Chapitre 6


— F L A S H B A C K —


Cette nuit d'été était d'une douceur infinie. Le ciel s'était paré d'un manteau de velours bleu-noir, illuminé par les reflets de la lune. Les étoiles scintillaient comme des petits diamants, jalousant secrètement l'astre d'argent et son éclat presque mystique.

Zara était étendue sur son lit, le visage rivé sur les constellations, à travers la fenêtre de sa chambre. Aaron, qui avait trouvé refuge auprès d'elle, somnolait, la tête délicatement posée contre son ventre, une main plaquée contre son oreille droite. À l'étage du dessous, et comme à l'accoutumée, la dispute entre Laura et Brian allait bon train. Cela faisait plus d'une heure à présent que le couple criait à tout va, ponctuant régulièrement leurs exclamations de bruit résultant du fracas de la vaisselle, fatalement élevée au rang de dommage collatéral.

Entre deux assiettes propulsées contre le sol, Brian se plaignait de travailler sans cesse, uniquement pour subvenir aux besoins impérieux de sa famille sans jamais penser à lui seul. Cette élégie avare et égocentrique s'étalait depuis de longues minutes sous les yeux d'une spectatrice outrée et de plus en plus exaspérée par les addictions dévastatrices qui rongeaient son mari, aussi bien physiquement que financièrement. Ces derniers temps, les crises à répétitions semblaient démontrer que le couple avait atteint un point de non-retour, au plus grand dam de leurs deux enfants.

Zara poussa un long soupir lorsqu'un énième bruit de verre brisé retentit dans la cuisine. Au même instant, Aaron sursauta et se recroquevilla un peu plus sur lui-même. En plus de ses défis du quotidien, le petit garçon devait également faire face à un profond mal-être qui s'était emparé de lui depuis le jour où ses parents avaient décidé de son avenir à sa place. Dorénavant, en proie à de violentes montées d'angoisse, il ne tolérait plus que quiconque, hormis sa sœur, troublât sa solitude chérie. Ces quelques moments de quiétude auprès de Zara lui conféraient cependant un calme et une sérénité que rien d'autre jusqu'ici n'avait été en mesure de lui offrir.

Soudain, le bruit d'un petit impact sur le carreau de la fenêtre attira l'attention de la jeune fille. Intriguée par ce son bien différent du fracas en provenance du rez-de-chaussée, Zara tourna la tête vers la rue et, les yeux plissés, inspecta les alentours. Tout était calme à cette heure tardive et personne ne semblait arpenter les trottoirs. Pourtant, dans l'ombre d'une voiture garée le long du caniveau, devant sa maison, se dessinait une silhouette vaguement familière. Zara se redressa lentement, en prenant garde à ne pas déranger son frère, puis se pencha un peu plus pour observer le curieux visiteur. Lorsqu'elle parvint enfin à distinguer quelques traits de son visage, dissimulé sous l'imposante capuche d'un sweat noir, une douce chaleur se répandit en elle.

Sans perdre une seconde, et comme propulsée par un instinct unique, elle s'attela à déplacer son petit frère sur le côté. Celui-ci émit un grognement plaintif, puis s'agrippa au bras de Zara, sans dire un mot. Cette dernière caressa alors tendrement sa joue et lui expliqua, sans parvenir à masquer son excitation :

— Je ne vais pas loin, je reviens vite. Ne bouge pas de là. Tu promets ?

Résigné, le garçon acquiesça d'un bref signe de la tête. Sa sœur plaça un oreiller sous son crâne et remonta sur lui un plaid duveteux, avant de se relever et d'ajuster sa tenue. Elle s'avança ensuite vers son miroir, arrangea ses longs cheveux blonds, vérifia l'état de son visage et de sa dentition, un vague sourire aux lèvres.

— Tu vas voir ton amoureux ?

Zara toisa le reflet de son petit frère et laissa échapper un rire gêné.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Aaron ne répondit pas. Les yeux braqués sur sa sœur, il se contenta de se rouler en boule sur le lit, mettant ainsi fin à leur bref échange. Attendrie, Zara l'observa un instant, tout en faisant abstraction de son attitude. Depuis toutes ces années, la jeune fille avait fini par se convaincre que Aaron habitait un monde merveilleux, rien qu'à lui, qu'il quittait seulement quelquefois, pour interagir brièvement avec elle. Souvent, elle avait tenté d'imaginer cet endroit fantastique, sans jamais vraiment pouvoir deviner ce que le voile dans les yeux de son frère cachait réellement.

