13 - Silhouettes nocturnes
Deux semaines se sont écoulées depuis mon installation à l'Académie. Je suis tellement occupée, tant dans mon planning que dans ma tête, que je sursaute violemment lorsqu'une voix connue m'interpelle dans le silence de ma chambre, tard, ce soir-là, alors que mes voisines se sont endormies :
Je sens que tu dors pas. Tu comptes faire la muette encore longtemps ?
Elya ?
Oh, tu te souviens de mon nom ! Je croyais que tu l'avais rayé de ta nouvelle existence de Mâââge...
Elya, répété-je avec culpabilité. Je suis vraiment désolée... j'ai été emportée par le tourbillon de cette vie totalement différente et prenante !
...
Tu m'en veux vraiment ? Tu restes mon amie, tu sais ? La première avec qui j'ai tout partagé !
Et tes copines de dortoirs maintenant ?
Elles ne savent rien de ma vie de sirène.
Et ton petit-copain ?
Quoi ?
Allez, j'ai vu comment tu le regardais !
Elya... tu m'espionnes depuis combien de temps et sous quelle forme ?
...
Nouveau silence. Je soupire :
Bon. On recommence. Elya, je m'excuse de t'avoir laissée comme une vieille chaussette pendant ces deux semaines. Est-ce que tu acceptes de me tenir chaud aux pieds de nouveau ?
Hein ? T'es pieds ?
Euh... ouais désolée, la comparaison avec la chaussette était pas terrible...
Je ne l'entends pas, mais je devine aux sentiments partagés que mon amie se retient de rire. Puis un gloussement mental retentit dans mon esprit et je dois prendre sur moi pour ne pas rire à mon tour toute seule dans mon lit, avec le risque de réveiller les filles.
T'es bête ! pouffe-t-elle encore. Je te pardonne, mais on reste en contact, okay ?
D'accord. Merci. T'es où ?
Dans l'arbre de la cour, en écureuil. D'ailleurs, il y a du monde qui ne dort pas, par ici...
Intriguée, je me lève sans bruit et jette un œil discret à travers le rideau fermé de la fenêtre.
Durant ces derniers jours, j'ai trouvé d'autres mots de l'autre côté de la vitre. J'ai essayé de refouler ça au fin fond de mes pensées en me disant que ce n'était rien qu'un plaisantin qui s'amusait. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Tout remonte dans ma tête lorsque je distingue effectivement deux silhouettes dans un renfoncement sombre non éclairé par la lune.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine et j'ai l'impression que Cassie et Laïla vont l'entendre. Les messages lus défilent dans mon esprit avec un frisson, et ma gorge se sert...
« Les sang-pur auront le dernier mot ! »
« Va-t-en ou je dis tout à tout le monde ! »
« Et si je te jetais dans l'aquarium, ça serait drôle ! »
« T'es qu'une bête dégoutante... retourne dans ta flaque d'eau boueuse ! »
J'ai la certitude qu'ils me sont adressés personnellement maintenant. Mais il est hors de question que je me laisse intimider. Même si c'est dur de faire abstraction de tout ça.
En attendant, je vais peut-être voir l'auteur de ces « mots doux » et je me reconcentre sur ce qu'il se passe dans la cour. Elya reprend :
Tiens, quand on parle du loup...
Qu'est-ce qu'il y a ?
C'est Aron. Avec un vieux chauve.
Au nom du jeune homme, je frissonne de nouveau.
On dirait bien qu'ils se disputent, continue mon amie. Mais ils chuchotent, je n'entends rien.
Tu peux t'approcher ? lui demandé-je rapidement tout en tordant mes mains tremblantes.
T'es sûre ? C'est un peu indiscret quand même... Je sais que tu l'aimes bien, mais...
Oui, c'est important, la coupé-je, agacée. Je t'expliquerai.
Ok, j'y vais.
Sois prudente, lui soufflai-je encore en voyant une petite forme longiligne sauter au pied de l'arbre et se diriger vers les silhouettes qui gesticulent dans le noir.
Qu'est-ce que Maître Aerus et Aron font dans la cour en pleine nuit ? Est-ce qu'Aron a été pris en faute en train d'écrire un nouveau mot insultant ? J'espère vraiment que ce n'est pas lui ! Mais je me souviens l'avoir vu par la fenêtre la première fois, et mon cœur chavire à cette idée. Pourquoi ? Pourquoi m'insulter et m'intimider en cachette tout en m'aidant en journée ? N'est-ce pas lui qui m'a fait comprendre que j'étais mage ? Qui m'a fait découvrir l'Académie et la magie ?
Ce que j'ai remarqué chez lui depuis quelques jours – son double jeu – me saute alors au visage et j'ai un haut le cœur en comprenant.
Depuis le début, il fait semblant. En fait, il me déteste ! Il a été super gentil et vrai jusqu'à ce qu'il apprenne que j'étais une sirène.
J'ai l'impression que mon cœur s'est arrêté. C'est si évident maintenant ! Et moi qui m'émoustillais à chaque fois que son regard croisait le mien, qui le trouvais charmant et attentionné...
J'ai commencé à voir juste dans son jeu, mais je ne pensais pas que cela puisse m'être directement adressé !
Le comprendre me crève le cœur plus douloureusement que ce à quoi je me serais attendu.
Pourquoi donc me suis-je attachée à lui de cette façon ? Mes sentiments m'ont joué des tours, la pleine lune aussi, sûrement. Je me suis complètement trompée, et mon cœur saigne.
La voix mentale d'Elya me fait violemment sursauter lorsqu'elle retentit de nouveau dans mon esprit tourmenté. Je jette un œil rapide derrière moi pour m'assurer que les filles dorment toujours, puis j'écoute mon amie, le cœur au bord des lèvres, fiévreuse à l'idée de ce que je vais entendre comme révélation.
Le plus simple, c'est que je te partage en direct ce que je vois et entends...
Je n'ai pas le temps de m'étonner ou de m'émerveiller de ce qu'une telle chose soit possible, les images et le son me parviennent et me captivent dans la seconde qui suit. C'est comme si je me retrouvais à la place d'Elya : au sol, cachée derrière ce qui semble être une poubelle, à observer avec ses yeux d'écureuil la scène en noir et blanc qui se tient là, tout près.
🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️🐿️
Helloooo ! Comment allez-vous ? 😊
Qu'est-ce que vous pensez de la tournure des événements ? 😱
A votre avis, ses soupçons vont être vérifiés ou pas ? 🕵️♀️
La réponse dans le prochain chapiiiitre !!! 😁
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