Chapitre 1
"Le prologue"
En me promenant dans les couloirs de mon ecole, qui dates de la seconde guerre au moins, je crois d'apres guerre ce que je me souviens de mes cours d'histoire, et le devoir que j'ai a faire c'est une rédaction oui pour le français et aussi l'histoire ce qui est apparament un projet commun scolaire enfin je n'ai pas le nom en tête, j'ai fini par etre dans le froid et je vois une brique de pierre au sol et puis plusieurs et je vais donc dans la vielle batisse qui sert d'entrainement pour des cours gniagniagnia m'en branle.
Wouaouw une boite de biscuit des sablés bretons mes préféré, ah non fausse joie, tiens je me souviens du Journal d'Anne Frank mais alors celui la m'en souviens pas, l'encre bleu avec cette belle calligraphie, j'en a apprend pour les cours de Français tout les matins... Je me suis mis a lire ce journal.
Quant à la guerre... il est plaisant à considérer par combien de vaines occasions elle est agitée et par combien légères occasions éteinte : toute l'Asie se perdit et se consomma en guerre pour le maquerellage de Paris.
Montaigne (Livre second, ch. XII).
– Attends-moi, Lucien ! héla, j'ai mes livres et mes cahiers sous le bras.
– Grouille-toi, alors, j'ai pas le temps de musarder moi !
– Ya du neuf ?
– Ça se pourrait !
– Quoi ?
– Viens toujours !
Et est ayant rejoint mes deux voisins Lucien et Charles, mes camarades de classe, nous trois continuèrent à marcher côte à côte dans la direction de la maison commune.
C'était un matin d'octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l'horizon aux collines prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers étaient nus, les pommier sétaient jaunes, les feuilles de noyer tombaient en une sorte de vol plané, large et lent d'abord, qui s'accentuait d'un seul coup comme un plongeon d'épervier, dès que l'angle de chute devenait moins obtus.
L'air était humide et tiède.Des ondes de vent couraient par intervalles. Le ronflement monotone des batteuses donnait sa note sourde qui se prolongeait de temps à autre, quand la gerbe était dévorée, en une plainte lugubre comme un sanglot désespéré d'agonie ou un vagissement douloureux.
L'été venait de finir et l'automne naissait. Il pouvait être huit heures du matin. Le soleil rôdait triste derrière les nues, et de l'angoisse, une angoisse imprécise et vague, pesait sur le village et sur la campagne. Les travaux des champs étaient achevés et, un à un ou par petits groupes, depuis deux ou trois semaines, on voyait revenir à l'école les petits bergers à la peau tannée, bronzée de soleil, aux cheveux drus coupés ras à la tondeuse (la même qui servait pour les bœufs), aux pantalons de droguet ou de mouliné rapiécés, surchargés de « pattins » aux genoux et au fond ; mais propres, aux blouses de grisette neuves, raides, qui, en déteignant, leur faisaient, les premiers jours, les mains noires comme des pattes de crapauds, disaient-ils.
Ce jour-là, nous traînions le long des chemins et leurs pas semblaient alourdis de toute la mélancolie du temps, de la saison et du paysage. Quelques-uns cependant, les grands, étaient déjà dans la cour de l'école et discutaient avec animation.
Le père Lahaie, le maître, sa calotte en arrière et ses lunettes sur le front, dominant les yeux, était installé devant la porte qui donnait sur la rue. Il surveillait l'entrée, gourmandait les traînards, et, au fur et à mesure de leur arrivée, les petits garçons, soulevant leur casquette, passaient devant lui, traversaient le couloir et se répandaient dans la cour.
Lucien, Charles, François et moi, qui les avait rejoints en cours de route, n'avaient pas l'air d'être imprégnés de cette mélancolie douce qui rendait traînassant les pas de leurs camarades.
Nous avions au moins cinq minutes d'avance sur les autres jours, et le père Lahaie, en nous voyant arriver, tira précipitamment sa montre qu'il porta ensuite à son oreille pour s'assurer qu'elle marchait bien et qu'il n'avait point laissé passer l'heure règlementaire.
