Chapitre 1 : Les orphelins de Karninburg (1/...)
"Un voleur distrait est un voleur attrapé et un voleur attrapé est un voleur mort. Il s'agissait de la première et de la plus importante des leçons qu'un voleur se devait d'apprendre. Et des voleurs, ce n'était pas ce qui manquait à Karninburg."
La foule se pressait dans les rues, plus ou moins consciente des dizaines d'yeux qui détaillaient chacun de ses mouvements. Mais il en fallait bien plus pour garder les habitants cloîtrés chez eux. Le printemps venait de se terminer et pourtant l'été se faisait déjà sentir. D'ici quelques heures, les rues se transformeront en fournaise et les gens se réfugieront chez eux, dans des logements construits spécialement pour garder un maximum de fraîcheur.
C'était pour cette raison que le matin était le moment idéal pour se livrer un vol à la tire, pensa Lounaah en essuyant d'un geste distrait la sueur sur son front. Adossée contre un mur, la jeune fille aux cheveux gris parcourait la place d'un regard sérieux.
Elle apercevait des mères de familles, accompagnées de leurs enfants, des serviteurs, des étudiants aussi... Lesquels repartiront délestés de quelques pièces ?
La mage grise plissa les yeux, examinant les quelques calèches qui fendaient la masse. Il y avait du noble de sortie visiblement... Les décorations dorées brillaient sous les rayons du soleil, la forçant à détourner le regard. Beaucoup de bourgeois, c'était certes une opportunité de mettre la main sur des bourses plus remplies mais c'était aussi une surveillance accrue.
Une moue vint déformer son visage. Des nobles en ville, c'était surtout le risque d'une visite importune de Dame Ad Manawir... Et Lounaah n'était pas vraiment pressée de la revoir dans les parages... Surtout après ce qu'il s'était passé la dernière fois. La mage violette avait une sacrée dent contre les gens comme elle... En réalité c'était la totalité des gens de la ville qui avait une dent contre eux...
Les orphelins de Karninburg, les mômes du quartier industriel étaient une véritable épine dans le pied de la ville. Quelle ironie c'était, de voir les grands de ce monde se plaindre d'un problème engendré par leurs propres erreurs.
Il y a une vingtaine d'années, la ville était moins miteuse, plus calme. Puis, à la fin de la guerre, elle s'était soudainement étendue autour d'un projet de grande ampleur, un quartier industriel comme on en avait jamais vu de ce côté du continent. L'appât du gain avait fait tripler la population. Cela n'avait fait que rendre plus difficile le retour à la réalité.
Le projet n'avait jamais marché. En quelques mois, il avait été complètement abandonné et maintenant, il servait de refuge aux orphelins trop nombreux que la cité n'arrivait plus à gérer.
Combien étaient-ils ? Définitivement trop nombreux.
La jeune fille se gratta distraitement le cou. La peau de ce dernier était grise, rêche, couverte de vieilles cicatrices et de tâches qui, pour la plupart, ne partiraient jamais. La poussière et la rouille de leur foyer s'immisçait partout et malgré leurs efforts, elle savait que pas un des enfants qui y habitaient ne pourrait y couper.
Le quartier industriel marquait ses gamins à vie... Quand ces derniers ne s'en chargeaient pas eux même, s'interrompit la jeune fille en plissant les yeux.
Elle avait repéré plusieurs jeunes dans la foule dont l'apparence l'avait interpellée. Plusieurs gamins aux cheveux blancs, qui cachaient leurs racines sous des bonnets. Quelques ados portant des hauts à manches longues ou des vestes totalement inadaptées à la chaleur étouffante de la ville... Les enfants du quartier industriel n'étaient pas les plus discrets lorsqu'il s'agissait de camoufler leur appartenance à l'un des clan qui régissait l'endroit.
Lounaah réajusta discrètement ses gants et replaça la mèche de cheveux qui cachait tant bien que mal son iris gauche. Son camouflage ne résisterait pas à une inspection des gardes, mais il avait au moins le mérite de ne pas attirer l'attention.
Quelques mètres plus loin, un mouvement dans la foule lui fit détourner le regard. Un homme venait de trébucher dans le vide et regardait frénétiquement autour de lui en déterminer la cause. L'adolescente laissa échapper un petit sourire moqueur. Si l'homme n'utilisait que sa vue, il n'allait pas aller très loin. Elle connaissait bien les techniques de ses compagnons et elle pouvait mettre sa main au feu que c'était Avren qui venait de soulager sa victime de quelques pièces.
