37. Autour d'un café
Ava tient la perruque turquoise dans la main en attendant une réaction de ma part. J'avale ma salive de travers, incapable de formuler une réponse cohérente. Je n'ai aucune explication à donner au sujet de ma présence dans ce café. Nous nous sommes rapprochées et notre relation est devenue amicale, mais je crains d'avoir tout détruit. Elle soupire en s'installant devant moi.
― Qu'est-ce que tu attends pour me hurler dessus ? Je suis trop curieuse, j'en suis désolée.
― Est-ce que crier changerait la situation ? Non absolument pas alors je vais plutôt commander une boisson chaude et te raconter toute l'histoire avant que tu ne continues de me suivre comme une psychopathe.
Mes joues s'empourprent à cause de la honte. Je ne veux pas que Ava me raconte son histoire personnelle uniquement parce que j'ai découvert une partie de son secret. Elle a une relation spéciale avec notre professeur, je ne le cautionne pas cependant je n'ai pas mon opinion à donner. Chacun mène sa propre vie et personne ne devrait s'en mêler.
― Non c'est ma faute. Je ne savais pas ce que je faisais, tu es libre de tes choix et qui suis-je pour venir te déranger ? Oublie ma présence, je ne raconterai à personne ce que j'ai entendu ou vu, tu peux être rassurée. Ta relation secrète le restera, je promets de ne rien répéter.
― Ma relation secrète ?
Ava éclate de rire en se tenant le ventre. Confuse, je passe une main dans mes cheveux en essayant de comprendre ce qui est si drôle, sans succès. Quelques regards sont tournés dans notre direction, mais cela ne semble pas déranger la brunette. Elle s'interrompt en posant sa main sur sa bouche, son fou-rire est interminable.
― Merci pour cette bonne dose de rire parce que c'était hilarant !
― Je ne suis pas certaine de comprendre.
Le serveur interrompt notre conversation pour déposer ma commande. Ava fronce les sourcils en voyant le café bouillant dans la tasse. Je ne supporte même pas l'odeur de ce truc, un beau gaspillage !
― J'ai commandé un truc au hasard, mais je déteste le café chaud.
― Moi j'adore.
Elle saisit délicatement la tasse pour boire cette abomination. Je croise les bras en attendant une explication sur son rire. Elle boit une gorgée avant de déposer la tasse sur la table, j'observe chacun de ses mouvements avec crainte et excitation. Pourquoi suis-je devenue trop curieuse ?
― Cet homme n'est pas mon amant, mais mon père.
― Attend... TON PÈRE ?
J'ai presque hurlé ces derniers mots, ce qui agace la clientèle. Ava hoche la tête en buvant une nouvelle gorgée. Monsieur Hayes est son père, mais c'est impossible. Elle ne porte pas ce nom de famille du moins à ma connaissance. Est-ce que toute sa vie est un mensonge ? Ava guette mes réactions avec amusement.
― Tu es la cousine de Nathaniel et Julia...
― Malheureusement oui. Nous ne sommes pas très proches, ce qui explique pourquoi je ne m'approche pas de la grande perche. Elle a un accord avec l'ensemble de la famille, ce qui explique la raison pour laquelle elle n'a pas révélé notre lien familial.
Je suis profondément choquée de cette révélation. Ava avait évoqué ces problèmes familiaux, mais jamais en profondeur. Je me sens affreusement coupable d'avoir découvert ce secret d'une manière aussi peu subtile. La jolie brune guette mes réactions avec un petit sourire.
— Monsieur Andrew Hayes est mon salopard de père et professeur de littérature. Je ne te demande pas de le détester parce que chacun est libre d'avoir son opinion.
— Je suis sincèrement désolée, Ava.
— C'est pas grave, tu l'aurais découvert.
Elle boit une nouvelle gorgée de sa boisson. J'assemble les éléments dans mon esprit pour comprendre les éléments découverts ces derniers mois.
— J'ai vécu à New York pendant les premières années de ma vie avant de déménager à Paris pour accéder au meilleur enseignement possible. J'étais passionnée par le patinage artistique et mon père a vu une espèce de talent chez moi. On a également vécu au Canada pendant trois ans, mais la France nous manquait.
— Tu es une patineuse ?
Ava hoche la tête.
— Professionnelle. J'ai participé à des compétitions et remporté quelques prix. Honnêtement ça me manque, mais j'ai des raisons de ne plus mettre de patins.
— Ouah c'est super impressionnant ! Je ne comprends pas ce que tu fais dans une petite ville comme Dunwood en tant que sportive professionnelle.
Elle soupire en contemplant le liquide brun dans la tasse. Je ne veux pas me montrer trop curieuse, mais c'est plus fort que moi.
