30. Sombre passé
Je déteste le mensonge. Mais comme tout être humain, il m'arrive de mentir pour me préserver des mauvais commentaires. Alex est peut-être mon meilleur ami, mais il ne comprendrait pas mon envie de m'allier temporairement à Julia Hayes. C'est la raison pour laquelle je me retrouve dans un bus bondé de monde sans la moindre place disponible. Je me tiens difficilement à la barre en évitant d'écraser le pied de la personne derrière moi.
La seule et unique fois où je suis allée dans la grande demeure Hayes, c'était lorsque Sam avait fait le mur pour se rendre à la soirée organisée par Julia. Je ne me souvenais absolument pas de l'adresse, Dunwood est plus vaste qu'on ne le pense. Je me rapproche du bouton pour appuyer et descendre au prochain arrêt. La musique diffusée dans mes écouteurs m'aide à ne pas entendre le brouhaha. Le véhicule s'immobilise à l'arrêt, je m'empresse de descendre avec soulagement. Les transports en communs sont bien pratiques, mais pas quand il y a un monde fou.
Je lance mon application pour partir à la recherche de la demeure Hayes. Julia m'a envoyé le message au milieu de mon cours de littérature, heureusement que mon portable est toujours en silencieux. Cette rencontre me donne des sueurs froides, je ne sais pas à quoi m'attendre venant de cette peste. Va-t-elle profiter de cette occasion pour me faire payer son spectacle détourné ? C'est une perspective que je n'avais pas imaginé. La boule de mon estomac s'accentue de plus en plus. Je devrais faire demi-tour avant de me faire ridiculiser par la reine des garces.
En seulement quelques minutes, je me retrouve face à la propriété de Julia. Je n'avais pas remarqué à quel point celle-ci était impressionnante. Il y a des grandes vitres absolument partout ainsi qu'un grand bassin dans lequel il serait facile de se baigner même si je doute que cela soit son utilité. Ma colère envers James Hayes se renforce en me remémorant le petit appartement dans lequel vit actuellement Nora. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage avant d'appuyer sur la sonnette du portail. Le chemin menant au Diable lui-même s'ouvre sous mes yeux, ce qui renforce ma crainte.
Ma démarche est tremblante, je ne peux m'empêcher de regarder derrière moi avec l'idée de courir le plus vite possible pour échapper à cette conversation. Julia apparaît sur le seuil de la porte d'entrée avec un sourire.
― Je me demandais si tu n'avais pas changé d'avis.
― Il n'est pas trop tard... avoué-je.
Elle ouvre un peu plus la porte pour me laisser entrer. Mon envie de vomir reprend le dessus, mais je ne me laisse pas abattre. Julia n'est pas ma plus grande ennemie aujourd'hui, elle est devenue une alliée même si cette perspective me donne envie de vomir. Le salon est bien plus grand que ma maison entière ! Je me souviens bien des canapés en cuir blanc, c'est de très mauvais goût si vous voulez mon avis.
La blonde me propose de m'installer dans le salon avec une certaine politesse. Depuis notre première rencontre, elle ne cesse de me faire des remarques et pourtant nous nous retrouvons l'une en face de l'autre à remuer des vieilles histoires du passé.
― Est-ce que tu veux boire quelque chose ? demande-t-elle.
― Un simple verre d'eau, s'il te plaît.
Elle hoche la tête puis disparaît dans une autre pièce. Je me retrouve seule dans cette impressionnante maison. Cela ressemble davantage à un catalogue, c'est froid et sans la moindre personnalité. Je frotte mes mains moites sur mon jean tout en reprenant mon calme. Il ne faut pas que je baisse les armes devant cette fille.
Julia ne tarde pas à revenir avec un verre d'eau glacé ainsi qu'une assiette de biscuits. Elle s'installe dans un fauteuil non loin de moi. Un lourd silence s'installe tandis que je sirote mon eau sans oser toucher aux biscuits.
