Chapitre 1 : Le Saut
6h30
Le doux son de vagues s'écrasant sur le rivage tira Hugo de son rêve. Il était bien allongé dans son lit, ce n'était que son réveil. Cette alarme dite "bruit naturel" était efficace pour lui donner envie de pisser le matin.
Il se faufila dans la salle de bain et après soulagé sa vessie il se regarda dans le miroir :
- "J'ai encore une tonne d'épis " marmonna-t'il en faisant une grimace. Ses cheveux bruns tirant sur le noir se mettaient toujours en bataille au contact de son oreiller. Une sale manie chez eux. Hugo a 16 ans. Avec ses yeux verts et son joli visage, il s'attirait les filles et les ennuis. En général cela va de pair. Mais trêve de plaisanterie, aujourd'hui est un jour très spécial... Pancakes !
Le jeune adolescent se rua dans la cuisine et mit ses pancakes sur la poêle. Ces galettes épaisses étaient son déjeuner préféré. Couvertes de sirop d'érable c'était un délice.
- "Je me demande si Peter va tenir plus de 5 minutes dans les cours d'aujourd'hui " annonça-t'il à voix haute la bouche pleine. " Tiens et si cette fille va arrêter de me coller ! " Hugo continua de perdre son temps à penser toute sorte d'idioties comme à son habitude le matin.
7h00
" Oh merde ! Je vais être en retard. " Sursauta-t'il en voyant l'heure. Il enfila sa veste, attrapa son sac au vol et claqua la porte derrière lui. Mais il soupira l'air triste avant de fermer à double tour la porte de la maison. Une fois dans le bus qui devait l'amener en quelques 45 minutes de trajet jusqu'à son lycée, il se laissa dormir...
Il fut tiré de son sommeil par Peter qui venait de monter dans le bus sans son titre de transport.
" Salut !
- Lu Pete, tu vas tenir combien de temps en cours de maths cette fois ?
- Ahh ! Bonne question, ça va dépendre de la patience du prof." fanfaronna-t'il visiblement fier. Hugo et lui discutèrent du classement de beauté des filles de la classe jusqu'à ce qu'ils arrivent devant leur lycée.
J'aurais bien aimé dire que c'était le plus beau lycée, le plus grand et le plus prestigieux. Mais dans la réalité, ce n'est qu'un petit établissement coincé dans le centre ville avec une cour carrée cernée par de hauts bâtiments qui renfermaient les classes. Le proviseur n'était qu'un grincheux chauve qui avait ce genre de regard qui transperce à travers ses petite lunettes rondes cerclées de fer. Après une interminable séance de bonjours et de poignées de main, Hugo arriva enfin devant sa classe - seulement 10 secondes après la sonnerie, magnifique !-.
* * * * * * *
"Hugo, vient expliquer cet exercice à tes camarades, ils ont peut-être besoin d'un autre point de vue" demanda la jeune professeure de mathématiques. Avec un long soupir, le jeune adolescent se dirigea vers le tableau. Il pouvait sentir sur lui le poids de 30 regards. Quand il devait expliquer aux autres ce que lui avait déjà compris, Hugo ne ressentait pas de fierté. Il aurait bien voulu, mais c'était systématiquement un supplice pour lui. " Beurk, ils se curent tous les trois le nez en même temps ceux-là au fond. Et elle... Sérieusement, elle bave. Faudrait que je me concentre sur ce que je dit sinon je vais faire n'importe quoi." pensa le garçon.
Il dessinait sur le tableau une courbe de fonction quand un souvenir s'imposa à lui : les réunions parent-profs, les bulletins, les conseils de classes, ses notes. Soit tout ce qui définit la valeur d'un élève du point de vue de l'établissement. Ce qu'il en ressortait, c'était ses capacités étonnantes en sciences, particulièrement en Physique et Chimie, et sa profonde insensibilité aux matières littéraires. Non pas qu'il n'y mettait aucun effort ! Il semblerait que ce ne soit pas son domaine d'excellence. Alors qu'il mettait le dernier point à sa démonstration, la sonnerie retentit.
"Bien vous me ferez les deux exercices suivant pour le cours de mercredi et Peter tu iras donner ta retenue à l'accueil. " s'écria la professeure qui essayait tant bien que mal de couvrir le bruit ambiant.
" Hé Peter ? Le prochain cours c'est philo, j'ai le temps de t'accompagner à l'accueil " lança l'adolescent à son ami qui éclata de rire.
- Mais aurait-on enfin l'occasion de voir la déchéance d'Hugo ? Ouais amène toi je vais tout faire pour perdre du temps." le nargua-t'il. Ils sortirent de la salle de classe et au lieu de suivre les autres élèves qui prenaient des escaliers larges, les deux garçons prirent la direction inverse vers un escalier en colimaçon habituellement réservé aux professeurs.
