20. La meilleure des amies
La maison de ma meilleure amie m'a toujours apporté douceur et un sentiment réconfortant. Je me souviens lorsque mon père prenait le temps de m'emmener passer une après-midi avec Emy. Ce sont les meilleurs souvenirs de mon enfance que je garde en mémoire. Il n'existe aucun lieu qui fait revivre ces émotions avec une telle intensité - si je fais exception du Lovely Coffee - et c'est précisément ce dont j'avais besoin.
― C'est toujours agréable d'avoir un peu de vie humaine en ces temps difficiles. Est-ce que tu veux un autre cookie ou un verre de lait ? demande Joyce d'une voix douce.
― Maman, on a plus cinq ans.
Emy croise les bras sur sa poitrine en lançant un regard implorant à celle-ci. Joyce accepte de nous laisser en rappelant à sa fille de lui envoyer un message si elle a besoin d'aide. Nous nous retrouvons toutes les deux, un silence gênant s'installe cependant ma meilleure amie s'empresse de le rompre.
― Je me demandais quand tu viendrais me rendre visite après cette fuite. Pas la peine de nier, Alex m'a appelé pour me mettre au courant. Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est à cause de la présence de ta mère ?
― Pour être franche avec toi, je croyais être suffisamment forte pour entendre la vérité. Je n'ai pas anticipé une telle possibilité alors j'ai laissé mes émotions prendre le contrôle. Ma mère est la plus belle garce de cette planète.
Emy baisse les yeux en caressant la surface douce de la couverture pliée. Elle semble en meilleure forme même si son traitement continue de l'épuiser. Je me sens coupable de lui parler de mes propres problèmes alors que les siens sont bien plus graves. La brune remarque mon trouble et attrape ma main pour la serrer dans la sienne.
― Il est vrai que tu n'aurais pas dû prendre la fuite et inquiéter toutes les personnes tenant à toi. Je ne sais pas ce qui s'est passé pour que tu effaces ta propre présence pour quelques heures, mais tu n'es pas seule.
― Ma mère menait une espèce de double vie malsaine avec le meilleur ami de mon père. Nous avons un demi-frère que je ne veux même pas rencontrer sous peine de lui refaire son portrait. Je croyais qu'elle était partie pour une bonne raison, mais non. Elle a préféré cette autre famille plutôt que celle qu'elle a construite. Nous n'avions pas d'importance pour cette femme.
― Elle est sûrement la mère la plus détestable que je connaisse cependant elle t'aimait énormément, Max. Je ne comprendrais jamais la raison pour laquelle elle a choisi une famille plutôt que l'autre, mais elle a causé de la douleur dans les deux cas. Je ne te demande pas de lui pardonner cependant tu ne dois pas vivre dans le chagrin pour le reste de ta vie.
Emy a raison, mais je n'arrive pas à me défaire ces images défilant dans mon esprit. J'ai trouvé le compte Facebook de ce Charlie, il ressemble tant à maman que j'ai failli éclater mon ordinateur portable. Il y avait des photos de famille et elle semblait bien plus heureuse que sur celles à la maison. C'est exactement ce que je lui reproche, elle n'est pas restée par amour et uniquement par dépit.
Je soupire longuement afin de reprendre mon calme. Ma présence auprès de ma meilleure amie est justement pour aller mieux. Je débute mon année de Première ce n'est pas pour déprimer dès que les problèmes arrivent !
— Mes émotions tourbillonnent dans mon esprit et je n'arrive pas vraiment à gérer la chose. Beaucoup trouveraient ma réaction ridicule et me hurlerait dessus en disant « Secoue-toi c'est qu'une merde ! » mais je n'arrive pas à dépasser ces découvertes sur ma famille.
— Ne le prend surtout pas mal, mais est-ce que tu as songé de retourner voir ton psychologue ? Cela t'aiderait peut-être de parler à un professionnel et ne pas tout garder pour toi. Je ne veux pas que tu prennes mes mots comme une insulte, bien entendu.
Pendant mes années au collège, j'ai vu une psychologue pendant plus de trois ans afin qu'elle puisse m'aider à surmonter les conséquences du harcèlement moral auquel j'ai eu le droit dans une mauvaise classe. J'ai cessé de la voir l'année dernière parce que je n'en avais plus besoin, mais il semblerait que cela soit de nouveau le cas.
Emy me lance un coussin sur mes genoux en me souriant. Je sais qu'elle ne veut que mon bien, elle est la personne la plus gentille que je connaisse. Je serre le coussin contre moi tout en parlant de ce qui me trotte dans la tête. Le contrôle constant de Clara, les secrets de famille et l'absence de Nathaniel qui pèse énormément sur mon moral. Les choses auraient été différentes s'il avait été présent pour m'épauler.
