— Est-ce que tu veux prendre une douche en attendant que je lave tes vêtements ? Ma mère piquerait une crise si elle te voyait. Ce n'est pas une serviette qui va sécher ta tenue, mais c'est comme tu veux, déclare Ava.

― C'est inutile, je ne suis même pas à deux minutes de ma maison.

Julian dépose une tasse de chocolat chaud devant moi tout en prenant place sur le fauteuil d'en face. Bien que la maison soit encore en travaux, elle est chaleureuse avec toutes ces couleurs claires. Madame Harper est encore au travail et ne rentrera pas avant une heure, ce qui me laisse le temps de reprendre mes esprits. Je remercie Julian puis enveloppe mes mains autour de la tasse pour me réchauffer.

Ma famille est au courant que je vais bien, c'est le plus important. Je me sens idiote de ne pas avoir été capable de retenir mes émotions. Je dépose mon portable sur la table basse en le voyant s'allumer plusieurs fois. Papa est toujours inquiet, mais j'ai bon espoir que ma soeur le rassure en attendant mon retour. Je ne vais pas m'éterniser dans cette maison, c'est bien aimable aux jumeaux de m'avoir accueilli.

― J'ai entendu parler d'un excellent club qui aiderait les personnes dans le besoin. Est-ce que tu crois que la présidente accepterait de lire ma candidature ?

― Alex n'a pas perdu de temps à trouver de nouveaux membres, dis-je en riant.

― Il ne faut pas lui en vouloir, cette information circule beaucoup dans les couloirs. J'ai même trouvé le spectacle en ligne et il faut reconnaître que le résultat était vraiment super. Je ne sais pas si je ferais un bon membre.

Ava saute dans le canapé à son tour puis allume la télévision. Nous n'avons pas vraiment discuté depuis notre rencontre. Elle est très secrète lorsqu'il y a du monde, mais je comprends ce sentiment. Je remarque néanmoins qu'elle me lance quelques regards curieux en suivant le programme.

― Comment trouvez-vous Dunwood ?

― C'est bien plus petit que Paris, mais bien plus confortable. Déménager en boucle n'est clairement pas un rythme de vie. Ça fait du bien d'avoir une maison et une chambre qu'on peut décorer comme on veut. De plus, le loyer est affreusement cher là-bas.

― Paris ? Vous viviez en France !

Julian hoche la tête en se grattant la tête, l'air gêné.

— Il y avait les meilleurs...

— Je n'entends plus la télé, Julian ! s'énerve Ava.

J'ai le sentiment que l'histoire personnelle de nos nouveaux voisins est bien plus complexe que je le croyais. Ils vivaient auparavant en France pour une raison inconnue avant de faire irruption dans notre bonne vieille ville.

— Est-ce que tu veux manger à la maison ? Ce n'est pas pour me vanter, mais je suis le roi des fourneaux ! Ne laisse surtout pas Ava s'approcher d'une cuisinière au risque que le plat brûle aussitôt.

— Mes pâtes étaient mangeables ! rétorque la concernée.

— On aurait pu avoir une intoxication alimentaire, mais heureusement le sauveur que je suis à rattraper cette préparation pour en faire un délicieux plat !

Ava lève les yeux au ciel.

— Tu oublies que tu es nul en pâtisserie.

— Pas besoin de dessert quand tu as savouré un bon plat !

Les jumeaux se taquinent, ce qui me fait sourire. Ils s'entendent bien même si Ava fait semblant d'être vexée par une remarque de son frère. Je bois une gorgée du chocolat chaud. Je redeviens calme, ce qui est un énorme pas en avant. Une longue conversation m'attends alors il est temps pour moi de prendre mon courage à deux mains et rentrer à la maison.

Je termine ma boisson puis me lève du canapé en tendant la serviette à Ava. Ma famille attend une sérieuse explication sur les derniers événements ce que je comprends.

— Il faut que j'y aille avant que mon père arrache les derniers cheveux sur son crâne. Merci beaucoup pour votre hospitalité et gentillesse, je ne vais pas abuser de votre gentillesse.

— Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à toquer à notre porte. Nous sommes toujours à l'écoute, ajoute Julian.

Les jumeaux me raccompagne à la porte en me souhaitant bonne chance. Je prends la direction de ma maison, les mains tremblantes. Je pousse le portillon puis m'approche du perron. Est-ce que papa sera en colère contre moi ? Acceptera-t-il mon explication ? Je toque à la porte, la boule au ventre avec une horrible envie de vomir les quelques bonbons avalés une heure auparavant.

Mon attente ne dure qu'une seule seconde lorsque la porte s'ouvre sur Ella. Je peux lire du soulagement dans son regard. Elle m'attire contre elle pour me serrer dans ses bras, un geste affectueux qui suffit à me faire pleurer une nouvelle fois. J'ai le sentiment d'être une bombe de tristesse. Les conversations mouvementées cessent à la seconde où je pénètre dans la maison en compagnie de ma belle-mère.

Alex est le premier à se précipiter vers moi et attraper ma joue pour me faire la morale. Je l'écoute d'une oreille attentive, mais le coeur toujours blessé par les révélations de Mary. Mon meilleur ami parle à toute vitesse cependant mon père interrompt notre brève retrouvaille. Il me serre à son tour contre lui en caressant mes cheveux.

