54. Larmes de printemps
Je frotte mes mains l'une contre l'autre en contemplant les ingrédients devant moi. J'ai beau être une véritable quiche en pâtisserie, je tiens à faire des efforts aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que c'est l'anniversaire de Sam et que c'est la première fois depuis deux ans que nous prenons le temps de le faire en famille. L'année dernière, elle avait catégoriquement refusé quoi que ce soit en lien avec son anniversaire et l'année d'avant elle était hospitalisée.
Papa l'emmène faire du shopping toute la journée, ce qui me laisse quartier libre pour préparer des cupcakes et un gâteau aux fraises. Nathaniel m'a envoyé des recettes pour les débutants, mais pour le moment ça ne ressemble pas à ce que les vidéos montrent.
— Tu as ajouté la bonne dose de sucre glace ?
— Oui ! C'est peut-être un peu plus que ce qui était indiqué, mais le résultat sera forcément le même, non ?
Malgré les heures de décalage, Nathaniel tenait à faire un appel pour me guider dans les préparations. Je remue la préparation en fronçant les sourcils. Cela ne ressemble pas à la vidéo, ma crème est trop liquide.
— Ajoute un peu plus de beurre pour équilibrer. Il s'agit d'une crème de nappage, c'est important qu'elle soit équilibrée. Rappelle-moi de te donner des leçons lors de mon retour.
— Moque-toi ! Mon père ne travaille pas dans un café, mais c'est un véritable dictionnaire des médicaments. Il connaît presque tout, c'est hallucinant.
Mon petit ami quitte des yeux le livre qu'il est en train de parcourir. C'est presque comme s'il était avec moi dans la cuisine à m'aider. Je remarque qu'il fait nuit à Londres alors que nous sommes en pleine matinée.
— Montre-moi un peu.
— C'est pas mal, non ?
J'incline légèrement le plat devant l'écran pour lui montrer ma crème. Il hoche la tête puis me demande de continuer. Je m'occupe ensuite de sortir ma génoise du four puis m'occupe des cupcakes. La préparation est étonnamment facile, ce qui me fait peur pour le glaçage. J'ai mis la main sur des poches à douille et la crème au beurre semble plus ou moins ressemblante.
— J'aurais pu demander à ma mère de préparer tout ça, tu n'avais pas besoin de le faire toi-même.
— J'adore les pâtisseries de Nora, mais je ressentais le besoin de le faire moi-même. C'est un anniversaire important.
Outre le fait que nous n'ayons pas pu dignement fêter ses deux derniers anniversaires, il s'agit de ses dix-huit ans. Cela marque sa majorité et son entrée dans le monde des adultes. L'année prochaine, elle étudiera à l'université et nous nous verrons plus aussi souvent qu'avant. Cette perspective m'angoisse, elle est mon pilier et la savoir loin de moi me brise le coeur.
— Tu es une soeur vraiment attentionnée, Max.
— Et toi un mauvais professeur ! Au lieu de rêvasser, tu devrais me donner des conseils pour améliorer ce gâteau.
Lorsque la génoise est suffisamment refroidie, je m'occupe d'étaler la crème sur celui-ci en suivant les instructions de Nathaniel. Je coupe les fraises afin de leur donner une forme plus ou moins arrondie puis les disposent autour du gâteau. Je m'applique afin que le résultat soit beau et harmonieux.
— J'ai envoyé ma candidature à deux universités dont une se trouvant en Ecosse. Elle possède un bon cursus littéraire et je pense avoir toutes les qualités pour y arriver.
— Tu es en train de briser le mythe sur le bad boy !
Il rit.
— Les garçons qui fument et portent du noir sont des mauvais garçons alors ? Je prends note sur le genre de lecture que tu lis, Price.
— J'aime les romances, rien de mieux pour les journées maussades et pluvieuses.
Je place des fraises sur le sommet de mon gâteau et tourne sur moi-même en souriant. Ce n'est pas le plus beau, mais il ressemble à quelque chose de comestible. Nathaniel applaudit derrière l'écran, en poussant des sifflements.
— Je suis admiratif, c'est pas mal ! Dommage que tu ne puisses pas m'envoyer une part, je t'aurais donné un avis constructif.
— La prochaine fois je veux que tu m'aides à préparer un gâteau. Aucune négociation possible, c'est toi le meilleur.