- Tu vois un prof toi ? demanda Peter penché sur la rambarde
- Attends, voilà c'est bon on a moins de 10 secondes. " chuchota Hugo avant de s'élancer dans les escaliers. Les marches en métal faisaient un bruit fou sous leurs pieds mais c'était insignifiant devant le vacarme provoqué par les discussions des milliers de lycéens. Ils arrivèrent devant la porte de l'accueil sans encombre au moment exact où la sonnerie indiquait la reprise des cours. Ils se jetèrent un regard amusé avant d'entrer dans le bureau.
* * * * * * *
Trois coups secs furent frappés à la porte.
" Entrez ! Ah Bonjour Hugo et Peter. La prochaine fois, si vous vous donnez la peine d'arriver à l'heure peut-être que vous éviterez les devoirs supplémentaires. " lança une professeure ridiculement petite. Ses cheveux roux bouclés comme du papier crépon étaient troués d'une tonsure sur le haut du crâne et tombaient sur ses joues bouffies qui encadraient un visage rond. Peter tenta une excuse : " Désolé nous étions à l'acc..
- Oui, et d'ailleurs la surveillante qui y était avec vous est passé il y a cinq minutes en s'excusant de vous avoir retenu pour le cours... Mais vous n'étiez toujours pas arrivés ! Étonnant n'est-ce pas !" s'écria-t'elle avec une voix haut perchée. Les deux garçons se mordirent la lèvre et retournèrent à leur place.
- Hugo, toi tu vas au tableau tu vas venir répondre, toi Peter tu auras une dissertation à faire.
Notre adolescent brun tourna les talons pour se diriger vers le tableau et croisa le regard de son ami blond qui n'essaya même pas de répliquer quelque chose à la femme.
- Bien ! Alors Hugo, tu vas nous faire une réflexion, soit une dissertation à l'oral sur le sujet : Sommes-nous définit uniquement par notre passé ?
En entendant la question, Hugo se figea. Il se rappela soudain tout ce qu'il avait souhaité oublier. Une image de sa mère lui souriant alors qu'il descendait d'un toboggan en plastique, une autre où elle fronçait les sourcils devant le glacier parce-qu'il avait commandé le double de ce qu'il avait le droit... Une mère qui est morte il y a déjà très longtemps. Cette perte survenue très tôt dans sa vie avait été une épreuve difficile à laquelle s'ajoute l'absence de son père. En effet, son père n'avait jamais refait sa vie avec une autre femme. On pourrait féliciter son sens moral, mais ce serait aller vite en besogne. Au contraire, il a fait de son travail sa vie, délaissant son fils qui restait donc seul chez lui alors que M. Allen était en conférences ou en voyage à l'autre bout du monde. La réponse était évidente pour Hugo, son passé n'était pas des plus simples et il l'avait assez mal vécu. Mais il sa vie ne pouvait se résumer à ce qu'il avait vécu.
- Je pense que notre passé nous donne une image de nous même. Une image de la personne que nous avons été jusque là, mais notre définition, on la change et l'écrit avec nos choix présents et futurs. Je vais faire une petite histoire pour m'expliquer : Imaginons qu'une banque vous ouvre chaque matin un compte avec 86 400 euros. Que chaque soir, ce compte est fermé et vous n'y aurait plus accès, mais le lendemain, un nouveau s'ouvrira. Par contre, à tout moment, cette routine peut s'arrêter, la banque peut arrêter de vous ouvrir un compte chaque matin. Ainsi, tout ce que vous n'aurez pas dépensé la veille sera perdu, mais le lendemain vous en trouverez encore autant. Vous le trouverez à condition que rien ne s'arrête. Et bien cette banque c'est la vie, chaque matin vous avez 86 400 secondes à vivre et chaque soir vous n'êtes pas sûrs de vivre un jour de plus. Chaque seconde que vous perdez ne sera pas conservée, non, elle sera perdue mais vous en aurez certainement 86 400 le lendemain. Alors voilà, les secondes passées n'étant plus récupérables, l'image que vous avez donné au monde, c'est la façon dont vous avez utilisé ces secondes dans votre passé. Mais ce qui vous définit c'est ce que vous allez en faire aujourd'hui et demain.
- C'est bien tu as réussi à ouvrir la bouche mais ce n'est pas une dissertation. Il fallait faire une introduction, un plan et une conclusion.
- Et ben c'est pareil vous avez compris ce que je pensais non ?
- Certainement pas ! Ce n'était pas ce qui était demandé ! s'écria la professeure rouge comme une tomate. D'ailleurs on aurait pu la prendre pour une tomate de loin.
