21. Un peu de monnaie s'il vous plaît
Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, je me balade sur les réseaux sociaux en attendant mon tour. Cela fait un mois que je viens chaque mercredi pour mon rendez-vous hebdomadaire avec mon psychologue. Papa a accepté de me trouver un spécialiste pour m'aider à surmonter cette épreuve et aller mieux. Je ne peux pas encore dire que je vais totalement mieux, mais il y a du progrès.
L'installation du club est presque terminée, il ne reste que quelques procédures avant d'ouvrir ses portes. Je n'ai pas évoqué ma jalousie auprès de mes amis par crainte qu'ils considèrent ma réaction comme idiote. Clara m'apporte son aide parce que je ne vais pas bien, c'est idiot de considérer qu'elle vole le club. De plus, il appartient à tout le monde dans un certain sens. Je suis peut-être la présidente, mais chacun donne son avis afin de l'améliorer le plus possible.
― Maxine ?
La voix de mon psychologue parvient à faire un chemin jusque mes oreilles. Je retire mes écouteurs, coupe la musique puis me lève en serrant ma veste contre moi. Je pénètre dans le cabinet en prenant place sur la chaise confortable. Le cabinet est en lui-même très moderne avec des couleurs chaleureuses et des tableaux encourageants. Le docteur Davis a une quarantaine d'années tout au plus avec un début de calvitie.
Il dépose mon dossier afin de le consulter comme toujours avant de commencer la séance. Je tapote nerveusement du pied, un comportement reflétant mes émotions du jour. J'ai eu une brève confrontation avec Julia Hayes aujourd'hui, elle a le don de me mettre hors de moi.
― Comment vas-tu aujourd'hui ?
― Une journée longue et éprouvante.
Inutile de mentir à un professionnel, il le devinera facilement.
― Qu'est-ce qui s'est passé pour que tu la considères ainsi ?
― La soeur de mon ex petit ami s'est encore attaquée à moi pour le plaisir.
Il note rapidement ces informations sur la feuille blanche immaculée. Je me demande s'il prend plaisir à écouter chaque patient ou s'il fait la comédie. Mon psychologue lève de nouveau les yeux vers moi en attendant que je développe.
― Julia me déteste depuis mon entrée au lycée pour une raison qui m'échappe. Au début, je croyais que c'était à cause de mon poids ou de ma relation avec son frère, mais aujourd'hui je ne suis plus certaine de rien.
― Peu importe les raisons qui poussent cette demoiselle à t'insulter, ce n'est pas un comportement de gentille lycéenne. J'espère que tu as conscience que tu n'es pas en tort dans cette histoire, Maxine.
― Oui bien sûr ! Je n'hésite pas à l'envoyer balader lorsqu'il le faut, mais ça me fait de la peine.
Il semble surpris par ma réponse.
― J'ai le sentiment que Julia n'est pas une mauvaise personne, mais que c'est une espèce de masque pour se préserver du monde extérieur. Je ne la connais pas bien, mais j'ai remarqué qu'elle n'a pas la moindre véritable amie.
― Tu as beaucoup d'empathie même pour les personnes qui te font du mal.
― Ne faut-il pas accorder une chance à tout le monde ?
J'ignore la raison pour laquelle j'éprouve de la compassion pour cette fille au comportement glacial, mais au fond de moi je suis certaine qu'elle n'est pas cette garce impitoyable. Mes pensées dérivent vers Ava, la fille qui n'a pas hésité une seconde à me tendre la main lorsque j'étais au plus bas et qui pourtant se montre toujours aussi inaccessible.
― La semaine dernière, tu as évoqué tes notes en hausse. Est-ce toujours le cas ?
― Oui, j'accorde un peu plus d'importance à mes cours.
― Ce n'était pas le cas l'année dernière ?
Je me souviens que l'année dernière, j'avais beaucoup de mal à rester concentrée sur mes cours. La plupart de mes pensées déviaient constamment sur Nathaniel, le club et ma crainte de ne pas trouver ma place au lycée.
― J'arrivais facilement à me laisser distraire.
― Est-ce que tu connais la raison d'un tel changement ?
― Nathaniel est parti pour Londres, le retour de ma mère dans ma vie. Je ne parle des nombreux secrets de famille que j'ai découvert ces dernières semaines, ce qui continue de m'épuiser.
