17 - Le Royaume de Corallomare

Tout en continuant à nager, j'étends ma perception magique de l'eau autour de moi, et je sens ma putenza vibrer au contact de mon Elément si présent. Je prends le temps de ressentir précisément la matière que je souhaite déplacer, puis je pousse ma magie à agir. Doucement. Calmement.

Je me sens poussée, comme la première fois, mais vers l'avant et non en rond. Je scrute la réaction de mes voisins, et ça ne loupe pas.

     Qu'est-ce qu'il se passe ? demande mon père tout de suite, en regardant partout autour de lui.

     Sarah ? C'est toi ? enchaîne Elya qui a déjà compris.

Je leur explique alors ce que je suis en train de faire. Mon père n'en revient pas. Je n'ai jamais utilisé ma magie devant lui, nous n'en avons d'ailleurs pas beaucoup parlé ensemble.

Elya, elle, m'envoie un petit rire mental :

     Pas la peine de l'utiliser sur moi, je peux aller bien plus vite que ça. Je m'étais juste adaptée à votre vitesse.

Je lui souris en arrêtant la pression de l'eau sur elle.

Alors que j'accélère encore notre vitesse en suivant les indications de mon père quant à la direction à prendre, Elya nous suit effectivement sans la moindre difficulté en ondulant son corps puissant.

Je sens que mon père n'est pas très à l'aise, mais moi je suis tout excité à l'idée d'utiliser ma magie au fond de l'océan. J'en ai même perdu ma peur d'affronter les sirènes.

Jusqu'à ce que mon père nous indique du doigt quelque chose d'encore flou devant nous : la muraille de corail délimitant son Royaume.

Nous sommes descendus très profond, impossible pour un humain d'arriver jusque-là. Peut-être des sous-marins ? Mais la barrière de corail qui nous barre le passage est tellement étendue et épaisse, que l'étroit passage par lequel nous pénétrons est quasiment imperceptible.

Evidemment, nous sommes accueillis par une horde de tritons armés jusqu'aux dents, et Elya fait sensation. Un échange rapide se fait entre mon père et le triton qui semble être le chef, puis, sous bonne escorte, nous sommes conduits plus en avant.

Malgré le stress qui refait surface, je ne peux m'empêcher d'admirer les alentours. Contrairement au Royaume des Rochers dans lequel je me suis retrouvée prisonnière plus tôt, ici tout est beau. Coloré, vivant, esthétique. Il y a des coraux partout, de toutes les couleurs, et de nombreuses autres plantes qui ornent ce que je devine être des habitations.

Un grand nombre de sirènes et de tritons vaquent à leurs occupations, et s'arrêtent pour nous regarder passer. Une sirène transporte un gros coquillage rempli d'objets non identifiés, une autre s'occupe de coiffer une congénère, et j'ai l'impression que le petit groupe, un peu plus loin, qui se fige dans leurs gestes, étaient en train de tisser des algues.

Mon père m'a dit qu'il est difficile pour son espèce d'avoir des enfants, je n'en vois effectivement que très peu. Ils se cachent à la vue du monstre rougeoyant qui ondule à seulement quelques coups de nageoirs d'eux.

Contrairement à Attrattiva et Diritta, toutes les sirènes ici ont les cheveux de couleur claire. Leur beauté irréelle ne me surprend plus, le fait de les voir dans leurs occupations quotidiennes ajoute à les rendre plus humaines.

Bientôt, nous arrivons devant une autre barrière de corail qui visiblement a été travaillée pour un rendu des plus esthétiques. Il doit s'agir du palais royal.

Nous n'y pénétrons pourtant pas. Je devine qu'Elya n'aurait pas pu s'y faufiler, et ma pensée se confirme lorsque nous débouchons sur ce qui ressemble à un stade, où nous attendent une petite poignée de personnes.

Tous les regards se braquent sur nous, un long frisson descend le long de ma colonne vertébrale.

Des blocs faits de coquillages ont été placés en rond pour que chaque participant à la réunion puisse se poser. Il y a même un trône. Nous prenons place sur les trois blocs vides pour fermer le cercle.