Nous rentrons tout les quatre entrèrent vite, l'air préoccupé, et immédiatement gagnèrent, derrière les cabinets, le carré en retrait abrité par la maison du père Poirot, le voisin, où nous nous retrouvèrent la plupart des grands qui les y avaient précédés. Il y avait là Michel, le chef, qu'on appelait encore Mimiche ; son premier lieutenant Albert, ou Berbert, le fin grimpeur ainsi nommé parce qu'il n'avait pas son pareil pour dénicher les Maison et que, là-bas, les Maison s'appellent des Berbert ; il y avait Gerard de sur la Côte dont le père, républicain de vieille souche, fils lui-même de quarante-huitard, avait défendu Gerard aux heures pénibles ; il y avait Yves, qui savait tout, et Tintin, et Agnian le bigle, qui se tournait de côté pour vous voir de face, et Matthias ou Matt, au crâne massif, bref les plus forts du village, qui discutaient une affaire sérieuse.
L'arrivée de Lucien Charles et moi n'interrompit pas la discussion ; nous etions apparemment au courant de l'affaire, une vieille affaire à coup sûr, et nous mêlèrent immédiatement à la conversation en apportant des faits et des arguments capitaux.
On se tut. Lucien, qu'on appelait par contraction Lulu pour le distinguer de Chacha son cadet, parla ainsi :
– Voilà ! Quand nous sommes arrivés, mon frère et moi, au contour des Martin, les Fiedois se sont dressés tout d'un coup près de la marnière à Jean-Baptiste. Ils se sont mis à gueuler comme des veaux, à nous foutre des pierres et à nous montrer des triques. Ils nous ont traités de cons, d'andouilles, de voleurs, de cochons, de pourris, de crevés, de merdeux, de couilles molles, de...
– De couilles molles, reprit Mimiche, le front plissé, et qu'est-ce que tu leur z'y as redit là-dessus ?
– Là-dessus on « s'a ensauvé », mon frère et moi, puisque nous n'étions pas en nombre, tandis qu'eusses, ils étaient au moins quinze et qu'ils nous auraient sûrement foutu la pile.
– Ils vous ont traités de couilles molles ! scanda le gros Berbert, visiblement choqué, blessé et furieux de cette appellation qui les atteignait tous, car les deux frères Lucien et Charles, c'était sûr, n'avaient été attaqués et insultés que parce qu'ils appartenaient à la commune et à l'école militaire de Gueret.
– Voilà, reprit Lucien, je vous dis maintenant, moi, que si nous ne sommes pas des andouilles, des jeanfoutres et des lâches, on leur z'y fera voir si on en est des couilles molles.
– D'abord, qu'est-ce que c'est t'y que ça, des couilles-molles ? fit Gerard.
Martin réfléchissait.
– Couille molle !... Des couilles, on sait bien ce que c'est, pardine, puisque tout le monde en a, même le Miraut de Lisée, et qu'elles ressemblent à des marrons sans bogue, mais couille molle !... couille molle !...
– Sûrement que ça veut dire qu'on est des pas grand chose, coupa Charles, puisque hier soir, en rigolant avec Narbonne, not'meunier, je l'ai appelé couille molle comme ça, pour voir, et mon père, que j'avais pas vu et qui passait justement, sans rien me dire, m'a foutu aussitôt une bonne paire de claques.
Alors...L'argument était péremptoire et chacun le sentit.
– Alors, bon Dieu ! il n'y a pas à espionné plus longtemps, il n'y a qu'à se venger, na ! conclut Berbert.
– C'est t'y vot'idée, vous autres ?
– Foutez le camp de là, hein, les chie-en-lit, fit l'autre petits qui s'approchaient pour écouter.
Ils approuvèrent Berbert à l'unanimité, comme on disait. À ce moment le père Simon apparut dans l'encadrement de la porte pour frapper dans ses mains et donner ainsi le signal de l'entrée en classe.
Tous, dès qu'ils le virent, se précipitèrent avec impétuosité vers les cabinets, car on remettait toujours à la dernière minute le soin de vaquer aux besoins hygiéniques réglementaires et naturels.
Et les conspirateurs se mirent en rang silencieusement, l'air indifférent, comme si rien ne s'était passé et qu'ils n'eussent pris, l'instant d'avant, une grande et terrible décision. Cela ne marcha pas très bien en classe, ce matin-là, et le maître dut crier fort pour contraindre ses élèves à l'attention.
