[Style] Personnification et marqueurs

Le professeur auxilliaire est allongé sur le sol d'une pièce sombre. Dramatov se tient à ses côtés.

Le mystérieux personnage lui attrape l'avant-bras et  le fixe, le regard brulant d'une fièvre démentielle.

—Il...Il ne faut pas que les élèves ne me voient... pas encore. Surtout... qui tu sais !

— Oui, ne t'inquiète pas.

Le visage sombre de l'homme s'apaise.

— Et Cullen... il est sous SON contrôle. J'ai pu en réchapper de justesse...

— Que fait-on ? Je dois interrompre le cours ?

— Non... il faut continuer. J'ai une petite idée.

Dramatov sourit. Il sait qu'elle sera bonne.

— Bien alors les élèves m'attendent et ils vont avoir des questions.

— Je sais. Fais ce que tu peux pour les occuper. On se reparle de mon plan plus tard.

De retour en salle de cours, le professeur fait face à une assemblée d'élèves inquiets.

— Par Crom ? On doit se préparer au combat ? Hurle Conan son épée à la main.

— J'espère que les cours ne sont pas finis au moins, proteste Hermione.

Tyrion saute de sa chaise.

— Bon, il est donc temps d'aller traîner ses guêtres dans un endroit plus festif... J'ai déjà eu mon lot de drames, complots et guerres.

Dramatov lève la main.

— Restez à vos places, les cours vont continuer... notre ami a eu une crise passagère... un delirium tremens... dû a... heu... une absorption massive d'alcool.

— Une telle chose existe-t-elle ? Demande Tyrion. Avec tout le vin que j'ai ingurgité je n'ai eu, au pire que des réveils douloureux, surtout la fois au Bordel ou j'ai...

— Stop. Je crois qu'on a compris, coupe Katniss.

Dramatov caresse son bouc et s'avance.

— Le cours d'aujourd'hui portera sur la "personnification" et les marqueurs. Je vais vous lire un court extrait et nous le commenterons.

Erica entra dans la salle. C'était une grande femme longiligne et callipyge, dont les yeux d'un bleu saphir contrastaient avec un visage d'une pâleur d'ivoire.

Sa chevelure, sombre et épaisse dévalait le long de son dos et stoppait sa course au niveau de ses hanches.

Elle portait une longue robe rouge. Sa démarche était aguicheuse.

Tout le monde la détestait. Provocatrice, condescendante, cruelle, manipulatrice. Elle n'appartenait pas à leur monde. C'était une fille de riche.

— J'avoue que je ne vois de problème majeur, dit Hermione. On doit chercher quoi au juste dans ce passage ?

— La description semble  comporter des éléments inutiles, commente Légolas.

— Encore du "show don't tell" ? Demande Tyrion

— Un peu tout cela à la fois. C'est une description correcte, qui comporte certains éléments inutiles et qui gagnerait à être plus montrée que racontée. Alors il faut se poser la question suivante : qu'est ce que je veux communiquer ? Son rang social ? Sa beauté ? Son caractère  cruel et manipulateur ? Les trois à la fois ? Admettons que cela soit les trois à la fois.

— Voyons voir... Belle, Cruelle, fille de riche... je crois que je tiens quelque chose.

— Nous t'écoutons Tyrion.

— C'était ma soeur... Elle s'appelait Cersei. Et voilà...

Tyrion saisit sa coupe et boit une rasade de vin.

— Par Crom, j'ai rien compris !

— Descend de ta montagne le Cimmérien, tout le monde connaît Games of Thrones ! le raille Katniss.

— Je vois que tu suis les conseils de l'imaginaire collectif un peu trop à lettre Tyrion. Mais tu n'es pas si loin que cela de la vérité.

L'objectif ici va être de personnifier dans l'action et d'ajouter des marqueurs qui vont évoquer chez le lecteur, plutôt que de lui enfourner une longue description dans le gosier en espérant qu'il la gobe et la digère. Essayons avec : Provocatrice, condescendante, cruelle, manipulatrice.  C'est justement la partie qui est racontée et non montrée.

— Quels genres de marqueur, demande Katniss.

— Marqueurs visuels comme certains traits physiques, les habits portés, marqueurs de langage dans les dialogues. Des traits distinctifs qui vont allumer des petites lanternes dans le cerveau de votre lectorat.

— La robe pourrait être échancrée on garderait rouge et échancrée. C'est provocateur ça non ? Demande Hermione

Katniss rit.

— Comme c'est mignon Hermione, ajoute-t-elle.

— Un tatouage par Crom ! J'aime les femmes tatouées

— Le maquillage pourrait apporté un coté sophistiqué, propose katniss

— Il ne faut pas oublier l'action, commente Légolas. Elle n'entre pas simplement dans la salle. Elle veut capter tous les regards, elle veut être le centre d'attention.

— Il faut la faire parler, le langage sera utilisé comme marqueur social et permettra d'exposer son caractère, conclut Tyrion.

