L'importance Des Lettres

Chapitre 5 : L'importance Des Lettres

Súsanna Clancy s'était toujours vue comme une personne studieuse. Il lui était déjà arrivé de passer des soirées voire des nuits entières à travailler. Et quand il lui manquait des informations, qu'il soit dix-neuf ou deux heures, il lui fallait absolument la réponse. Leo préférait dire qu'elle était têtue, et Edana qu'elle était juste chiante.

Malgré toutes les interdictions, il lui était arrivé de pénétrer dans la bibliothèque de nuit, évitant Rusard et Miss Teigne. Pour cela, elle avait réussi à trouver un passage secret que lui envieraient sans doute de nombreux élèves. Sa deuxième année, elle avait eu une petite discussion pour un devoir en Histoire de la Magie avec le tableau d'Isolt Sayre, la fondatrice d'Ilvermorny. Cette dernière avait été touchée par l'attention que lui portait la jeune élève et lui avait alors révélé qu'elle cachait un passage qui menait à la partie "littérature moldue" de la bibliothèque, qu'elle n'avait qu'à dire "Serpent cornu" pour y accéder. La première fois fut des plus excitantes, et elle n'avait qu'une envie : se précipiter chez les Serdaigles pour raconter à ses amis ce qu'il venait de se passer. Mais celle qui s'était fait surnommer Morgane pour préserver son identité de son vivant, lui avait fait promettre de ne rien dire. Et jusqu'à maintenant, elle avait tenu parole et elle comptait continuer comme ça.

Après sa discussion avec Hagrid, chez les elfes de maison, pour accompagner sa soupe et son chocolat chaud, elle leur demanda s'ils savaient où elle pouvait se procurer des cartes du monde et  Royaume-Uni. Trop heureux de pouvoir aider la "gentille maîtresse Sùsanna", les elfes s'agitèrent et firent apparaître devant elle ce qu'elle souhaitait.

"Vous êtes incroyables." soupira-t-elle, en caressant du bout du doigt son Irlande natale.

Les elfes de maison redoublèrent de courbettes et de compliments, soulignant que les maîtres Potter, Black et Pettigrow ne leur disaient que rarement merci. Il n'y avait que Rémus qui avait l'honneur de trouver grâce à leurs yeux.

"Ils doivent oublier." essaya de les excuser la jeune fille. "Cela arrive à tout le monde."

Elle consulta sa montre pour constater que le banquet allait bientôt se finir.

"Je pense qu'il faudrait que je rentre." dit-elle alors. "Merci encore pour le repas et pour les cartes. Je vous suis vraiment redevable."

Quand elle les quitta, les elfes de maison en étaient presque à sauter au plafond.

En quittant les elfes si tôt, elle pensait pouvoir arriver au dortoir avant Grace et Rose, et être ainsi débarrassée de ces deux pimbêches. En longeant les murs et les tableaux du château, elle essaya de monter un plan pour pouvoir s'introduire sans problème dans la bibliothèque. Pyjama ou pas pyjama ? Lampe ou pas lampe ? Parchemins et plumes ou pas parchemins et plumes ?

" Vilaine Gargouille." dit-elle à la Grosse Dame, pensivement.

"Vous-même." répliqua le tableau en s'ouvrant.

Sùsanna leva les yeux au ciel, elle manquait décidément d'originalité et de répartie. Alors qu'elle passait dans le couloir découvert, la Grosse Dame eut un petit soupir méprisant.

"Jeune fille, il n'est pas bon de se comporter ainsi av..."

Sùsanna n'entendit pas la fin de la phrase, qui fut interrompue par la clôture du passage, mais elle imaginait bien la gardienne du dortoir pester et grogner.

"Je ne l'aime vraiment pas." souffla-t-elle, en balayant du regard la Salle Commune vide.

Un feu magique brulait dans l'âtre, les fauteuils et sofas l'appelaient, bien que toujours recouvert des livres et jeux des élèves qui les avaient abandonnés pour aller manger. Un dragon en papier flottait dans l'air, sûrement un sort oublié. D'un coup de baguette, elle rompit le sortilège, laissant l'origami planer jusqu'à sa main tendue, prête à l'accueillir. 