Non qu'ils fissent du potin, mais ils semblaient tous perdus dans un nuage et restaient absolument réfractaires à saisir l'intérêt que peut avoir pour de jeunes Français républicains l'historique du système métrique. La définition du mètre, en particulier, leur paraissait horriblement compliquée : dix millionième partie du quart, de la moitié... du... ah, merde ! Pensais je.
Et se penchant vers mon voisin et ami martin, il je lui glissa confidentiellement :
– Eurêquart ! Je voulait sans doute dire : Eurêka ! Il avait vaguement entendu parler d'Archimède, qui s'était battu au temps jadis avec des lentilles. Un autre lui avait laborieusement expliqué qu'il ne s'agissait pas de légumes, car j'ai à la rigueur comprenait bien qu'on pût se battre avec des pois qu'on lance dans un fer de porte plume creux, mais pas avec des lentilles.
– Et puis, disais-je, ça ne vaut pas les trognons de pommes ni les croûtes de pain.
Agnian lui avait dit que c'était un savant célèbre qui faisait des problèmes sur des capotes de cabriolet, et ce dernier trait l'avait pénétré d'admiration pour un bougre pareil, lui qui était aussi réfractaire aux beautés de la mathématique qu'aux règles de l'orthographe. D'autres qualités que celles-là l'avaient, depuis un an, désigné comme chef incontesté des Mersois.
Têtu comme une mule, malin comme un singe, vif comme un lièvre, il n'avait surtout pas son pareil pour casser un carreau à vingt pas, quel que fût le mode de projection du caillou : à la main, à la fronde à ficelle, au bâton refendu, à la fronde à clastique; il était dans les corps à corps un adversaire terrible ; il avait déjà joué des tours pendables au curé, au maître d'école et au garde champêtre ; il fabriquait des lance-pierre merveilleuses avec des branches de sureau grosses comme sa cuisse, des lance pierre qui vous giclaient l'eau à quinze pas, mon ami, voui ! parfaitement ! et des topes qui pétaient comme des pistolets et qu'on ne retrouvait plus les balles d'étoupes.
Aux billes, c'était lui qui avait le plus de pouce ; il savait pointer et rouletter comme pas un ; quand on jouait au pot, il vous « foutait lesznogs sur les onçottes » à vous faire pleurer, et avec ça, sans morgue aucune ni affectation, il redonnait de temps à autre à ses partenaires malheureux quelques-unes des billes qu'il leur avait gagnées, ce qui lui valait une réputation de grande générosité.
À l'interjection de son chef et camarade, Tintin joignit les oreilles ou plutôt les fit bouger comme un chat qui médite un sale coup et devint rouge d'émotion.
– Ah ! ah ! pensais je. Ça y est ! J'en étais bien sûr que ce sacré trouverait le joint pour leur z'y faire !
Et il demeura noyé dans un rêve, perdu dans des mondes de suppositions, insensible aux travaux de Delambre, de Méchain, de Machinchouette ou d'autres ;aux mesures prises sous diverses latitudes, longitudes ou altitudes... Ah ! oui, que ça lui était bien égal et que je m'enfoutais !
Mais qu'est-ce qu'ils allaient prendre, les Fiedois !Ce que fut le devoir d'application qui suivit cette première leçon, on l'apprendra plus tard ; qu'il suffise des avoir que les gaillards avaient tous une méthode personnelle pour rouvrir, sans qu'il y parût, le livre fermé par ordre supérieur et se mettre à couvert contre les défaillances de mémoire. N'empêche que le père Lahaie était dans une belle rage le lundi suivant. Mais n'anticipons pas. Quand onze heures sonnèrent à la tour du vieux clocher paroissial, ils attendirent impatiemment le signal de sortie, car tous étaient déjà prévenus on ne sait comment, par infiltration, par radiation ou d'une tout autre manière, que j'avais trouvé quelque chose.
Il y eut comme d'habitude quelques bonnesbousculades dans le couloir, des bérets échangés, dessabots perdus, des coups de poings sournois, maisl'intervention magistrale fit tout rentrer dans l'ordre et lasortie s'opéra quand même normalement.
Sitôt que le maître fut rentré dans sa boîte, lescamarades fondirent tous sur moi comme une volée demoineaux sur un crottin frais.Il y avait là, avec les soldats ordinaires et le menu fretin,les dix principaux guerriers de Mers avides de serepaître de la parole du chef.