Lorsque mes cupcakes sont enfin prêts, je les laisse le temps de refroidir pour mettre la crème. Je dispose les petites décorations en sucre, chocolat sur le plan de travail. Quand je m'implique dans un projet, il n'est pas question d'abandonner.
— Alors comment ça se passe au lycée ?
— La routine. Je passe mes premiers examens dans une semaine, mais j'ai suffisamment révisé pour avoir une bonne note.
— Même en espagnol ?
Je hoche la tête.
— Ma moyenne n'est pas extraordinaire, mais elle est bien supérieure à celle que j'avais au collège. J'arrive à parler plus facilement même si ma prononciation reste à revoir.
— Je suis certain que tu arriveras à avoir une note extraordinaire. J'aurais aimé rester un peu plus, mais j'accompagne ma tante au restaurant.
Ma mine devient soudainement boudeuse.
— Déjà ? Je croyais qu'on aurait un peu plus de temps pour que tu puisses me voir m'attaquer aux cupcakes !
— Le temps passe un poil trop vite quand on discute, mais promis je t'appelle demain. Envoie-moi une photo de ton glaçage !
Il fait un baiser de la main avant de couper l'appel vidéo. Je me retrouve de nouveau seule avec mes gâteaux. Une relation à distance n'est pas facile, mais ça vaut le coup. Mes cupcakes étant refroidis, je m'applique à les démouler puis me lance dans le glaçage. Armée de ma poche à douille, je dépose une généreuse couche en répétant les mouvements de l'homme sur la vidéo.
Je ne vais pas mentir, c'est pas un chef d'œuvre mais j'en suis tout de même très contente ! J'ajoute des paillettes alimentaires ainsi que des étoiles en sucre, des petites pépites de chocolat. Ensuite, je les dispose sur un présentoir à gâteaux puis pousse un cri de victoire.
— Mission accomplie !
Je fouille dans les tiroirs à la recherche des décorations d'anniversaire. Je trouve quelques banderoles bleu à paillettes, des petits chapeaux de la même couleur à mettre sur la tête. C'est peut-être trop cliché, mais j'ai envie que cela le soit. Le dix-huitième anniversaire n'est pas quelque chose d'anodin.
J'accroche les guirlandes dans la maison, dresse la table pour lui donner un aspect chaleureux. J'ai encore du temps avant qu'ils ne reviennent pour le déjeuner. Nous allons mangé au restaurant, le préféré de Sam. J'ai prétexté des devoirs pour ne pas participer à la sortie shoppings, mais papa était au courant que j'avais besoin de temps pour préparer les cupcakes et le gâteau.
Je monte dans ma chambre pour enfiler une jolie tenue. J'opte pour un pull couleur crème accompagné d'une jupe noire avec une paire de collant et mon incroyable paire de Dr Martens reçue à Noël de la part de papa ainsi que le collier offert par Nathaniel. Je passe un rapide coup de brosse dans mes cheveux en me regardant dans le miroir.
— Pas mal du tout.
Il me faut des barrettes plates pour réaliser la jolie coiffure trouvée sur Internet, mais je perds toujours les miennes. Je me rends dans la chambre de Sam pour lui en emprunter, elle est bien plus soigneuse avec ses accessoires à cheveux que moi. Il faut aussi que je récupère ma présentation pour mon cours d'espagnol, j'ai dû le faire sur son ordinateur car le mien a malheureusement planté à trois reprises.
Je retourne rapidement dans ma chambre pour récupérer ma clé USB et mettre mon travail dessus. Son ordinateur est encore allumée, cela m'étonne d'habitude il est toujours éteint lorsqu'elle n'est pas à la maison. Je rentre le mot de passe puis arrive sur la page d'accueil. Son fond d'écran est une vieille photo de papa, elle et moi. Elle date un peu, mais c'est la préférée de ma soeur.
Je glisse ma clé puis patiente pour qu'elle se connecte. Une notification apparaît sur le bas de son écran. Je ne devrais pas regarder, ce ne sont pas mes oignons. Je lis malgré moi une phrase de ce correspond inconnu.
De LarmesAutomnale
20 Mars - 09h15
Je m'étais promis de rester éveiller jusque minuit pour te souhaiter un bon anniversaire, mais la fatigue m'a rattrapé. Tu ne peux pas savoir à quel point c'est bon de ne plus être seul et avoir une soeur. Merci infiniment Sam pour tout ce que tu fais pour moi.