― Tu peux te détendre, je ne vais pas te manger.
― Difficile à croire de la fille qui adore me faire des remarques sympathiques.
Elle sourit.
― Nous nous ressemblons bien plus que tu ne le crois, Maxine. Je voyais toujours le bon dans chaque personne même les plus abominables et je fermais les yeux sur des situations qui m'ont détruite l'une après l'autre. C'est la raison pour laquelle je préfère écraser les autres avant d'entendre la moindre chose sur moi.
― On se connaissait à peine lorsque tu as commencé à m'insulter pour t'amuser et faire rire la galerie. Ne reproduit pas les mêmes erreurs que les personnes qui t'ont fait souffrir parce que tu vaux mieux que ça.
Elle fronce les sourcils puis repousse ses cheveux blonds derrière son épaule. Je peux comprendre le besoin de prendre sa revanche, mais ce n'est pas la meilleure façon de procéder. Ce n'est pas une garce impitoyable, je suis capable de voir derrière son regard qu'une autre Julia est cachée.
― Peu importe ce que tu penses de moi, je ne veux pas entendre tes conseils.
― Tu as raison, ma présence est pour autre chose alors ne perdons pas de temps.
La blonde ne prend pas la peine de cacher son impatience de terminer notre conversation. Elle accepte ma présence uniquement parce que son frère lui a demandé, nous nous détestons mutuellement et malheureusement je doute que les choses évoluent un jour. Je lui fais un signe de tête pour qu'elle puisse commencer.
― Carla Cohen était ma première véritable amie, nous nous sommes rencontrées à l'école primaire. Je n'étais pas très sociable et j'avais beaucoup de mal à me rapprocher des autres par crainte qu'on me repousse. Mon frère n'avait pas ce problème, il était bien entouré la plupart du temps.
Elle marque une pause.
― Nous étions inséparables, elle venait souvent à la maison et nous passions des soirées à jouer. Je me souviendrais toujours de notre première nuit à la belle étoile, ma mère avait acheté une grande tente pour que nous dormions ensemble ainsi qu'un grand nombre de cochonneries. Je ne peux pas exprimer à quel point Carla était fantastique, nous avions des goûts similaires et c'était facile de discuter avec elle.
― Qu'est-ce qui s'est passé ?
― Clara ne supportait pas que nous ne soyons pas amies toutes les deux. Elle éprouvait une certaine jalousie et faisait souvent des crises pour se joindre à nos petites sorties, mais cela ne me dérangeait pas. Elle avait beau être différente de Carla, j'appréciais sa bonne humeur et son style vestimentaire.
Je remarque les mains tremblantes de Julia. J'ai conscience à quel point il est difficile de se remémorer de vieux souvenirs surtout avec des personnes qui nous ont causé beaucoup de douleur. Elle soupire une nouvelle fois en fermant les yeux une brève seconde.
― Je n'avais pas conscience que Carla devenait de
plus en plus distante. Elle proposait souvent des sorties rien que toutes les deux, mais je refusais toujours parce que l'absence de Clara était intolérable. J'étais idiote de courir après cette pétasse, mais j'étais aveuglée.
― Clara prenait la place de sa propre sœur...
― Un détail que j'ai remarqué bien trop tard.
Je présume que Clara souhaite faire la même chose avec moi, mais pour quelle raison ? Pourquoi être jalouse alors que je ne possède rien d'autre que la gentillesse ? Je ne suis pas parfaite et j'enchaîne souvent les gaffes.
― Lors de notre première année de lycée, j'ai remarqué un certain changement dans le comportement de Carla. Elle était bien sombre et avait beaucoup de mépris à mon égard pour une raison inconnue. Alors j'ai commencé à la détester parce que je ne comprenais pas la raison pour laquelle j'avais le droit à tant de haine. Nous nous étions éloignées, mais je n'avais jamais été méchante envers elle.
