29. Attention grand-mère en vue

― Debout marmotte !

J'enfonce ma tête dans mon oreiller en poussant un grognement de mécontentement. Je suis rentrée à l'heure prévue néanmoins nous avons parlé une grande partie de la nuit. J'aurais certainement dû anticiper les choses et activer mon réveil, mais je n'avais pas le courage de mettre un pied hors du lit avant le début de l'après-midi. Cette soirée était magique, je n'ai jamais rencontré une personne aussi attentionnée de toute ma vie.

― Laisse-moi dormir, je suis fatiguée.

― Hors de question, c'est notre marathon du dimanche.

Je soupire puis me redresse en dégageant ma couette de mon corps. Alex est installé sur ma chaise de bureau, mon carnet dans les mains. Dans la précipitation pour le récupérer, je m'étale sur le parquet dans un bruit monstrueux.

― Je te déteste Alexander !

― J'aime bien voir ta bouille du réveil, c'est toujours charmant.

Je me redresse en appuyant sur mes bras douloureux. Ce n'est pas la première fois que mon meilleur ami décide de me surprendre en faisant irruption dans ma chambre pour me réveiller. Il y a bien pire que tomber sur le sol de sa chambre. J'attrape mon portable reposant sur ma table de chevet puis plisse les yeux en voyant qu'il est un peu plus de midi.

― J'aurais pu venir te réveiller bien plus tôt, j'ai été sympa.

― Le mot sympa ne te correspond pas.

Je lui arrache mon carnet des mains afin de le placer dans un endroit secret aux yeux des personnes susceptibles de le consulter sans mon accord. J'enfile rapidement mon gilet en laine puis glisse mes pieds dans mes pantoufles et quitte ma chambre. La maison est plongée dans une ambiance presque festive pour une raison inconnue. Est-ce que j'ai eu ma première bonne note en maths ?

― Qu'est-ce qui se passe ? demandé-je.

― Oh Maxine ! Je suis tellement heureuse de te revoir après tout ce temps !

Une vieille femme fonce dans ma direction à toute vitesse. Le bruit des talons résonnent sur le parquet de la maison tandis qu'une forte odeur d'un parfum chatouille mon nez. J'entends Alex retenir un rire dans mon dos. Elle s'écarte finalement en me souriant cependant son expression de tendresse est remplacée par de la confusion.

― Attention à ta ligne, ma chérie. Tu n'auras pas toujours quinze ans !

― Bonjour à toi aussi.

Meredith Powell est une vieille femme ronchonne obsédée par l'apparence des autres. Accessoirement, c'est aussi ma grand-mère maternelle. Elle vient nous rendre visite de temps en temps lorsqu'elle est de passage à Dunwood. Je ne peux pas vraiment dire que je l'apprécie car elle passe son temps à me faire des reproches sur mon poids.

― Qu'est-ce que tu fais encore en pyjama à cette heure-ci ?

― Je viens juste de me réveiller, mamie.

― Les jeunes de nos jours ne savent plus travailler.

Je la contourne pour rejoindre mon paternel dans la cuisine en train de préparer un plat. J'aurais apprécié être au courant que ma grand-mère était présente pour trouver une bonne excuse et m'enfuir de la maison. Sam est allongée dans le canapé du salon, nous avons au moins ce point commun. Nous essayons toutes les deux fuir notre grand-mère. J'ai la chance que mon meilleur ami soit présent, il m'aidera à sortir de cette situation.

― Tu n'es pas obligée de rester, Max. Je sais que c'est votre marathon du dimanche alors je ne vais pas te forcer à assister à ce repas de famille ennuyeux. Espérons juste qu'elle s'en aille le plus vite possible.

Papa a toujours eu une relation compliquée avec ma grand-mère. Elle n'a jamais accepté la relation entre lui et ma mère. Toujours une critique facile envers lui et des remarques désagréables. Lors du départ de sa fille, elle s'est empressée de reporter la faute sur mon paternel en disant à quel point c'était un homme lamentable. Je sais qu'il accepte sa présence uniquement pour Sam et moi. Malgré l'absence de notre mère, nous devions avoir des relations normales avec la famille maternelle.

― Noah ! Vous n'allez quand même pas m'empêcher de voir ma petite fille ?

Nous grimaçons lorsque celle-ci débarque dans la cuisine, les bras croisés sur sa poitrine et les lèvres pincées. Elle porte une tenue de marque coûtant une petite fortune et ses cheveux bruns sont relevés avec une barrette.

― Il est hors de question que nous ne passions pas un dimanche familial.

― J'ai des choses prévues avec mon ami, ajouté-je.

Mamie tourne la tête en direction de mon meilleur ami en le regardant de la tête aux pieds. Ce n'est pas la première fois qu'elle le croise, mais elle oublie volontairement son nom pour le mettre mal à l'aise.

― Il peut bien manger avec nous.

― Pourquoi pas, je n'ai rien à faire de mieux ! répond Alex d'une voix faussement joyeuse.

Je soupire de nouveau puis attrape la main de mon ami pour l'emmener dans ma chambre. Nous aurions pu passer un moment rien que tous les deux chez lui pour notre marathon, mais bien entendu mamie débarque au pire moment possible. Une fois à l'abris des oreilles traînantes de ma grand-mère, je me tourne vers Alex.

― Tu peux encore prétexter une urgence familiale.

― Ta grand-mère est une vieille peau néanmoins j'aime bien la cuisine de ton père.

― Alors tu ne restes même pas pour moi ?