J'exposa mon plan, qui était simple et hardi ;ensuite je demanda quels seraient les ceusses quil'accompagneraient le soir venu.Tous briguèrent cet honneur ; mais quatre suffisaient eton décida que Berbert, Matthias, Tintin et Lucien seraient de l'expédition : Gerard, habitant sur la Côte,ne pouvait s'attarder si longtemps, Agnian n'y voyait pastrès clair la nuit et Bordel n'était pas tout à fait aussi lesteque les quatre autres.Là-dessus on se sépara.
Au soir, sur le coup de l'Angelus, les cinq guerriers seretrouvèrent.
– As-tu la craie ? fit je à Matt, qui s'étaitchargé, vu sa position près du tableau, d'en subtiliser deuxou trois morceaux dans la boîte du père Lahaie.
Matthias avait bien fait les choses ; il en avait chipécinq bouts, de grands bouts ; il en garda un pour lui et enremit un autre à chacun de ses frères d'armes. De cettefaçon, s'il arrivait à l'un d'eux de perdre en route sonmorceau, les autres pourraient facilement y remédier.
– Alors se, filons ! fit Berbert.
Par la grande rue de l'école d'abord, puis par le trajet des Cheminées rejoignant au gros Tilleul la route de Fiel, ce fut un instant une sabotée sonore dans la nuit. Les cinq gars marchaient à toute allure à l'ennemi.
– Il y en a pour une petite demi-heure à pied, avais dis je, on peut donc y aller dedans un quart d'heure et être rentré bien avant la fin de la veillée.
La galopade se perdit dans le noir et dans le silence ;pendant la moitié du trajet la petite troupe n'abandonna pas le chemin caillouteux où l'on pouvait courir, mais dès qu'elle fut en territoire ennemi, les cinq conspirateurs prirent les bas côtés et marchèrent sur les banquettes que leur vieil ami le père Jaguar, le cantonnier, entretenait, disaient les mauvaises langues, chaque fois qu'il lui tombait un œil.
Quand nous furent tout près de Fiel, que les lumières devinrent plus nettes derrière les vitres et les aboiements des chiens plus menaçants, nous firent halte.
– Ôtons nos sabots, conseillais je, et cachons-les derrière ce mur.
Les quatre guerriers et le chef se déchaussèrent et mirent leurs bas dans leurs chaussures ; puis ils s'assurèrent qu'ils n'avaient pas perdu leur morceau de craie et, l'un derrière l'autre, le chef en tête, la pupille dilatée, l'oreille tendue, le nez frémissant, ils s'engagèrent sur le sentier de la guerre pour gagner le plus directement possible l'église du village ennemi, but de leur entreprise nocturne.
Attentifs au moindre bruit, s'aplatissant au fond des fossés, se collant aux murs ou se noyant dans l'obscurité des haies, ils se glissaient, ils s'avançaient comme des ombres, craignant seulement l'apparition insolite d'une lanterne portée par un indigène se rendant à la veillée ou la présence d'un voyageur attardé menant boire son carcan.
Mais rien ne les ennuya que l'aboi du chien de Jean des Guys, un salopiot qui gueulait continuellement. Enfin ils parvinrent sur la place et ils s'avancèrent sous les cloches. Tout était désert et silencieux. Je resta seul pendant que les quatre autres revenaient en arrière pour faire le guet.
Alors prenant son bout de craie au fond de sa profonde, haussé sur ses orteils aussi haut que possible, j'inscrivis sur le lourd panneau de chêne culotté et noirci qui fermait le saint lieu, cette inscription lapidaire qui devait faire scandale le lendemain, à l'heure de la messe, beaucoup plus par sa crudité héroïque et provocante que par son orthographe fantaisiste :Tou lé Fieldoi çon dé paigne ku !
Et quand il se fut, pour ainsi dire, collé les quinquets sur le bois pour voir « si ça avait bien marqué », il revint près des quatre complices aux écoutes et, à voix basse et joyeusement, leur dit :
– Filons !
Carrément, cette fois, ils s'engagèrent de front sur le milieu du chemin et repartirent, sans faire de bruit inutile, à l'endroit où ils avaient abandonné leurs sabots et leurs bas. Mais sitôt rechaussés, dédaigneux tout à fait d'inutiles précautions, frappant le sol à pleins sabots, nous regagnèrent Gueret et le pensionnat en attendant avec confiance l'effet de leur déclaration de guerre.
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