Je n'arrive toujours pas à admettre que la relation parfaite entre papa et maman n'existait pas réellement. Ce n'était qu'une comédie pour camoufler leurs cicatrices respectives et nous préserver. Malheureusement, tout est éphémère alors quand son fils s'est retrouvé sans aucune famille pour s'occuper de lui, elle a préféré prendre la fuite et tout abandonner.
― Je m'occupe l'esprit pour ne pas craquer, les cours m'apporte cette liberté.
― Est-ce que tu as repris contact avec ta mère après cette discussion ?
― Certainement pas !
Le ton de ma voix a augmenté malgré moi.
― Elle est repartie auprès de son fils et c'est mieux comme ça.
― Qu'est-ce que tu ressens face à ce nouveau départ ?
― Du soulagement ? Je ne supportais pas de la savoir dans les parages à attendre le bon moment pour détruire notre famille, j'aime ma belle-mère de tout mon coeur et j'avais la crainte qu'elle ne vienne tout détruire.
Le docteur Davis continue d'écrire rapidement en continuant de me poser des questions. Lors de nos premières séances, je ne comprenais pas l'intérêt de parler avec un inconnu si celui-ci se contentait de poser des questions. J'ai néanmoins compris que mon psychologue n'était pas présent pour juger, mais écouter. Il pose des questions pour mieux me cerner et comprendre ce qui tourne dans ma tête.
― J'ai un exercice à te proposer pour la semaine prochaine. J'ai cru comprendre que tu appréciais beaucoup l'écriture alors j'aimerais que tu rédiges une lettre pour ta mère. Tout ce que tu aimerais lui dire, couche les mots sur le papier. Tu n'as aucune obligation de l'envoyer ou de me la faire lire.
― D'accord.
La séance s'achève quinze minutes plus tard dans la bonne humeur. Je lui serre tout de même la main avant de sortir du cabinet pour me rendre à mon arrêt de bus. Je glisse de nouveau les écouteurs dans mes oreilles en relevant la capuche de mon pull. Il faut croire que le beau temps est définitivement derrière nous pour le moment. J'envoie un rapide message à mon père pour le prévenir que je fais un détour avant de rentrer.
J'ai envie d'un paquet de bonbons alors je ne vais certainement pas me priver. Mon bus ne passera pas avant quinze minutes, ce qui me laisse tout le temps nécessaire pour choisir. J'entre dans le supermarché avec un petit sourire. Je me dirige de moi-même vers le rayon sucreries. J'opte pour les plus piquants que je connaisse en me promettant de le partager avec Sam même si notre relation est encore tendue. Elle essaie de faire le premier pas vers moi cependant je ne suis pas encore prête pour lui pardonner.
Je m'arrête devant la caisse pour payer mes articles lorsque je m'immobilise en reconnaissant les deux silhouettes à la caisse voisine. Ils ne semblent pas avoir remarqué ma présence. Julian gratte nerveusement sa nuque tandis que Ava fouille dans son porte-monnaies.
― Il manque deux dollars, mademoiselle.
― Une minute, j'ai encore de la monnaie j'en suis certaine !
Mon regard rencontre finalement celui de mon voisin qui baisse immédiatement les yeux. Je suis ramenée sur terre lorsque vient mon tour. Je paie mes paquets de bonbons puis m'apprête à sortir lorsque j'entends l'hôtesse de caisse insister une nouvelle fois pour l'argent manquant. Ava est paniquée, elle étale les affaires de son sac sous les yeux agacés des autres clients.
― On a pas toute la journée ! braille un homme.
― Putain, mais arrêtez !
Je n'hésite pas une seconde à déposer un billet afin de les aider. Les jumeaux écarquillent leurs yeux en voyant mon geste. Quand une personne est en difficulté, il faut toujours lui tendre la main. Nous quittons le supermarché dans un silence inconfortable, ils semblent embarrassés par ce qui vient de se produire.
― On te remboursera, déclare Ava.
― Pas besoin, ça me fait plaisir.
― Pourquoi as-tu fait ça ?
Je hausse les épaules.
― Et pourquoi pas ?
Notre conversation est interrompue par l'arrivée du bus. Je m'installe à la première place disponible en souriant. Ce n'est peut-être pas grand chose, mais je suis heureuse d'avoir tendu la main aux jumeaux. Nous nous connaissons pas encore suffisamment pour que je les considère comme des amis cependant je suis certaine que je peux percer la coquille d'Ava. Les jumeaux s'installent un peu plus loin en chuchotant entre eux. Le monde n'est pas complètement pourri, je vais tout faire pour qu'il le soit de moins en moins.
08.04.2023
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