14. Dilemme malheureux

— Pourquoi tu n'achètes jamais de pop-corn sucré ? C'est un crime de ne pas avoir la meilleure saveur du monde.

Je referme la porte du placard en soupirant. La famille de mon meilleur ami est habitué à ce que je vienne un dimanche sur deux pour notre marathon et généralement la mère de celle-ci me réserve un paquet de pop-corn sucré spécialement pour moi. Il faut croire que Alex grignote la nuit parce que celui du jour a disparu.

— Le crime c'est de ne pas admettre que le salé est meilleur. Tu n'as jamais goûté cette saveur et tu oses remettre en doute mes propos.

— Jamais de la vie je ne toucherai à cette abomination. Il n'y a aucune saveur dans ce que le salé propose. Aucune chance que je mange un de ces trucs.

Je retourne dans le salon des Watters pour lancer le premier film. La semaine dernière, Alex m'a imposé une romance abominable. Je ne suis pas contre l'amour, mais il faut savoir doser. Aujourd'hui, j'ai choisi mon film préféré depuis des années : Le Monde de Charlie. Nous l'avons vu une dizaine de fois, mais je ne peux pas passer une année sans le regarder.

Alex attrape la télécommande pour lancer le film lorsque mon portable sonne brusquement. Je me penche pour le prendre puis fronce les sourcils en voyant le prénom Mary apparaître sur l'écran. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Cela fait des semaines que j'ignore ces messages et appels envahissants. Combien de temps va-t-elle rester en ville ? Il me semble qu'une autre vie l'attend ailleurs, mais honnêtement je m'en fiche.

― Tu devrais peut-être répondre.

― Pour quelle raison ?

Je fixe l'écran de mon portable en fronçant les sourcils.

― Parce que cette femme reste encore ta mère même si tu refuses de l'admettre.

― Elle n'est rien d'autre que ma génitrice.

C'est malheureusement un fait que personne ne peut contester. Une mère est supposée élever ses enfants et pas claquer la porte en abandonnant les personnes qu'elle faisait semblant d'aimer. Je considère davantage Ella comme ma mère que cette parfaite étrangère que je connais à peine.

― Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens parce que ta famille est parfaite ! Ce n'est pas ta faute, mais je doute qu'une personne en dehors de Sam soit capable de comprendre mes émotions actuelles.

― Accorde-lui une simple rencontre pour discuter et éclaircir certaines choses. Tu aides les autres à faire face aux épreuves du quotidien et je pense que ton épreuve à toi c'est de prendre le temps de parler à ta mère.

Alex parvient à me clouer le bec avec une simple phrase. Il a raison au fond, mais je ne veux pas prendre le risque de m'attacher à une femme qui reprendra sa vie comme si de rien n'était. Je ne veux pas souffrir une seconde fois de l'absence d'une mère fantôme. Néanmoins, il est temps que nous ayons une conversation. Je serais peut-être en mesure de clôturer ce chapitre de ma vie pour mieux avancer.

Je joue nerveusement avec ma bague avant de prendre mon courage à deux mains. J'appuie sur le bouton répondre en collant mon portable contre mon oreille. Mon coeur bat la chamade dans ma poitrine en attendant que ma mère prenne la parole.

― Bonjour Maxine, je suis désolée de te déranger un dimanche.

― Qu'est-ce que tu veux ? articulé-je avec difficulté.

― Je suis contrainte de repartir dans deux semaines pour des raisons professionnelles, mais j'aimerais prendre le temps de discuter avec toi. Peux-tu accepter une simple invitation de ma part pour rattraper le temps perdu ?

Alex m'encourage d'un hochement de tête. J'avale ma salive en répondant un rapide oui pour ne pas me dégonfler. Mon meilleur ami s'approche de moi afin de calmer les tremblements secouant mon corps. Dans une autre vie, cette discussion n'aurait jamais eu lieu. Elle m'appellerait pour me demander d'acheter du lait en rentrant à la maison ou de faire attention à l'heure.

― Je suis disponible après les cours, mais pas longtemps parce que j'ai des devoirs.

― Une petite heure suffit amplement, Maxine.

― Je doute que tu parviennes à me raconter les moindres détails de ta vie en une heure, mais je t'accorde une seule et unique chance. Je termine les cours à quinze heures le lundi alors tâche de ne pas me décevoir.

Je raccroche avant qu'elle ne puisse répondre. Je me laisse tomber dans le canapé en laissant échapper un soupir. Dans vingt-quatre heures je serais en compagnie de ma mère ou du moins sur le papier. Peut-on vraiment pardonner un tel comportement ? Je doute que cela soit possible, mais je me dois de comprendre.