"Es-tu un boutefeu chinois ou un Vert Gallois ?" murmura-t-elle en le faisant tourner entre ses doigts. Un sourire en coin, elle chercha du regard un exemplaire du manuel de Newt Scamander, qui devait sûrement traîner quelque part. Il y en avait en effet un posé à côté de l'âtre. Elle se saisit du livre commença à l'ouvrir, mais, comme foudroyée, le reposa précipitamment. Elle recula, se prit les pieds dans des coussins qui traînaient et manqua de tomber sur les fesses, les yeux toujours posés sur l'ouvrage.

Elle semblait avoir oublié la disparition de son frère. D'accord, elle pouvait être perçue comme détachée des évènements pour que tout le monde lui fiche la paix, mais elle ne pouvait pas l'oublier, elle ne se le permettrait pas. Elle fusilla du regard le livre et monta précipitamment les escaliers pour se rendre dans son dortoir. Elle voulait juste se jeter sur son lit, se blottir dans sa couverture, et s'endormir dans le drapage écarlate.

Elle ouvrit brusquement la porte, et s'engouffra dans la pièce.

"Fais attention, Sue ! Tu es folle ?" s'exclama Rose en sursautant.

"Non, elle est lunatique." rit Grace, dans la salle de bain.

"Voire bipolaire." gloussa Rose.

"Et vous, vous êtes flippantes." se contenta de répondre Sùsanna, en se dirigeant vers sa valise.

"Aïe ! Elle m'a blessé, je vais lui faire la tête." rit Grace entraînant Rose dans ses petits pouffements.

"Qu'est-ce que vous faites ici ? Je pensais que le dîner n'était pas encore fini." dit-elle en s'agenouillant devant sa valise.

"Tu veux parler du dîner auquel tu ne t'es encore pas pointée ?" demanda Rose.

"Non mais, il ne faut pas que tout le monde se rende compte qu'elle est devenue folle, surtout James ou Sirius.

- Non mais ça, ils s'en doutent, elle les a repoussés.

- Elle préfère les elfes de maisons, les animaux et les Moldus.

- Tu as oublié les Serdaigles.

- Oui, d'ailleurs qu'est-ce que tu fais à Gryffondor ?"

Sùsanna tentée de ne pas les écouter, elle cherchait dans sa valise ce dont elle aurait besoin plus tard.

"Non, mais tais-toi Grace, elle va péter un plomb si on continue comme ça.

- Oui c'est ça Gracie, fais bien ce que Rosie te dit et va monter des plans stupides pour essayer de sortir avec James Potter ou Sirius Black." dit la rousse d'une voix nasillarde, avant de reprendre sa voix normale. "Flash info, les filles, ils se foutent totalement de vous."

Elle tira la couverture qui recouvrait son lit d'une main, et de l'autre se saisit de la lampe torche moldu que lui avait offert Leo, des lettres de son frère, et de quoi écrire, avant de quitter la chambre en claquant la porte. Il lui restait peu de temps avant que les autres élèves ne rejoignent la salle et elle n'avait pas envie de s'expliquer. 

"Encore vous ?" marmonna le tableau quand elle sortit du passage.

"Ne vous inquiétez pas, je ne reviendrai pas avant quelque temps.
- Bon débarras !" s'exclama-t-elle.

En se rendant au tableau, Sùsanna soupira, elle qui détestait les drames et les histoires clichées, la voilà qui était un milieu de l'une de ces aventures vues et revues. Etait-ce ça le prix de l'imprévu ? Ou peut-être que, en soi, aucune histoire n'était réellement spéciale ou nouvelle. Peut-on parler de nouveauté à partir du moment où tu considères que tu es modelé par le monde qui t'entoure. Elle secoua la tête, ce n'était pas le moment d'avoir des raisonnements profonds sur le sens de la vie.

"Bonjour Morgane, Serpent Cornu." s'exclama-t-elle une fois devant le tableau.

"Bonjour Miss Clancy, prête pour une nouvelle excursion secrète dans le saint des Saints de Poudlard ?" demanda la figure en pivotant.

"Toujours. De plus, j'ai une mission de la plus haute importance à remplir aujourd'hui.

- Dans ce cas-là, bonne chance Sùsanna."