Joyeux anniversaire.
- Charlie
Les mots flottent devant moi tandis que mon coeur menace d'exploser à tout moment. Est-ce une mauvaise blague ? Je me lève précipitamment afin de mettre de la distance entre l'ordinateur et moi. Sam a-t-elle vraiment trahi ma confiance en parlant avec ce garçon ? Charlie, ce demi-frère que je ne souhaite pas connaître. Il ne provoque que colère et indignation.
Je prends une grande inspiration puis clique sur la fenêtre de conversation pour lire le contenu de cette discussion. Depuis quand lui parle-t-elle ? Pourquoi me le cacher ? J'arrive à remonter jusqu'au premier message datant du mois de janvier.
De JolieCoeur
02 Janvier - 23h30
Bonsoir Charlie,
Je suis désolée de t'envoyer un message à une heure aussi tardive, mais il m'était impossible de ne pas te contacter après la lecture de ta lettre. Nous nous connaissons absolument à cause des choix de nos parents, mais je suis touchée par tes mots. La solitude est une chose peu supportable et je suis navrée que tu aies ressenti un tel sentiment.
J'aimerais vraiment apprendre à te connaître, je suis certaine que tu apporteras beaucoup de joie.
Comment a-t-elle pu me regarder droit dans les yeux pendant tout ce temps ? Je n'ai pas lu cette stupide lettre et ça me donne encore moins envie de le faire. Je poursuis ma lecture afin de mieux les cerner. Ils parlent principalement de la vie quotidienne, de la solitude éprouvée et de choses que Sam n'avait jamais évoqué avec moi. Ce sont des pensées très personnelles qu'elle a préféré partager avec un inconnu plutôt qu'avec moi.
De LarmesAutomnale
10 Février - 08h10
Tu n'es pas responsable du comportement de ce connard ! Il profite simplement des filles en les manipulant ce qui fait de toi une victime. La vie est pleine de surprises, ne laisse pas ton passé refaire surface. Tu es forte ne l'oublie jamais.
De JolieCoeur
12 Février - 20h02
Quand je regarde Maxine, je me rappelle à quel point j'ai été horrible avec elle. Je n'avais pas le droit de la traiter ainsi uniquement parce que je souffrais. Je sais qu'elle m'a pardonné, mais arriverais-je à me pardonner à moi-même ?
Je n'arrive pas à lui parler de tout ça, c'est trop dur alors je me contente de profiter de nos moments ensemble pour ne pas laisser nos cicatrices respectives refaire surface.
La porte d'entrée claque brusquement annonçant le retour de papa et Sam. Je m'empresse de transférer mon travail puis fermer la conversation ainsi que l'ordinateur afin de donner l'illusion que je ne suis pas entrée.
— Max ? Tu es prête ?
— Deux minutes !
Je me précipite dans ma chambre lorsque mon regard se pose sur l'enveloppe argentée. Elle est toujours à la même place : sur la commode. La main tremblante, je la saisis en fronçant les sourcils. Qu'est-ce qui a donné envie à Sam de discuter avec notre demi-frère ?
Les larmes coulent le long de mes joues tandis que je tente d'ouvrir l'enveloppe. Il suffirait simplement d'arracher cette lettre pour rompre le lien entre Charlie et moi. J'étais certaine que cette lettre avait été rédigé par ma mère, mais je me trompais.
— Est-ce que tout va bien ?
La lettre serrée entre mes doigts, je me retourne pour faire face à Sam. Rayonnante de joie, il ne lui faut que quelques secondes pour remarquer ma mine sombre.
— Max ?
— Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Elle cligne les yeux à plusieurs reprises, stupéfaite.
— Je suis au courant de tes discussions avec Charlie. Je ne voulais pas fouiller dans ta vie privée, mais j'utilisais ton ordinateur pour mon travail.
— Laisse-moi t'expliquer...
— Ce garçon ne doit pas être dans notre vie, il ne représente absolument rien. Tu es libre de tes choix, mais je refuse que tu me mêles à toutes ces histoires.
Sam soupire.
— Je comptais t'en parler, mais...
— Ne te fatigue pas, c'est ton anniversaire alors je ne veux pas m'énerver aujourd'hui. Je le répète, tu fais ce que tu veux, mais ne parle plus jamais de moi.
31.01.2024
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