Le triton qui domine la scène de son trône, et préside visiblement le rassemblement, est mon grand-père. Mes yeux ne peuvent se détacher de lui. Des sentiments contradictoires s'entrechoquent dans ma tête et mon cœur... heureusement que je maîtrise maintenant totalement la télépathie ! La muraille mentale que j'ai érigée autour de mon esprit est solide. Mais c'est ma putenza - avec son pouvoir de mage - que je dois tenir en bride sans me déconcentrer. J'ai l'impression que toute cette eau autour de moi la rend encore plus sensible, et je me tiens sur mes gardes, mettant en pratique les exercices appris pour me calmer. Celui de la respiration ne m'est d'aucune utilité, car mes poumons sont au repos, mais j'en ai d'autres qui fonctionnent heureusement assez bien, comme celui des tiroirs mentaux.

Le Suvranu Arrabiatu prend la parole en commençant par se présenter, mais j'ai du mal à me concentrer sur la pensée télépathique qu'il partage à tous les présents... sa ressemblance avec mon père, mais surtout le fait qu'il paraisse presque plus jeune que lui, me perturbe. On dirait des frères, c'est vraiment déroutant...

Son regard bleu glacé est braqué sur son fils lorsqu'il ajoute sur un ton solennel :

     Que chacune des personnes présentes partagent le Serment, nous pourrons ensuite commencer.

Sans trop savoir de quoi il parle, je me tourne vers mon père qui, la tête haute, commence :

     Je fais le serment sur ma vie que les déclarations faites lors de ce Conseil seront conformes à la vérité telle que je l'ai perçue. Je fais le serment de partager toutes les informations connues sans rien cacher. Je m'engage également au non-partage de pensées individuelles lors de ce Conseil, ainsi qu'à m'exprimer seulement lorsque j'y serai invité.

Alors que la sirène à côté de lui répète mot pour mot le serment à son tour, je questionne mon père concernant sa dernière phrase.

Il grimace :

    Nous n'avons pas le droit de communiquer entre nous pendant le Conseil. Tous nos échanges doivent être faits publiquement. Le Serment prendra effet quand tous l'auront récité.

Moi qui pensais avoir une explication de ce qu'il se passait au fur et à mesure, je m'exclame :

     Mais c'est quoi cette règle nulle ?

    C'est pour empêcher deux personnes de se mettre d'accord au dernier moment pour changer une version des faits, ou ce genre de chose, m'explique-t-il encore alors que le tour des serments continue.

     Mais puisqu'on promet de dire la vérité, m'exclamé-je mentalement, ça n'a aucun sens !

     Ça fait des millénaires que c'est comme ça, Sarah. Imagine un tribunal humain, pendant lequel des personnes pourraient s'entretenir en secret en plein milieu de la séance... ça revient au même. Tu ferais mieux de la mémoriser avant que ce ne soit ton tour.

Je hausse les épaules et me tourne vers la sirène qui est en train de prononcer son serment. Je l'écoute attentivement (j'essaye, en tout cas) pour retenir les phrases. On a fait le tour, c'est Elya, à ma droite, qui prend la parole.

C'est marrant, je remarque seulement maintenant qu'elle a plutôt une voix grave. Avec son corps fluet sous forme humaine, elle aurait pu parler d'une petite voix, et cela aurait été assez cocasse sous cette forme de monstre.

Un coup de queue me fait revenir à la réalité, Elya me fait les yeux noirs :

     Pourquoi tu souris bêtement comme ça ? C'est à toi !

Je cligne plusieurs fois des yeux et avale ma salive avec difficulté. Mon cerveau stressé est en train de faire n'importe quoi. Mes mains tremblent, il me faut encore quelques secondes pour me calmer. Je prononce enfin le Serment, du mieux que je peux, avec mes mots. Un coup d'œil vers mon père me rassure, je ne dois pas avoir fait trop de fautes car il acquiesce d'un léger coup de tête.

Ça y est, le Conseil peut commencer, et je n'ai plus le droit de communiquer avec mes voisins. Mon grand-père, qui n'a toujours pas eu de regard pour moi, d'ailleurs, annonce alors :

La parole est donnée à la Suvrana Attrattiva qui a de lourdes accusations à déclarer au Conseil.


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Hellooo ! Comment ça va ? ☺️

Merci d'être encore lààààà ! 🥰

Vous aimez toujours ? 😱

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