― Carla croyait certainement que tu avais choisi sa sœur à sa place.
Elle hoche la tête.
― Clara souhaitait devenir une fille populaire comme dans les films. Elle était gentille avec tout le monde même si ce n'était que de la comédie parce qu'elle balançait des horreurs dans leurs dos quelques secondes plus tard.
― C'est abominable.
― Je commençais à apprécier notre popularité naissante et je prenais confiance en moi. Je me comportais comme elle en faisant de faux compliments et en discutant avec les plus ennuyeux de l'école. La gentillesse est une arme redoutable, Price. Elle est capable de te charmer et c'est exactement ce qui s'est passé avec moi.
J'entends des bruits provenant de l'étage, mais mon attention est uniquement tournée vers Julia. Cette histoire est un poil plus complexe que je ne le croyais. Clara est une véritable manipulatrice, mais personne ne semble l'avoir remarqué en dehors de Julia.
― Clara était tellement obsédée par la popularité qu'elle s'arrangeait pour former des couples. Par sa faute, je me suis retrouvée dans une relation toxique avec ce connard de Jason Steele. Il me traitait comme de la merde, mais je suis arrivée à me détacher de lui et le quitter pour ne pas sombrer. Je souhaitais le dénoncer pour son comportement, il avait essayé de me toucher la poitrine sans mon consentement, regardait les filles se changer et se branlait dans des lieux publics... Bien entendu Clara s'est empressée de me souffler que c'était une mauvaise idée parce que Jason était populaire et on perdrait tout.
― Elle...
― J'ai commencé à mieux comprendre Clara et son fonctionnement. Nous n'avions jamais été de véritables amies, elle était simplement heureuse que je ne sois plus amie avec Carla. Elle tentait de me manipuler pour me remettre avec Jason, mais c'était hors de question. J'ai ouvert les yeux sur sa véritable personnalité alors j'ai décidé de lui mettre des bâtons dans les roues.
Je savais que Jason était un connard absolu, mais j'ignorais à quel point il était tordu. Julia observe mes réactions avec un certain amusement.
― J'ai commencé à rassembler un groupe de filles pour former mon propre groupe. Cela m'a demandé pas mal de temps et ma popularité montait de plus en plus. Clara ne supportait pas cette situation, elle a tenté de lancer les pires rumeurs à mon sujet pour me détruire. Mais j'avais appris à devenir plus forte et surtout à ne plus jamais faire confiance.
Elle s'interrompt lorsqu'une silhouette descend les escaliers à toute vitesse. Il me faut une brève minute pour reconnaître James Hayes. Il porte un jean sombre avec une chemise blanche dont les manches sont remontées révélant une montre à son poignet. Ses cheveux bruns sont impeccablement coiffés et lui donnent un air plus dur.
― Je ne savais pas que tu avais invité une amie à la maison, ma chérie.
― Ce n'est pas une amie, papa.
Monsieur Hayes ne tarde pas à nous rejoindre dans le salon avec un sourire éclatant. Je ne me sens pas bien dans cette maison. Il faut que je m'éloigne des Hayes avant de tomber dans les pommes.
― Je te reconnais, tu es la copine de Nathaniel ?
― Nous... sommes amis.
― Je me souviens bien de toi, la petite grosse qui
était au repas organisé par Nora auquel nous n'avions même pas été convié. Je suis surpris que ma fille t'invite dans notre maison, elle n'avait jamais évoqué une nouvelle amitié.
Julia grommelle des mots incompréhensibles.
― Peu importe ! Je vais demander à Jeanne d'ajouter une assiette pour notre invité.
― Je ne suis pas certaine que Max souhaite dîner avec nous, papa.
― C'est l'occasion idéale pour discuter, n'est-ce pas mademoiselle ?
J'avale ma salive de travers en croisant le regard de monsieur Hayes. Je hoche la tête malgré moi en me demandant dans quel pétrin je me suis encore fourrée.
10.06.2023
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