― Comment tu te sens ?

― Très mal, avoué-je.

Je remarque la présence de ma soeur dans le salon, les yeux rivés sur son portable. Elle semble dans un état semblable au mien pour une raison qui m'échappe. Papa remarque mon trouble et serre délicatement mon épaule.

― Vous devriez discuter un peu toutes les deux pour éclaircir certaines choses.

― Je le ferais.

Papa remarque mes vêtements trempés et m'ordonne presque de prendre une douche bien chaude et enfiler une tenue plus confortable. Je monte les escaliers d'une démarche lourde, revenir à la maison après les derniers événements semblent la chose la plus normale qui me soit arrivée aujourd'hui. Je songe à ma conversation avec Ava, elle est différente de l'apparence qu'elle se donne. Une famille brisée tout comme la mienne.

J'ouvre mon armoire à la recherche de mon pyjama préféré ; celui avec des pizzas. Un cadeau de ma meilleure amie, Emy adore m'offrir des choses en rapport avec la nourriture pour me taquiner. C'est la raison pour laquelle je possède une petite collection de pyjamas nourriture. Il faudra que je l'appelle après ma douche pour lui donner des nouvelles. Elle doit terriblement s'inquiéter et dans son état ce n'est pas ce dont elle a besoin.

Je m'enferme dans la salle de bains avec mon portable dans la main. Je m'adosse contre la porte avant de m'effondrer une nouvelle fois. Les larmes coulent le long de mes joues, je peux sentir la morve au bout du nez, mais en cet instant ça m'est complètement égale. Ma mère est une menteuse, manipulatrice qui a caché l'existence d'un autre enfant. J'ai un demi-frère que je ne connais pas qui ne connaît sans doute pas notre existence à Sam et moi.

J'ignore combien de temps je reste assise sur le carrelage, mais suffisamment pour qu'Ella vienne toquer afin de me demander si tout va bien. Je me dépêche de prendre ma douche et me laver les cheveux désormais gras à cause de la pluie. Une fois terminée, je descends les escaliers pour rejoindre tout le monde.

― Je suis vraiment désolée de ne pas avoir donné de nouvelles après ma fuite, mais je ne supportais pas de retourner à la maison. J'ai découvert des choses qui m'ont profondément marqué et je n'ai pas eu la bonne réaction. Vous vous êtes inquiétés et je m'en veux beaucoup, c'était idiot.

― Qu'est-ce qui s'est vraiment passé avec Mary ? demande Sam d'une voix tremblante.

― Je n'ai pas supporté d'entendre la vérité.

Papa est bien entendu au courant de toutes ces histoires, j'ai la crainte qu'il en souffre encore. Le fait que notre mère menait une double vie continue de me rendre malade. Je comprends un grand nombre de choses désormais.

— Elle s'est bien moquée de nous pendant toutes ces années, j'ai honte d'avoir pu penser qu'elle était capable d'aimer. Notre mère n'aime personne en dehors d'elle-même !

— Max... commence mon père.

— Comment peux-tu accepter cette histoire ? Vincent était ton meilleur ami pendant des années et tu apprends qu'elle a eu un enfant avec lui avec Sam.

Ma soeur baisse de nouveau la tête avec une expression indéchiffrable. Sa réaction me surprends, je m'attendais à ce qu'elle s'énerve comme je l'ai fait. Cependant, Sam reste calme et montre des signes de nervosité.

― Tu n'es pas surprise, énervée et choquée ? demandé-je.

― J'étais au courant de l'existence de ce demi-frère.

J'écarquille les yeux, incapable de prononcer un mot de plus.

― Depuis quand ?

― Je l'ai découvert l'été dernier en fouillant dans les anciennes affaires de maman dans le grenier. Il y avait un acte de naissance avec le prénom de maman dessus et un certain Vincent, j'ai posé la question à papa.

― Tu étais au courant de toute cette histoire depuis un an ?

Elle hoche la tête.

― C'est la raison pour laquelle je me montre aussi protectrice à ton égard. Mary n'est pas quelqu'un de bien, elle est revenue pour une certaine raison et j'ai peur qu'elle te brise une nouvelle fois. Tu es tellement épanouie aujourd'hui, je refuse de perdre ma petite soeur à cause d'une mauvaise personne.

― J'aurais aimé le découvrir de votre bouche au lieu de cette femme.

Je considère ce silence comme une nouvelle trahison, pourquoi les personnes que j'aime le plus décident-elles de me faire du mal ? Je lance un regard désolé à mon meilleur ami puis décide de m'enfermer dans ma chambre. Ma soeur est au courant de l'existence de notre demi-frère depuis plus d'un an, ce qui me fait sentir incroyablement idiote. Je claque la porte dans mon dos en bloquant le verrou.

J'ai besoin d'être seule pour remettre mes idées en place, mais je refuse d'adresser la parole à mon père ou même ma soeur. Ils considèrent que je suis trop fragile pour encaisser la vérité alors que j'ai affronté bien pire. Je ne suis pas un petit objet cassable, je suis capable de me relever lorsqu'il le faut.

11.03.2023