Aaron entreprit de jouer avec le plaid, arrachant quelques poils au tissu, le regard perdu dans le vide. Zara attrapa sa veste en jean et se pencha ensuite sur lui pour déposer un bisou sur sa joue. Elle lui glissa alors, comme si la discussion avait suivi son cours normal :

— Tu vois tout, toi. T'es trop fort.

Aaron grimaça et s'empressa d'essuyer sa joue en grognant. Les contacts physiques faisaient partie des choses qu'il avait encore du mal à appréhender et, au fond de son cœur, Zara espérait que cette situation évoluerait un jour, pour le bonheur de son petit frère. Mais la patience était de mise face à la différence d'Aaron. Et cela, la jeune fille le savait très bien.

Sans un bruit, elle quitta sa chambre, tout en se focalisant sur les éclats de voix en provenance de la cuisine. Le plus dur était maintenant à venir. Il lui fallait sortir de la maison sans risquer d'être aperçue par ses parents. À pas de loups, elle se dirigea vers l'entrée, en prenant garde à n'éveiller aucun soupçon. Une fois au rez-de-chaussée, Zara se dissimula derrière un pan de mur et observa discrètement ses parents. Brian et Laura avaient migré vers le salon et, par chance, tous les deux lui tournaient le dos. Il s'agissait maintenant de regagner la porte d'entrée, attenante au séjour, et ce, sans attirer l'attention. La jeune fille prit une profonde inspiration et jeta un dernier regard en direction de ses parents ; son père marmonnait tout seul près de la bibliothèque, tandis que sa mère était occupée à ranger des coussins sur le sofa, en pestant toujours contre son époux. Zara retint son souffle et traversa alors le couloir sur la pointe des pieds. Arrivée devant la porte, elle s'empara de ses baskets et entreprit de déverrouiller très lentement le battant. Le cœur pulsant à tout rompre, et tout en guettant les mouvements de sa mère, relativement proche d'elle, elle parvint enfin à débloquer la serrure et s'empressa de sortir sur le perron.

Ce ne fut que lorsqu'elle réussit à refermer la porte derrière elle qu'elle s'autorisa à respirer. Le mystérieux visiteur était appuyé contre la voiture de son père, les mains plongées dans les poches de son sweat et le visage toujours à moitié dissimulé par sa capuche. Zara poussa alors un profond soupir de soulagement et s'assit sur les marches en pierre, à la fois pour faire redescendre le pic d'adrénaline qui était monté en elle, mais aussi pour chausser ses pieds nus.

— Tes parents chantent toujours la même chanson, à ce que je vois.

La jeune fille haussa les épaules. Un vague sourire étira ses lèvres lorsqu'elle détailla enfin les traits du visiteur.

— Tant qu'ils chantent, comme tu dis, ils ne m'entendent pas sortir. Ce qui, pour le coup, arrange plutôt mes affaires.

Sitôt ses chaussures enfilées, elle se releva, puis, comme emportée par une nouvelle décharge émotionnelle, sautilla de marche en marche et parcourut les derniers mètres qui la séparaient des bras de Jasper à grandes enjambées.

— Tu m'as manqué !

Le jeune homme gloussa, laissant son souffle chaud effleurer le cou de Zara.

— Ça fait à peine douze heures que tu es partie, Z.

— C'était déjà trop long.

Elle releva la tête vers lui et l'embrassa avec passion. Une douce sensation de bonheur effaça alors ses tracas, et parvint même à dissoudre les dernières bribes de disputes qui résonnaient encore dans la demeure derrière elle.

Au bout de quelques secondes, les deux amants relachèrent leur étreinte et s'éloignèrent de la devanture de la maison, afin de regagner l'ombre plus intime du trottoir d'en face, à quelques mètres de là.

Lorsqu'ils s'arrêtèrent, Zara se tourna vers Jasper et commença, avec un enthousiasme non dissimulé :

— Alors, que me vaut l'honneur de ta visite ? Pour que tu décides de prendre un risque pareil alors que mes parents sont là, c'est que tu as sûrement quelque chose de spécial à me dire, non ?