Il tire la langue tel un enfant de cinq ans puis s'allonge dans mon lit en désordre. Je fouille mon armoire à la recherche d'une tenue confortable à mettre. J'opte pour un simple jean ainsi qu'un pull en laine jaune puis des sous-vêtements propres. J'abandonne brièvement mon meilleur ami pour prendre une douche rapide.

Une fois dans la salle de bains, j'abandonne mon pyjama sur le sol et me glisse dans la cabine de douche. Je savonne mon corps, une douce odeur de vanille remplit la douche. Je reste encore quelques minutes afin de profiter de la chaleur puis coupe l'eau pour m'enrouler dans une serviette propre. J'enfile mes vêtements et brosse ma chevelure emmêlée. Mon allure ne ressemble en rien à celle de la veille, mais pour affronter ma grand-mère c'est préférable. Elle critique de toute façon chacune de mes tenues.

***

Le tintement des couverts contre les assiettes est l'unique source de bruit dans la pièce. Ma grand-mère est silencieuse, elle observe avec le plus grand soin chaque personne autour de la table. Ella est une menace à l'illusion de la famille parfaite que nous étions lorsque maman était présente. Mamie espère toujours que mon père recherche son ex femme pour réparer le passé, mais c'est une chose impossible. Nous ignorons toujours où celle-ci se trouve et la raison pour laquelle elle est partie aussi brusquement. Je porte mon verre d'eau à ma bouche en baissant les yeux sur la nourriture présente dans mon assiette.

― Comment vont les affaires, mademoiselle Young ? demande mamie.

― Mon affaire se porte très bien, merci pour votre intérêt.

Ella fait toujours preuve de bienveillance malgré la situation et les commentaires désagréables provenant de l'ex belle-mère de son compagnon. J'ignore comment elle réussit à rester calme en toute circonstance. Alex découpe un morceau de pain en lançant des regards dans toutes les directions. Il ne voulait veiller sur moi par crainte qu'une nouvelle dispute éclate. La dernière fois cela s'est mal terminé. Sam tapote du pied en mordant nerveusement sa lèvre. Nous attendons toutes les deux avec impatience de quitter la table pour reprendre nos occupations habituelles.

― Vous avez beaucoup de chance que votre petit commerce fonctionne bien.

― Je travaille pour que cela soit le cas, madame.

Mamie boit une nouvelle gorgée de son vin tâchant au passage le verre avec son rouge à lèvres.

― Que diriez-vous de faire une balade digestive après le repas ? Cela ferait beaucoup de bien à notre petite Maxine si elle veut avoir une silhouette de rêve pour l'été prochain. Il faudra faire attention à préparer un repas qui n'est pas trop calorique lors des fêtes de fin d'années.

― Etes-vous en train d'insulter ma fille de grosse, Meredith ?

― Bien sûr que non ! Néanmoins, je suis certaine qu'avec une adaptation alimentaire et du sport régulièrement, Maxine sera capable d'être aussi rayonnante que Samantha. Les personnes en surpoids ne vivent pas longtemps et ont beaucoup de mal à marcher.

Choquée par ces propos grossophobe, j'écarquille les yeux. Ma fourchette m'échappe des mains et s'écrase sur la table en un bruit sourd. Je devrais être habituée de me prendre des remarques sur mon poids, mais lorsque cela vient de votre propre grand-mère cela reste douloureux. Alex serre ma main pour me montrer son soutien.

― Je ne tolère pas ce comportement dans ma maison alors je vous demanderai de prendre vos affaires et rentrer chez vous. Maxine n'a pas besoin d'entendre des conneries de ce genre, il est temps de prendre conscience de votre comportement.

― Je suis bien plus vieille que vous, Noah !

― Cela ne te rend pas plus aimable, ajoute Sam.

Ma soeur est-elle en train de me défendre ? Je sens mon coeur battre un peu plus fort en remarquant que Sam n'est peut-être pas une cause perdue. Celle-ci dépasse sa serviette sur la table en fronçant les sourcils.

― Veuillez m'excuser, mais j'ai encore des devoirs.

― Tu n'as pas à me parler sur ce ton, jeune fille !

Sam quitte la table puis monte les marches de l'escalier avant de claquer la porte de sa chambre. Je reste immobile quelques secondes et lève les yeux en direction de ma grand-mère dont l'alcool semble la rendre encore plus méchante.

― Il est peut-être temps que tu acceptes que la différence n'est pas une horreur. Qu'est-ce que ça peut bien faire quelle taille de pantalon je porte ? L'important est que je sois heureuse et bien dans ma peau malgré les critiques auxquelles je fais face chaque jour de ma vie.

― Maxine !

― Je me fiche de ce que tu penses de moi parce que pour la première fois de ma vie, je me sens en harmonie avec moi-même. Il me faudra encore un peu de temps pour accepter mon corps et avoir confiance en moi, mais je suis sur le bon chemin.

Je quitte la table à mon tour en entraînant mon meilleur ami à me suivre. Mon père a le mérite d'attendre que nous soyons à l'étage pour commencer à hurler sur ma grand-mère. Lorsque maman était encore présente, elle ne souhaitait pas que nous fréquentions cette femme. Les raisons sont logiques désormais. Alex presse délicatement mon épaule afin d'attirer mon attention. Je ne devrais pas écouter cette violente dispute et m'enfermer dans ma chambre en compagnie d'Alex.

― On va regarder un film ?

― Ouais, c'est une bonne idée.

Les derniers mots de mon père disparaissent lorsque la porte de ma chambre se referme dans mon dos. La famille est une chose compliquée parce que la perfection n'existe pas. Il n'existe aucune famille ordinaire et totalement heureuse. Ce n'est qu'un conte de fées inventée par les films et séries. La réalité est bien différente.

21.07.2022

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