous marchions en direction du lac. Je soupirai d'agacement et lui relançai son frisbee, frisbee qu'il attrapa aisément de sa main droite avant de me lancer un clin d'œil. Non mais sérieusement, il veut quoi celui-là ?!
— Et merci c'est pour les chiens ?! criai-je à son attention alors qu'il se retournait vers son ami.
Pour toute réponse, il leva son pouce en l'air, sans même prendre la peine de se retourner. Non mais je vous jure...
— Hortense, tu viens ou tu préfères désespérément draguer ce gars ?! déclara Nola, un petit sourire en coin au bord des lèvres.
Pour toute réponse, je lui tendis mon plus beau doigt, avant de ramasser mes affaires éparpillées et de les empiler dans un seul et même endroit. Je pouvais prendre le temps que je souhaitais, car après tout, j'avais perdu et puis, le désordre c'est mal les gars. Enfin, lorsque tout fut rangé comme je le souhaitais, je regagnai l'eau — non sans veiller à où je marchais.
— Euh... C'était quoi ça ? lança Jules en lâchant un petit rire tandis que je m'enfonçais dans le lac.
— Le karma m'aime pas, fut la seule explication que je trouvai.
— En plus, avec Hortense, c'est jamais deux sans trois ! se permit d'ajouter Nola en me donnant un petit coup sur l'épaule.
Pour toute réponse je grognai en réprimant la gêne que je ressentais en ce moment-même. Bon sang... Pourquoi fallait-il toujours que je tombe au pire moment ? Pourquoi ne pouvais-je tout simplement pas marcher normalement ? Avoir deux pieds qui fonctionnaient correctement ou un karma potable ? Qu'est-ce que j'avais fait au bon dieu pour mériter tout ça ?
— Bon, ça nous dit toujours pas quel gage tu vas devoir avoir, annonça finalement Maël en se passant une main dans les cheveux.
— Personnellement, moi je voterais bien pour que tu sautes du plus haut plongeoir, rétorqua Dorian, encore habillé.
— Oh grave..., approuva Jules en se tournant vers le ponton flottant.
Mon regard dériva jusqu'au trois plongeoirs et je déglutis difficilement. Le plus haut semblait se trouver à des kilomètres de hauteur selon moi, alors qu'en réalité, il ne devait pas dépasser les sept mètres. Néanmoins, lorsque l'on a le vertige, un mètre ou sept mètres, c'était exactement la même chose : c'est-à-dire, beaucoup trop haut ! Nola sembla lire la détresse que cachait mon visage et s'empressa alors de répliquer.
— Je pense que voler ce pédalo abandonné et beaucoup plus raisonnable.
Je tournai la tête vers elle et clignai plusieurs fois de suite des paupières : elle est pas sérieuse là ?
— Euh... Je pense pas que..., tentai-je avant de me faire couper par les trois garçons qui lâchèrent en chœur un tonitruant : "mais grave !"
Et c'est ainsi que je me retrouvai à nager en direction de la ligne délimitant les nageurs de l'espace réservé aux pédalos. Dans mon dos, j'entendais ma meilleure amie et nos trois nouveaux voisins m'encourager dans ma quête de l'impossible. Je priai silencieusement pour que leurs cris n'alertent pas le maître-nageur et me retournai une dernière fois dans leur direction. Nola levait les deux bras en l'air tout en poussant des petits cris d'encouragement. À sa droite, Dorian et Maël scandaient mon prénom tandis que Jules était en proie à un fou rire incontrôlable — le même que lorsque j'avais fait ma bourde au camping.
— Allez Hortense, c'est pas très compliqué. Tu passes en dessous de la ligne de bouées et tu nages jusqu'au pédalo sans te faire voir. Tu restes cinq secondes dessus et tu reviens.
Et sur ce dernier encouragement, je plongeai sous l'eau et franchis la barrière "infranchissable". Lorsque je refis surface de l'autre côté, les cris avaient redoublé et un petit sourire s'étira au coin de mes lèvres. Je repris ma brasse, nageant le plus vite possible. Malheureusement, j'avais l'impression de faire du surplace : eh oui ! Si Nola était reconnue pour son crawl rapide et puissant, moi je n'avais jamais dépassé le stade de la brasse. Et encore... La plupart du temps je manquais de couler. De toute façon, j'avais toujours préféré nager sous l'eau, on allait dix fois plus vite. Et c'est ainsi que je m'immergeai de nouveau.
Mes pieds fendaient l'onde beaucoup plus rapidement. Mes bras tendus en avant me permettaient de m'orienter, car il était bien sûr hors de question que j'ouvre les yeux sous l'eau : plutôt crever que de perdre une lentille dans ce lac à l'hygiène douteuse.
Soudain, mes doigts percutèrent quelque chose de dur : le pédalo. Aussitôt, je remontai à la surface et levai le pouce en l'air en direction de ma bande de groupies. Cette dernière hurla de plus belle tandis que je me hissais sur le petit "bateau" de loisir. Finalement, après avoir glissé plusieurs fois de suite à cause de l'eau recouvrant les bords, je réussis à m'asseoir dans le pédalo.
C'était plutôt cool à vrai dire... Je veux dire, jouer la rebelle c'était plutôt sympa par moment. Je sentais l'adrénaline parcourir mes veines : j'avais fait quelque chose d'interdit, j'avais volé un truc ! Vous vous imaginez, moi, Hortense Bellort, la fille la plus stressée de France qui déteste désobéir aux règles, a volé un putain de pédalo !
— Wouhou ! criai-je en levant les deux bras en l'air.
Puis, suite à ce petit acte de rébellion, je me mis à pédaler en direction de la ligne de séparation. Nola, Jules, Maël et Dorian avaient nagé jusque là et sifflaient mon exploit que je jugeais hors du commun. Enfin, je m'arrêtai juste devant eux et leur adressai un petit clin d'œil.
— J'vous dépose quelque part peut-être ?
||°
chapitre de :
-missIndecise
musique :
Young, Wild & Free — Wiz Khalifa (Konglomerate Cover Remix)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top