Elle se posa au milieu du passage, à mi-parcours entre le tableau de Morgane et la sortie vers la Bibliothèque, en étalant la couette sur le sol, et s'allongea dessus en posant le matériel qu'elle avait pris avec elle. Elle contempla les pages noircies de l'écriture de son frère, où il lui racontait, avec la joie la plus enfantine, son périple à travers l'Europe pour trouver les créatures mystérieuses qui les avaient tant fait rêver, plus jeunes. Alpes françaises, lacs suisses, forêts allemandes et autrichiennes, Mer Adriatique, paysages grecs, Mer Noire, vallées roumaines, elle reliait les points qu'il lui avait décrits avec tant de passion. Et plus elle relisait ces lettres moins elle comprenait la raison qui l'aurait poussé à "rejoindre les Mangemorts". Puis le retour en Grande-Bretagne, le passage dans la demeure familiale, l'excursion à travers les lacs, rivières, vallées, collines et montagnes irlandaises. Il avait ensuite enchaîné sur le Pays de Galles au nom de villes imprononçable, aux Cornouailles aux bords de mer décoiffant, Devon, Dorset, Hampshire, Sussex, Kent, Londres, Essex, puis un bond jusqu'en Oxfordshire... Les noms commençaient à se mélanger et danser devant les yeux de la Gryffondor. Elle n'y comprenait plus rien. Puis, elle arriva à la dernière lettre : de Lancaster, le 27 novembre. Elle se saisit d'un des stylos rouges du monde moldu dont Leo faisait le trafic dans les couloirs de Poudlard et qu'il avait eu la grâce de lui offrir, et traça une croix rouge sur la région presque limitrophe de l'Ecosse.

Sùsanna soupira. Elle n'avait fait que tracer un joli zigzag sur deux cartes et elle n'était pas plus avancée. Son frère lui semblait toujours aussi irréprochable. Elle se saisit alors d'un parchemin neuf, il ne lui restait plus qu'une chose à faire.

"Cher Quinn,

Je t'en supplie, réponds-moi. Ici, tout le monde a perdu la tête, ils insinuent tous que tu es devenu un Mangemort et que tu as disparu pour mieux réapparaître couvert de sang de Moldus dont le seul crime est de ne pas être comme nous. Mais, je te connais, je sais que tout ceci n'est que les fantasmes d'un peuple de crétins terrifiés qui ne te connaît pas, qui ne sait pas que tu es quelqu'un de bon, d'aimant, de tolérant, et d'altruiste. Bref un parfait petit Poufsouffle.

Si tu pouvais voir les regards qu'on me jette, ce mélange entre la crainte et la pitié, car vu que tout le monde pense que tu es un assassin en devenir, les raccourcis sont vite faits, je suis tout aussi enclin à péter une durite et rejoindre ce petit monde extrêmement peu sain d'esprit que sont les Mangemorts. Après que certains de mes amis, comme certains des tiens d'ailleurs, soient des nés-moldus passe pour un détail, une exception à notre futur bain de sang. Bref, les gens sont stupides et ne cherchent pas à connaître ceux à propos duquel ils lancent des rumeurs. 

Maintenant, je t'en supplie Quinn, envoie de tes nouvelles. Fais-les tous taire, montre-leur que tu n'es pas un de ces fanatiques, que jamais tu ne pourrais rejoindre les rangs de personnes aussi vindicatives et fermées d'esprit. J'ai essayé de refaire ton parcours pour savoir où tu pourrais te trouver, mais rien. Je dois te l'avouer, j'ai également cherché des indices dans tes lettres pour savoir s'ils avaient raison, mais non, je reste campée sur mes positions, tu ne peux pas être devenu un Mangemort.

Je vais devoir te quitter, il se fait tard et je suis une "élève dans les couloirs", Rusard ne va pas du tout aimer s'il me trouve.

À bientôt,

Sùe

PS : RÉPONDS-MOI ou au moins écris aux parents qui sont dans tous leurs états, si tu voyais les lettres pleines de désespoirs qu'ils m'écrivent."

Sùsanna sortit silencieusement de sa cachette avant de se planter devant le tableau de la fondatrice d'Ilvermorny, qui s'était assoupie.

"Isolt." chuchota-t-elle doucement.

Morgane papillonna avant de poser son regard sur la jeune fille.

"Oui Miss Sùsanna ?

- Est-ce que d'autres personnes connaissent ce passage secret."

L'ancien professeur eut un sourire malin.

"Non. Pourquoi ? Que veux-tu cacher ?

- Toutes les lettres de mon frère, je ne veux pas que le Ministère ou d'autres idiots tombent dessus.