— J'avais un excellent entraîneur qui n'avait pas une once de méchanceté en lui. Charles connaissait mes habitudes sur la glace et m'encourageait à composer mes propres chorégraphies et sortir de ma zone de confort. Les perruques que je porte quotidiennement sont une trace de la patineuse que j'ai laissé.
Une certaine douleur brille dans son regard, mais elle adopte un ton léger pour raconter le reste de cette histoire.
— Charles souhaitait le meilleur pour moi alors je n'ai jamais remarqué le rapprochement entre mon père et lui. J'avais des entraînements quotidiens pour perfectionner mes mouvements. Un matin, je suis arrivée plus tard parce que j'avais un rendez-vous important et je suis tombée sur les deux hommes en qui j'avais le plus confiance en train de s'embrasser dans la réserve.
— Mais c'est horrible.
— Je ne comprenais pas la raison pour laquelle mon père trompait ma mère. Ils étaient heureux et formaient un couple solide. Mon père m'a supplié de ne pas le raconter parce que je détruirais notre famille. Je ne l'ai pas écouté, quelques heures plus tard ma mère avait réservé des billets d'avion pour nous trois. On a planté mon père pour aller à Dunwood.
Je comprends mieux la raison pour laquelle elle comprenait ma situation familiale. Elle a fait face à la tromperie de son paternel et celle de son entraîneur. Je la trouve incroyablement forte.
— Nous nous sommes installés à Dunwood parce que ma tante habite ici. Tu dois certainement connaître Nora ? Même si elle n'est plus mariée à mon oncle, je la considère toujours comme ma tante. Elle est la seule à nous avoir apporté son aide.
— Nora est une femme exceptionnelle.
Ava hoche la tête.
— Mon père s'est installé à Dunwood pour convaincre ma mère de retourner auprès de lui. Il souhaite que nous redevenions une famille normale. Mais la dernière chose que je souhaite c'est retourner auprès de lui.
— Sa place de professeur lui permet de communiquer avec vous sans éveiller les soupçons. Mais il y a une chose que je ne comprends pas.
— Laquelle ?
— Ton nom de famille.
― Harper est le nom de jeune fille de ma mère. Julian et moi avons décidé de faire les démarches nécessaires pour utiliser celui-ci à la place de Hayes. Légalement, nous avons deux noms de familles, mais il est rare que j'utilise celui de mon père. Je veux couper tout contact avec mon géniteur, c'est une sombre merde.
La situation des jumeaux est bien plus complexe que je ne l'aurais cru. Elle accorde sa confiance à peu de personnes par crainte de souffrir une nouvelle fois. Je me sens comme une imbécile de ne pas lui avoir laisser l'occasion de tout me révéler.
― Est-ce que ta mission d'espionnage est terminée ?
― Je m'inquiétais pour toi.
― Je suis suffisamment grande pour prendre soin de moi, mais je te remercie pour ton intérêt. J'ai une faveur à te demander, ne parle pas de cette rencontre à personne. Je n'ai aucune envie que le bahut soit au courant que Julia et moi sommes cousines.
― C'est promis.
Elle enfile de nouveau son manteau et semble sur le point de payer ma commande, mais je secoue la tête. Hors de question qu'elle paie pour un truc que j'ai moi-même commandé. C'était idiot de ma part de ne pas choisir un chocolat chaud, mais au moins la boisson n'est pas gâchée.
― Je suis peut-être fauchée, mais j'ai de quoi payer.
― Non c'est moi qui offre.
Elle semble sur le point d'ajouter quelque chose lorsque la sonnerie de son portable retentit. Ava soupire une nouvelle fois avant de se tourner vers moi.
― Il faut que j'y aille, j'ai du travail qui m'attends à la maison.
― Je m'excuse une nouvelle fois pour tout ce qui s'est passé.
La brunette sourit.
― Je t'aime bien, Price. Tu as un grand nombre de défauts, mais tu es une bonne personne un poil maladroite et c'est justement ce qui fait ton charme. Désolée, je ne peux pas m'attarder, mais je suis toujours disponible pour parler.
Ava ne se donne pas la peine de remettre la perruque à cause de la pluie. Elle quitte le café d'une démarche confiante. Je reste quelques minutes supplémentaires, mon portable à la main.
Cela fait des semaines que j'ignore les messages de ma mère, mais il est peut-être temps que je me montre plus adulte. Si je ne veux plus la revoir, il faut que je la regarde droit dans les yeux pour lui dire. La fuite n'est pas une solution et je ne veux plus être lâche.
Hello ! Comment allez-vous ?
Après une bonne semaine de repos, on se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre. On se rapproche peu à peu de la fin de ce second tome, mais promis il reste un grand nombre de surprises.
Petite question ! Que pensez-vous du personnage de Ava ? J'envisage d'écrire une petite nouvelle centrée sur elle et son ancienne vie. Ça vous intéresserait ?
05.08.2023
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