Prologue - une journée sous le signe de l'amour

Il est quatorze heure. Le soleil est déjà haut dans le ciel, les couleurs sont crues, éblouissantes. Je m'accoude au balcon et ferme les yeux, m'imprégnant des embruns qui saturent l'atmosphère. Le ressac des vagues et le cri des mouettes me parviennent comme un doux murmure. Je suis en paix, bercée par ces chants, caressée par l'air chaud et salin . Je savoure ce moment magique, où toutes les sensations sont exhalées. La vie est si belle. Chaque moment est précieux. Je repense à ma glace vanille sur le port hier, aux reflets d'or qui faisaient scintiller l'eau. C'est un week-end magnifique. Je grave la douceur de ces instants dans un coin de mon coeur.

Un mouvement derrière moi m'arrache à ma contemplation. Je retourne dans la chambre en faisant coulisser silencieusement la baie vitrée. Les murs crèmes et les meubles en bois foncé apportent une ambiance épurées et chaleureuse. Au milieu du lit King-Size, Jules poursuit cette grasse matinée outrageuse en se battant contre un adversaire inconnu. Le drap a légèrement glissé et dévoile le haut de son torse nu, ses épaules larges et ses mouvements font saillir ses muscles ici et là. Je songe un instant à me glisser contre sa peau et me ressaisis : j'ai du boulot.

La salle de bain est moderne, trop impersonnelle à mon goût avec son alternance de noir et de blanc. On se croirait dans un magazine. Un immense miroir me renvoie mon reflet. Je le contemple et m'essaie à un examen objectif. Si j'étais face à une inconnue, qu'est ce que j'en penserais ? Plutôt correcte, mais il va falloir discipliner la masse hirsute qui me sert de cheveux. J'empoigne la brosse et démêle vigoureusement ma cascade boucles châtain. J'aime beaucoup mes cheveux avec leurs reflets miel, dommage qu'ils passent leur vie à faire des noeuds. Lorsqu'ils commencent à se discipliner, je les lisse vaguement et tresse quelques mèches pour construire un chignon. C'est une idée que j'ai pêchée sur Pinterest. Je me suis pas mal entraînée à l'appart et je commence à avoir le coup de main. Au bout de quelques dizaines de minutes, je contemple le résultat, satisfaite. J'ai laissé quelques mèches libres autour de mon visage, qui donnent un côté bohème à cette coiffure et surtout permettent de cacher un peu mes oreilles décollées.

Le plus dur est fait, je passe au teint, j'applique une couche légère, pas de quoi faire disparaitre totalement mes taches de rousseur, mais assez pour uniformiser et illuminer ma peau. Je maquille mes yeux noisettes de rose poudré pour les assortir à ma robe, applique du mascara sur mes longs cils, une touche de rose sur mes lèvres et je suis prête !

Je suis en train de parfaire ma tenue en enfilant mes bijoux, or et perles noires de Tahiti, offertes par ma mère pour mes trente ans lorsque Jules ouvre la porte. Il me contemple en sifflant d'admiration. « Mademoiselle, vous êtes sublime ! Vous permettez ? » Me demande-t-il en me tendant sa main. Je glisse ma main dans la sienne, un sourire bête sur les lèvres. Je me sens légère, joyeuse et complètement amoureuse. Il me fait tourner sur moi-même et je me retrouve entourée de ses bras. Il glisse de doux baisers sur ma nuque et mes épaules. « Dommage que nous soyons attendus, je t'aurais bien gardée pour moi toute la journée. »

Cette journée est définitivement placée sous le signe de l'amour. Une petite heure plus tard, nous sommes à la mairie. Une foule compacte est déjà là, elle est parée de couleurs légères et rayonne sous le soleil d'été. Il y a des rires, des éclats de voix dont le ton respire le bonheur. Le temps s'arrête lorsque la mariée arrive. Elina, ma plus vieille amie, est rayonnante dans sa robe fourreau. Un lit de dentelle ivoire court de ses épaules jusqu'au sol, elle a un chignon compliqué piqué de fleurs dont la couleur rappelle celle de ses escarpins vert amande. Elle approche de nous avec beaucoup de grâce, distribuant des bises, recevant des compliments et félicitations.

Une seconde je me retiens de lui dire qu'elle fait la plus belle connerie de sa vie et je bâillonne ma conscience. Je lui ai déjà dit que je ne voulais pas être témoin, avec tact bien sûr, j'en suis capable parfois (enfin je crois), et j'ai essayé de faire passer ce que je pouvais sur le mariage, mais elle croit en l'amour éternelle et la profondeur de l'engagement. Je ne pouvais pas lui dire qu'en plus de l'importance de la liberté, j'avais du mal à supporter celui avec qui elle était en train de se lier, gentil, certes, mais un peu trop charmeur pour être honnête à mon goût, avec ses allusions entre humour et vérité qui flattent toutes les femmes de son entourage dès qu'elle a le dos tourné... Tout ce qui compte c'est son bonheur et malgré tout, elle semble apprécier sa vie de couple et même ce côté dragueur : elle est la première à rire à ses sous-entendus déplacés, même lorsqu'ils ne lui sont pas adressés. Je me fais sans doute des idées, j'ai beaucoup d'imagination... Dans tous les cas, je sais que c'est elle qui voulait ce mariage de toute ses forces et pour cela, je me dois d'être enchantée d'assister à ses noces. Je plaque un sourire sur mon visage quand elle est enfin là. Je lis l'émotion dans ses yeux et d'un seul coup, elle me contamine : nous éclatons en sanglot dans les bras l'une de l'autre. Un éclair de souvenirs est là, tous ces moments partagés... Je repense à notre enfance, aux histoires qu'on s'inventait ensemble, toujours un peu les mêmes et toujours renouvelées en même temps. Plus tard, nous les avons remplacées par de premières vraies discussions de jeunes adolescentes, souvent légères, avec nos premières confidences, parfois profondes lorsqu'on débattait sur le sens de notre vie et l'avenir de notre planète. Ces dernières années, on se voit moins souvent : elle est partie faire ses études en province. Nous avons tout de même gardé le contact : notre complicité résiste à tout, même à la distance. Et la voilà prête à se marier aujourd'hui... Le temps passe tellement vite...

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