— Bien, cela me semble complet. Quelqu'un se propose ?

Tyrion lève sa main.

— On dirait bien que c'est à mon tour de m'y coller

Erica traversa la salle sans un regard pour les convives. Sa longue silhouette callipyge perchée sur des Prada à talons hauts se déhancha à travers la foule compacte, piégeant les regards dans l'échancrure de sa longue robe rouge.

Au passage, elle saisit une coupe de champagne puis repoussa le serveur du dos de la main, le chassant comme elle l'aurait fait avec une mouche.

Sa proie était en vue. Il fallait juste qu'elle se débarrasse de la jeune journaliste qui lui tournait autour. Un jeu d'enfant.

Elle  s'immisça entre les deux et coupa leur conversation.

— Je croyais que vous aviez de meilleurs goûts, monsieur le maire. Un homme de votre classe devrait éviter de s'acoquiner avec des grattes papier qui se prétendent journalistes. Votre réputation risquerait d'en souffrir.

— Pour qui vous prenez-vous ? Être la fille d'un magnat de la finance ne vous donne pas tous les droits ! retorqua la jeune femme.

Une lueur noire traversa ses yeux saphir. Elle continua de fixer son interlocuteur et dit :

— D'ailleurs, je ne sais pas ce qui m'écoeure le plus chez cette dinde, son eau de toilette bon marché, ses yeux de bovidés, le conformisme vulgaire de sa prose ou encore sa vilaine peau tavelée.

— Je...

La journaliste n'eut pas le temps de finir sa phrase et s'affala face à terre, bousculant un serveur au passage.

Erica retira discrètement le pied qu'elle avait tendu. Un sourire mauvais se dessina sur son visage de porcelaine

— Vous pourriez faire attention ma pauvre. En plus d'être sotte, vous êtes maladroite !

Elle avait parlé à voix haute.

Erica plongea sa main dans son épaisse chevelure et entortilla une mèche autour de son doigt.

— Nous pourrions peut-être nous isoler monsieur le maire... et discuter affaires ?

— Quelle garce, peste Hermione.

— Précisément. Je trouve Tyrion a assez bien réussi l'exercice. Vous voyez, pas besoin de d'adjectifs inutiles comme : provocatrice, condescendante, cruelle, manipulatrice. L'action et les marqueurs impriment bien mieux l'image d'Erica que l'on voulait communiquer.

Bien voici donc le temps de conclure ce cours.

Ne décrivez pas vos personnages comme si vous deviez remplir une fiche signalétique. 

Allez à l'essentiel. N'allez pas décrire un visage s'il n'y a pas un objectif à atteindre derrière sa description. Et si vous devez personnifier votre personnage, faites-le avec :

Ses attributs physiques.

Sa manière de s'habiller

Ses tics, ses manières

Ses actions

Ses propos dans un dialogue.

Vous devez semer vos graines et laisser l'imagination du lecteur les faire germer.

Je vais prendre un exemple personnel tiré de mon prologue si vous le voulez bien.

"D'une pression de l'index, le petit homme bedonnant, impeccable dans son costume taupe sans plis, réajuste ses courtes lunettes rondes et se gratte les cheveux au niveau de la tempe"

Le costume taupe sans plis nous indique un côté maniaque. Le fait qu'il réajuste ses lunettes et se gratte la tempe le caractérise par une manie ou un toc.

Je le répète et le martèle : La description dans l'action reste le meilleur des moyens d'implanter des marqueurs.

Aussi je l'ai déjà dit, mais un nom de personnage peut aussi être un moyen efficace d'imprimer une image. Je suis sur que Gérard Legros n'évoque pas la même chose dans votre tête que Anselme de Lagardière. Et si je vous dis que l'un est boucher charcutier et l'autre est médecin ? Ou encore, essayez de reprendre la description du début, mais remplacez Erica par Gertrude. Cela accroche non ?

A oui dernière chose, imaginaire collectif ne veut pas forcément dire cliché. Evitez les formules toutes faites. Bati comme un chène, force de la nature, malin comme un singe...

Tyrion lève la main.

— Vous avez écrit un livre ?

— Heuu... non de quoi parlez-vous ?

— Vous avez parlé d'un exemple personnel tiré de votre prologue...

— Ha ? Vous êtes sur ? Je ne m'en rappelle pas. Une erreur de ma part sans doute.

Tyrion, Katniss et Hermione s'échangent des regards inquiets.

— Je pense que Dramtov nous cache quelque chose, souffle Katniss à voix basse

— Serait-il... sous SON contrôle ?

— Laissez-moi m'en occuper, dit Tyrion, j'ai une idée.

Dramatov se racle la gorge.

Bien...Le prochain cours portera sur un élément fondamental dans la structure d'un récit de fiction.

 Les scènes et les séquelles

***

Retours des exercices : 

Proposez votre version de la description d'Erica en utilisant la personnification et à l'aide de marqueurs.

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