Jaz plongea la main dans la large poche de son sweat et en extirpa une liasse de billets qu'il tendit discrètement à Zara.

— Je suis venu te donner ce que je te devais.

— Pourquoi tu ne me l'as pas donné ce matin ?

Il hocha la tête, sceptique.

— C'était plus galant d'attendre un peu, plutôt que de te balancer des billets comme ça au réveil, non ? Je ne voulais pas que tu penses que je payais autre chose.

Du revers de la main, il caressa la joue de Zara, concentrée sur les billets qu'elle comptait entre ses doigts.

— Et puis, j'avais envie de te voir...

— Il en manque. 70-30, c'est ce qu'on avait dit.

Jasper haussa un sourcil, surpris par la réaction de sa compagne. Après quelques courtes secondes de réflexion, il afficha un sourire amusé et rétorqua :

— Tu me prends vraiment pour un con, hein ? Bien essayé, mais ça prend pas. C'était 60-40 et crois-moi, c'est déjà bien assez cher payé comme ça.

— C'est l'avis de Reese ?

— Non, le mien. Tu sais que je te donne autant qu'à Robin ? Alors, estime-toi heureuse.

Zara glissa les billets dans la poche de sa veste, plaça ses deux bras autour du cou de Jasper, tout en affichant une moue d'enfant attendrissante.

— C'est vrai ? Je suis aussi importante que lui ?

Il prit un petit air songeur avant de répondre, à mi-voix :

— Tu es... spéciale. Tu n'as rien à voir avec qui que ce soit.

Le nez de Zara effleura celui du garçon, tandis qu'elle ronronnait de plus belle :

— Et donc ?

— Et donc, arrête avec ton numéro de charme. Ça prend toujours pas.

Zara relâcha son étreinte, en forçant un bruyant soupir de résignation. Jasper jeta un regard en direction de la maison et, pour changer de sujet, s'enquit avec compassion :

— Comment ça se passe avec Aaron ?

La jeune fille fut tout d'abord surprise par la question. Elle haussa alors les épaules et répondit, une pointe de lassitude dans la voix :

— Il s'inquiète. Il a bien compris que beaucoup de choses allaient changer à la rentrée. Pourtant, il a tellement besoin d'un accompagnement... Je ne sais plus trop quoi lui dire pour le rassurer.

— Tu as déjà essayé de parler à tes parents ? Ce que tu gagnes ne leur suffit pas ?

— Je leur donne ce que je gagne. Enfin, pas tout. Je leur donne ce qu'une bonne baby-sitter est censée gagner. Je ne voudrais pas éveiller leurs soupçons quant à la vraie nature de mon... job. Au début, ils ont été surpris de voir que je gagnais de l'argent. Bien sûr, ça aide un petit peu, mais ça n'est vraiment pas suffisant.

Le garçon afficha une moue contrite, acquiesçant du même coup les paroles de la jeune fille. Cette dernière reprit, songeuse :

— Tout ce que j'espère, c'est que le reste que je mets de côté sera suffisant pour lui venir en aide, pour son avenir...

— Et le tiens, d'avenir dans tout ça ?

Zara s'éloigna un peu de Jasper et expliqua, d'une voix terne :

— Oh, moi, tu sais... À la base, je voulais devenir infirmière. Mais ça fait bien longtemps que j'ai abandonné l'idée. De toute façon, je n'aurai jamais les moyens de faire des études. Alors, pour l'instant, je me contente d'apprendre les effets de certains médicaments, ou composants chimiques dans les livres de ma mère... Dans quelque temps, je suis sûre que je saurai comment endormir quelqu'un sans aucun problème, tu vas voir.

— Intéressant.

Zara ne répondit pas, empêtrée dans les souvenirs de ses rêves brisés. Irradié par la profonde mélancolie qui venait de s'emparer de sa compagne, Jasper plongea les mains dans les poches de son sweat et soupira :

— Je suis vraiment désolé pour toi, Z. Mais, en même temps, si tu veux gagner plus d'argent, tu sais ce que tu as à faire.

À ces mots, Zara sortit de sa stupeur, se braqua et releva la tête.