Alex frappe dans ses mains avant de me tendre un carré de chocolat à la noix de coco. Il connaît parfaitement mes goûts, peut-être un peu trop. Je n'attends pas qu'un autre événement vienne gâcher notre après-midi pour lancer le film. Confortablement installée dans le canapé, je me plonge dans l'histoire de Charlie avec la sensation de me reconnaître en lui.

♡♡♡

Je rentre à la maison bien avant que le soleil ne se couche afin de ne pas abuser de la patience de papa. Enfermée dans ma chambre, j'écoute de la musique en consultant les dernières publications sur le forum du lycée. Rien d'intéressant en dehors de cette chère Julia qui expose de nouveau le harcèlement scolaire. Ironique dans la mesure où elle est même une harceleuse, un fait que l'administration du lycée devrait s'occuper.

Je reporte mon attention sur le document ouvert devant moi avec un sourire. J'ai réussi à boucler un second chapitre. Angeline me ressemble sur bien des points, mais sa vie est plus compliquée que la mienne. Elle a connu la dépression, la solitude et le fait de ne plus avoir d'amis pour se relever. J'espère que mon texte sera retenu pour le concours même si j'aborde le souvenir d'une façon différente.

Une petite mélodie provenant de Facebook attire mon attention. Je remarque un appel vidéo de Nathaniel, ce qui efface toutes mes craintes au sujet de ma mère. J'appuie sur répondre en replaçant correctement mes cheveux.

― Salut toi !

― Il n'est pas un peu tard pour que tu m'appelles ? demandé-je d'une voix moqueuse.

Le blond éclate de rire.

― Je constate que tu veilles sur mon sommeil, cela me touche beaucoup. Non plus sérieusement, j'arrivais pas à m'endormir et comme il est encore tôt à Dunwood je voulais prendre le temps de t'appeler.

― Tu devrais songer davantage à toi-même.

― Ça c'est mon problème.

Le blond passe une main dans ses cheveux indisciplinés en me regardant droit dans les yeux. J'aimerais tellement lui parler de tout ce qui se passe et avoir son avis sur la question autour d'un chocolat chaud. Je suis peut-être une imbécile de m'attacher autant à lui dans la mesure où il mène sa propre vie.

― Quelque chose ne va pas ?

― Je suis un peu stressée, avoué-je.

― Ne bouge pas, je reviens.

Il s'éclipse de l'appel vidéo me laissant seule avec une belle vue sur sa chambre. Elle est en apparence simple, mais je reconnais les touches de mon ami. Il s'est empressé de coller quelques photos de ses proches ainsi qu'une guirlande au-dessus de son lit. Je suis heureuse qu'il soit bien installé. J'espère avoir la chance de voyager à mon tour le moment venu. En attendant, je continue de me rendre au lycée dans l'espoir de décrocher mon diplôme et aller à l'université même si je ne sais pas ce que je veux faire plus tard.

J'entends des grattements à la porte de ma chambre, ce qui me pousse à quitter ma chaise de bureau. Moon se frotte contre mes jambes avant de sauter dans mon lit en ronronnant. Impossible de ne pas tomber amoureuse en contemplant ses beaux yeux ce chat c'est mon trésor. Nathaniel est de retour sur notre appel vidéo en tenant un grand mug en souriant comme un gamin.

― J'aime bien le thé, mais honnêtement le chocolat est supérieur. Maintenant que je suis bien équipé je peux t'écouter. Qu'est-ce qui te tracasse ? Je n'hésiterais pas à prendre le premier avion pour te rejoindre en cas de besoin.

― Rien de très grave, ne t'inquiète pas.

― Parle-moi Price, je suis toujours là pour toi.

Je frotte mes mains moites sur mon jean en cherchant mes mots.

― J'ai accepté de voir ma mère en tête à tête.

― C'est une chose à laquelle je ne m'attendais pas. Pourquoi as-tu changé d'avis ?

― Alex est persuadé que c'est mon épreuve personnelle pour trouver la paix. Elle quitte la ville dans deux semaines et souhaite me parler. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, mais j'ai besoin de comprendre.

Il hoche la tête.

― La confrontation est souvent la meilleure chose cependant il ne faut pas que cela devienne une contrainte. Je ne peux pas te promettre que cette rencontre sera digne d'une série télévisée, mais cela t'aidera sûrement à comprendre les raisons de ce départ précipité.

― J'ai passé deux mois à l'éviter et maintenant je vais lui faire face.

― La fuite n'est pas une solution, malheureusement.

― L'affrontement est ce qui nous rend digne.

18.02.2023

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