Hugo préféra ne pas s'énerver et lança un vague "Ben je sais pas..." avant de se rasseoir à sa place. Il observa les tables autour de lui et pu voir Peter qui dormait derrière lui. "Au moins j'aurait fait diversion pour qu'il s'endorme..." pensa Hugo en souriant. A sa gauche, il avait une fenêtre qui donnait sur un escalier sale et couvert de fiente de pigeon, quelle vue ! Et sur la table voisine se trouvait une fille très studieuse du nom de Lize. Ils ne s'étaient presque jamais adressé la parole. En même temps, c'était le genre de fille qu'il ne faut pas énerver et qui reste toujours dans son coin avec ses bouquins.
* * * * * * *
Le soir, Hugo poussa la porte de chez lui. Après avoir avalé un biscuit et un verre d'eau, il s'attela à ses devoirs pour le lendemain. Une sacrée corvée. Et nous pendant ce temps on est là, on le regarde et on s'ennuie. Il n'y a rien d'intéressant à écrire quand on décrit quelqu'un qui travaille. Alors parlons un peu d'une autre personne très intéressante... Une fille qui vit à quelques kilomètres de là, une fille particulière.
Chez Lize.
"Ah non pas ça ! Elle est trop nulle cette musique, changes !" s'exclama une fille en riant
- Mais arrête elle est trop bien, tu veux mettre quoi ? Encore du Justin Bieber ?" riposta Lize à son amie. Elles étaient allongées sur un large tapis dans une chambre complètement en désordre. La petite fête battait son plein lorsque une femme arriva avec un plateau contenant des tranches de pain de mie et un pot de Nutella.
- Oh merci M'man ! Tu veux pas nous aider à trancher quelle musique on met après ?
- C'est normal Lili, entre quelles musiques ?
- Imagine Dragons ou Bieber
- Oula tout ce que tu veux sauf du Justin chérie !" pouffa la mère en s'éloignant. Quelle adorable famille n'est-ce pas ? Subitement, Lize se redressa et plongea son regard effrayé dans celui de son amie. Tout se passa très vite. Au départ tout ne résulte que de l'incroyable pré-sentiment de Lize. Son amie, elle ne comprenait pas et lui fit un grand sourire. Lize se releva péniblement, elle marcha au début puis de plus en plus vite jusqu'à courir, elle fonça vers la fenêtre et sauta. Quand elle n'était qu'à quelques centimètres de la fenêtre, un grand son aiguë remplit l'atmosphère. Comme si un objet arrivait à une vitesse folle. Le temps qu'elle ouvre la fenêtre sous les yeux surpris de son amie et qu'elle saute, la maison vola en éclat. Une explosion souleva le toit, pulvérisa les fenêtre, souffla les murs. Lize eut le temps de se retourner et croiser une dernière fois le regard de la jeune fille. Un regard si doux, avec tant de peur et de chagrin dedans. Une dernière fois avant que son amie soit engloutie par les flammes. La chute de Lize sembla durer une éternité. "Chloé ! Maman ! Papa ! Ma maison... Tout... Je vais mourir ? Dites-moi que je vais me réveiller ! Réveille-toi, ce n'est pas vrai ! Cela ne peut pas être vrai... Ou alors, je veux mourir en tombant. Il me reste 2 étages avant de mourir... Oui c'est ça ! Si je meurs tout sera fini ? Je serai heureuse, plus de chagrin ! Je vais mourir en même temps que tout le monde, c'est bien !" Hurla-t'elle dans son esprit. Elle se retourna et regarda le sol qui n'était plus que quelques mètres plus bas. Elle se plaça la tête la première et afficha son dernier sourire avec sa dernière larme. 3 mètres. 1 mètre. Puis.. Quelque chose de puissant lui agrippa les épaules.
"C'est ça que l'on ressent quand on meurt alors ?" Pensa-t'elle de nouveau. Mais elle sentait contre sa peau à travers son pyjama des griffes horriblement puissantes qui lui tenait fermement les épaules. Puis elle tomba de nouveau quelques dizaines de mètres plus loin dans la piscine de son voisin. Quand Lize put remonter à la surface, elle leva les yeux vers le ciel pour voir ce qui l'avait sauvé. Mais rien, rien de plus que le noir du ciel et le blanc des étoiles.
"Noir et blanc comme un piano" pensa-t'elle encore sous le choc. Quand finalement elle put voir quelque chose de sombre se mouvoir rapidement dans le ciel. Même si elle n'arrivait pas à voir ce drôle d'oiseau, elle pouvait voir un "trou" dans le ciel étoilé de la forme d'un avion ou d'un grand aigle. Quoique, c'est plus une sorte de chauve-souris ? Ce n'était peut-être que le fruit de son imagination mais cette vue lui arracha un sourire malgré les événements. Après tout, elle venait d'être sauvée par quelque chose d'inconnu.
Hugo se réveilla en sursaut. Il s'était endormi sur sa feuille. Quand il eut repris ses esprit il réussi à formuler quelque chose du genre " J'ai faim...". Mais autour de lui, c'était un désastre... Tout était sens dessus-dessous.
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