- Ils resteront dans mon passage, personne n'en saura rien.

- Merci beaucoup.

- Va te coucher maintenant, cet horrible concierge pourrait tomber sur toi et ce serait dommage pour tes prochaines excursions."

Sùsanna la salua de la main, lança sa couette sur son épaule, éteignit sa lampe torche et s'élança dans les couloirs. Alors qu'elle était presque aux escaliers menant aux dortoirs, elle vit dans un angle Miss Teigne. La jeune Gryffondor sursauta et se dépêcha de se cacher derrière un mur. Elle avança doucement la tête dans la direction du chat, tendit sa baguette et souffla un léger : "Stupéfix". Le félin tomba, raide. Alors qu'elle allait passer devant, elle remarqua sur sa droite ce qui devait être un placard à balais. Elle eut un sourire diabolique. La jeune fille s'avança doucement vers l'animal, l'attrapa, et la mit dans la pièce obscure, puis d'un geste précis, elle traça d'un sort sur la porte : "Ici se cache un obstacle pour tout vagabond nocturne.".

Mais les escaliers ne l'épargnèrent pas, ils la firent voyager d'un étage à l'autre sans jamais la mener vers son dortoir. La jeune élève en était persuadée, le concierge avait passé un marché avec eux pour pouvoir attraper tous les resquilleurs. Il ne restait enfin à Sùsanna qu'une volée de marches mouvantes quand elle entendit la voix de Rusard appeler son chat. Elle pesta et souffla aux escaliers :

"Si vous ne vous dépêchez pas de m'amener à mon dortoir, je demande aux Maraudeurs de l'aide pour vous repeindre de toutes les couleurs et placer plein de feux d'artifice."

Ces quelques mots eurent l'effet d'une bombe, et, alors qu'ils avaient joué la carte de la lenteur, jusqu'à présent, les marches bougèrent alors si rapidement que Sùsanna manqua de tomber à la renverse.

"Vous voilà de retour." grogna la Grosse Dame.

"Vilaine Gargouille." souffla la jeune fille.

"L'heure du couvre-feu est passée.

- Veuillez m'excuser, j'étais avec un professeur.

- Je n'ai pas été mise au courant.

- Cela s'est décidé peu de temps avant le couvre-feu.

- Je veux une preuve."

Sùsanna crut qu'elle allait lui lancer la lampe torche à la tête.

"Ecoutez, je vis actuellement de très mauvais moments, très frustrants et fatigants. Auriez-vous l'obligeance d'ouvrir le passage.

- Non."

Sùsanna était en train de décider si le meilleur moyen de faire bouger ce tableau était d'utiliser des feux d'artifice ou le déchirer avec un couteau, quand elle entendit des pas derrière elle.

"Je suis foutue." soupira-t-elle, en se demandant si les cachots de Rusard étaient plus agréables que le laissaient sous-entendre ses descriptions.

"Bonsoir beauté des îles !" s'exclama la voix enjouée de Sirius Black. "À ce que je vois, tu as de la compagnie."

Il fit une révérence au tableau, Sùsanna était même sûre d'avoir vu la Grosse Dame rougir, avant d'ajouter :

"Salut Sùsanna. Depuis quand sors-tu seule dans les couloirs la nuit ?

- Depuis que ta beauté des îles ne me laisse pas retourner dans mon dortoir."

Le tableau grogna et Sirius la regarda étonné.

"Comment ? Tu ne laisses pas ma chère amie retrouver son lit ? Bien que, je consens, elle semble se balader avec." demanda-t-il en détaillant la Gryffondor et sa couverture.

"Eh Patmol, tu ne sais pas quoi ? Quelqu'un a stupéfixié Miss Teigne !" s'exclama Peter Pettigrow en montant quatre à quatre les marches, suivi par les deux autres Maraudeurs.

"Je crois que je sais qui s'est." répondit-il, un sourire en coin. "Tu nous ressembles de plus en plus, j'ai l'impression. Continue comme ça ! "

James se mit à rire.

"On dirait un père qui parle à son gosse."

Mais Sùsanna le fusilla du regard et son rire s'éteint.

"Toujours pas ?" demanda-t-il.

"Non, tu es toujours un idiot, mais un idiot qui va m'ouvrir le passage pour que je ne campe pas ici cette nuit."

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