— Je ne veux pas vendre de drogue dure, Jaz. C'est ce qui détruit ma famille, encore aujourd'hui !

— Je ne te force pas ! Je te dis simplement que si tu voulais, tu pourrais mettre plus d'argent de côté. Beaucoup plus même ! Tu pourrais peut-être même te payer des cours de rattrapage, pour essayer d'obtenir une bourse et aller à l'université.

— N'importe quoi. Et puis c'est de l'argent facile ! Je ne veux pas me contenter de ça dans la vie.

Jasper extirpa ses mains de ses poches en marmonnant :

— C'est drôle, tu parles un peu comme mon frère...

— Pourquoi tu dis ça ?

Le jeune homme passa une main sur son visage masqué par l'ombre de sa capuche et prit une profonde inspiration, avant d'expliquer, d'une voix lointaine :

— Il est très ambitieux... Un peu mégalo sur les bords. Tiens, par exemple, sa dernière lubie, c'est d'économiser pour acheter une boîte de nuit. Il a pas encore vingt et un ans qu'il veut déjà un club. Alors, c'est sûr, il bosse d'arrache-pied pour avoir ce qu'il veut, je ne peux pas lui enlever ça. Mais contrairement à toi, pour y arriver, il n'a pas peur de flirter avec ce qui est vraiment...

— Illégal ?

Jasper acquiesça d'un signe de la tête et souffla longuement.

— Oh, faut pas lui en vouloir. Il a toujours été comme ça. Mais c'est vrai que depuis quelque temps, il est de plus en plus bizarre et j'ai du mal à comprendre pourquoi. Il veut plus, toujours plus, et à vrai dire, je m'inquiète un peu pour lui. C'est mon petit frère... Tu comprends ça mieux que personne.

Jasper se tut, comme pour méditer sur ses dernières paroles. Zara n'osa pas briser son silence et se contenta donc de croiser les bras sur sa poitrine. Au bout de quelques secondes, le jeune homme reprit, sur un ton plus léger :

— Réfléchis quand même, ma belle. Grâce à tes conseils, Reese m'a cédé du terrain et mes affaires vont mieux. Tu m'es d'une grande aide et je n'ai pas envie de te perdre. Au contraire, j'ai vraiment envie de t'aider. De vous aider, Aaron et toi.

— J'ai la palme de la meilleure employée du mois, c'est ça ?

Jasper pinça une mèche des cheveux de Zara et l'entortilla autour de son doigt. Il plaqua son autre main sur les reins de la jeune fille et l'attira contre lui, dans un geste particulièrement sensuel.

— Toi, tu es beaucoup plus que ça...

La jeune fille sourit et sentit ses joues s'empourprer quand elle se glissa contre le torse de son compagnon et posa ses lèvres sur les siennes.

Après quelques longues secondes d'étreinte, Zara se détacha de Jasper, à regret. Le temps jouait contre elle ; Brian et Laura n'allaient pas tarder à monter se coucher et, avant cela, à venir embrasser leurs enfants. S'ils ne trouvaient pas leur fille dans sa chambre, leur dispute risquait de reprendre de plus belle et Aaron en pâtirait.

— Il va falloir que je rentre. Je ne veux pas laisser mon frère trop longtemps tout seul là-dedans. Et puis, si mes parents découvrent que je me suis tirée en douce, je suis bonne pour la pension.

Jasper grimaça.

— Pas mal, la pension, ça peut nous ouvrir un nouveau marché.

Zara leva les yeux au ciel avant d'embrasser une dernière fois son amant. Profitant de sa proximité, celui-ci s'amusa à la soulever du sol, provoquant l'hilarité de sa compagne. Il la redéposa ensuite sur ses deux pieds, avant de s'éloigner d'elle, à reculons. Zara lança alors, d'une voix tremblante :

— Eh ? Je t'aime, tu le savais ?

Jasper haussa les épaules, sceptique. Il secoua alors la main en guise de réponse, un vague sourire aux lèvres, avant de disparaître dans la nuit.

Sans plus attendre, la jeune fille passa une main dans ses cheveux, puis trottina jusqu'à chez elle en ruminant les dernières paroles qu'elle avait adressées à son compagnon. Ces mots qu'elle n'avait encore jamais dits à personne et qui lui brûlaient encore les lèvres et le cœur.