― Clara souhaite juste t'apporter son aide, mais elle ne vole pas ta place. En cas de doute tu peux éventuellement lui en parler et contester les mauvaises décisions. Je ne doute pas de ta place au sein du club, mais il ne faut pas hésiter à lui tenir tête.
― Je crois que j'avais besoin d'entendre ça.
― Je suis encore coincée dans cette maison pour les prochains mois, mais il est inconcevable que je sois une simple spectatrice. Tu peux toujours compter sur moi même pour les choses les plus ridicules.
Nous nous sourions mutuellement tandis que la conversation dévie sur un autre sujet. Emy évoque avec crainte les prochaines visites à l'hôpital. Les derniers résultats sont rassurants, mais les cellules cancéreuses sont toujours présentes dans son corps. Le traitement est tout de même efficace à mon grand soulagement cependant je remarque bien que mon amie est épuisée. Elle bataille contre elle-même pour ne pas laisser la tristesse de prendre le dessus, une véritable combattante.
Je passe deux bonnes heures en compagnie de mon amie avant de recevoir un message d'Ella m'annonçant qu'elle est sur le chemin pour venir me chercher. Ma famille m'accorde toujours une certaine liberté cependant ils surveillent mon comportement avec la plus grande attention. La mère de mon amie me donne une boîte contenant des muffins afin de ne pas repartir les mains vides en me souhaitant une bonne soirée.
Emy et moi prenons le temps de discuter sur le perron, elle est enveloppée dans une couverture pour ne pas tomber malade. Elle replace correctement le foulard turquoise recouvrant son crâne. La perruque qu'elle possède la gratte énormément et Emy ne veut pas cacher sa maladie. Ce n'est pas une honte de souffrir d'un cancer, elle a apprit à l'accepter.
— Merci d'avoir accepté de me voir en plein milieu de la semaine. Ça m'a fait du bien de parler de tout ça à quelqu'un qui me comprenne.
— Je serais toujours présente pour toi, Max. Il y a des événements du quotidien plus difficile à encaisser alors c'est normal de se tourner vers nos proches.
La voiture de ma belle-mère s'immobilise en face de la maison, mon signal de départ. Je serre ma meilleure amie dans les bras en lui promettant de prendre soin de moi. Je monte dans la voiture, un petit sourire aux lèvres. Mon coeur est bien plus léger. Emy comprend mieux que personne ce que je traverse en ce moment même si elle combat ses propres démons.
Je dépose mon sac de cours a mes pieds, attache ma ceinture puis m'installe confortablement pour rentrer à la maison. Ella serre davantage le volant dans ses mains puis me lance un regard inquiet.
— J'espère ne pas avoir interrompu votre conversation, nous voulions juste que tu ne rentres pas trop tard à la maison à cause de...
— Je comprends votre inquiétude à papa et toi. Ma réaction était bien trop violente, je regrette de ne pas avoir l'intelligence de rentrer et en discuter avec tout le monde.
— Max, tu oublies parfois que tu es une adolescente de seize ans. Les erreurs font parti de la jeunesse et dans ton cas j'ai l'impression que tu te vois comme une jeune adulte et que tu ne profites pas.
Je ne me suis jamais considérée comme une jeune adulte. Bien au contraire, je suis une adolescente comme une autre qui tente de survivre au lycée. Est-ce vraiment l'image que les autres ont de moi ? J'ai à peine la moyenne dans toutes les matières, quand on est mature on a forcément des bons résultats, non ?
— Tu es une jeune fille tellement courageuse, mais il n'y a aucune honte à craquer de temps en temps. Ta fugue n'était pas une erreur, c'est une conséquence de toute la frustration et colère que tu as accumulé ces derniers temps.
— Qu'est-ce que je dois faire ?
Ella sourit.
— Profiter de ton adolescence et ne pas rester dans ton coin. Sam m'a expliqué que tu es brutalement partie au déjeuner.
— J'avais besoin de remettre mes idées en place, mais une personne m'a aidé. Je crois que je dois élargir mon cercle d'amis et...
— Et ?
— Voir un spécialiste.
Ma déclaration ne semble pas la surprendre, elle se contente de hocher la tête. Je ne sais pas si ma demande sera prise au sérieux ou non. Est-ce que je souffre vraiment ? Tout est mélangé dans mon esprit, mais je dois faire confiance à mon amie et suivre mon instinct.
01.04.2023
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