Zara aimait Jasper comme on aime à seize ans. De cet amour naïf, inconditionnel, incandescent, qui fait jaillir la première étincelle d'un sentiment nouveau, plus puissante et plus éphémère que toutes celles qui lui succéderont. Celui qui fait naître le brasier qui enflamme un cœur sans que la raison ne sache comment l'éteindre. Celui qui guidait les pas de Zara sur un chemin obscur que son innocence n'avait de cesse d'éclairer d'un vibrant espoir.

Mais cet amour-là avait surtout le don de l'infini. Et si les flammes de la passion étaient souvent bien vite remplacées par les braises de la tendresse, ce soir-là, la jeune fille ne se doutait pas qu'un tout autre souffle glacial se chargerait bientôt d'éteindre ce feu à tout jamais.

Une fois à l'intérieur de sa maison, Zara retira ses chaussures et fila en douce à l'étage, pour y retrouver son frère. Par chance, ses parents n'avaient pas encore regagné leur chambre. Les cris s'étaient évaporés et le calme était revenu dans le foyer des Fletchers. Laura était dans la cuisine, en train de laver les quelques assiettes qui avaient survécu à la dispute et Brian était dans le salon, littéralement hypnotisé par un match de baseball diffusé à la télévision.

Lorsqu'elle entra dans sa chambre, la jeune fille s'aperçut qu'Aaron s'était endormi dans la même posture que celle qu'il avait prise lorsqu'elle l'avait quitté, un peu plus tôt dans la soirée. La seule différence était que son lit était recouvert de poils du plaid que son frère avait arrachés. Ce dernier, profondément assoupi, serrait contre son cœur un vieux t-shirt appartenant à sa grande sœur.

Attendrie, Zara se retint d'allumer la lumière. Elle retira silencieusement sa veste, puis se glissa sur le sol, le bras tendu sous son lit. Elle extirpa une vieille boîte à chaussures de sa cachette, et entreprit de ranger la nouvelle liasse de billets avec les autres qu'elle conservait précieusement, à l'abri des regards. Devant la petite somme qu'elle avait amassée jusqu'alors, Zara se laissa aller à une rêverie incertaine. Si un jour elle réussissait à gagner assez d'argent, elle serait peut-être en mesure de déménager avec son frère, loin du brouhaha des disputes de ses parents. Plus encore, si elle gagnait davantage, elle pourrait lui offrir un accompagnement digne de ce nom, afin qu'il soit un jour capable de se débrouiller par lui-même. Elle pourrait peut-être même prétendre à des études d'infirmière. Là-dessus, Jasper avait sûrement raison.

Malheureusement, et comme il le lui avait rappelé, tout cela avait un prix. Zara en avait conscience, mais le jeu en valait tellement la chandelle...

Troublée par ses ambitions utopiques, elle secoua la tête, dissimula à nouveau la boîte sous son lit, puis vint se blottir auprès de son petit frère, en prenant garde de ne pas le réveiller. La chaleur du petit garçon, bien que différente, lui apparut presque aussi réconfortante que celle de Jasper. L'amour souffla alors à sa raison une vérité que cette dernière ne pouvait réfuter. Ces deux hommes étaient devenus les personnes les plus importantes dans son existence tout entière et pour leur bonheur, il n'y avait rien qu'elle ne pouvait pas surmonter.

Après tout, Aaron méritait d'être heureux lui aussi. Tout autant qu'elle était heureuse avec Jasper. Mais le bonheur avait un coût qui, malgré les déclarations des bien-pensants, se comptait bel et bien en dollars.

Les minutes s'écoulèrent, la lune continua sa course à la cime des immeubles de la ville, jusqu'à disparaître sous l'horizon. Alors lentement, ses paupières se fermèrent en même temps que Zara prit sa décision. Demain, elle annoncerait à Jasper qu'elle acceptait d'en faire plus, si cela pouvait lui permettre de rendre Aaron au moins aussi heureux qu'elle l'était en ce moment même. C'était la bonne chose à faire. Elle en était sûre. Car si une chose en ce bas monde n'avait pas de prix, c'était bien de voir apparaître un sourire, même fragile, sur le visage de son petit frère.

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