Lounaah se redressa, laissant de côté le coin d'ombre qu'elle avait réussi à s'accaparer. Le mage invisible avait beau faire partie des meilleurs voleurs de leur clan, ce n'était pas pour ça qu'elle allait le laisser récupérer toute la gloire.
Elle aurait bien aimé pouvoir se servir de sa magie elle aussi...
En théorie, la magie temporelle était très pratique pour ce genre d'incivilité. En pratique, il aurait fallu qu'elle possède une magie temporelle d'arrêt qui lui permette de figer le temps à n'importe quel moment. La sienne ne lui permettait que d'avancer ou de reculer, la forçant à la jouer vieille école.
La tête rentrée entre les épaules et le dos légèrement courbé, la jeune fille se glissa dans la foule avec agilité. Jouant un peu des coudes, elle réussit à s'approcher du centre de la place où se dressait une fontaine, l'un des rares monuments encore en état de la ville. Cette dernière était décorée des quatre statues, celles des combattants qui avaient mené l'attaque décisive lors de la guerre, une dizaine d'années auparavant. Il s'agissait d'un monument historique qui avait tendance à attirer le regard des voyageurs. C'était d'ailleurs bien les seuls à prendre le risque de garder le nez en l'air pour l'admirer.
Elle ne mit qu'une poignée de seconde à trouver sa cible. Un mage orange, dans la quarantaine, dont la veste bleue détonnait avec le décor gris. En fait, sa personne entière détonnait avec le décor...
A le regarder, on aurait pu croire que la ville lui appartenait, qu'il n'avait absolument rien à craindre. Grossière erreur, personne n'est en sécurité à Karninburg.
Il avait beau la dépasser d'une bonne dizaine de centimètres, il ne lui faisait pas peur. Le seul point qui aurait pu poser problème était sa magie. Un mage de cristallisation n'était jamais à prendre à la légère. A la moindre suspicion, il ne lui faudrait qu'une seconde pour l'arrêter et elle finirait aux mains de la garde.
Mais pour ça...Il fallait déjà qu'il remarque quelque chose.
Avec un naturel déconcertant, Lounaah imita la démarche des autres habitants, rapide et renfermée sur soi-même. Lorsqu'elle arriva à la hauteur du mage orange, le bouscula légèrement et s'excusa dans un bougonnement. Comme elle l'avait prévu, l'homme se contenta de la fusiller de son regard écarlate alors qu'elle disparaissait déjà à travers la foule.
L'adolescente manqua d'éclater de rire, ça avait été si simple ! D'une main, elle soupesa la bourse qu'elle venait de dérober et du retenir le sifflement admiratif. Elle allait en remplir des assiettes avec ça ! Elle jeta un dernier regard derrière elle pour apercevoir une dernière fois sa victime. Qui était suffisamment inconscient pour se balader avec autant d'argent sur soi ?
Lounaah était si abasourdie par la quantité d'argent qu'elle avait entre les mains qu'elle eut une seconde d'inattention. La seconde d'inattention qui lui fit manquer un son qu'aucun voleur ne voulait entendre lorsqu'il était sur la place principale...
Le cliquetis des mécanismes anti-magie.
Elle n'eut même pas le temps de réagir qu'une épaisse fumée rouge se répandit autour de la fontaine, envahissant ses poumons et lui arrachant une quinte de toux. Ce gaz, petit nouveau dans l'arsenal des gardes, était une plaie pour les voleurs dans son genre. Entre les larmes, les quintes de toux, la faiblesse généralisée et la disparition de la magie, il ne laissait que très peu de chance de s'en sortir aux malheureux qui se retrouvaient pris à l'intérieur.
A quelques mètres d'elle, Avren apparu brusquement, à quatre pattes sur les pavés et pris d'une violente crise de toux. Le nez caché sous son coude pour essayer de limiter la quantité de gaz qui pénétrait ses poumons, Lounaah évalua rapidement la situation. Sur la dizaine de gamins qu'elle avait repéré sur la place, une bonne majorité se trouvait en périphérie et avaient eu le temps de voir le nuage rouge avant qu'ils ne les atteignent. Les autres étaient actuellement en train de fuir, se soutenant les uns les autres. Ne restait plus qu'elle, Avren et la trentaine de gardes qui venaient d'entrer dans l'équation.
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Et je suis de retour !!! Je vous avais manqué ?
Je voulais attendre d'avoir entièrement écrit ce tome avant de commencer à poster... Mais je me rend compte que sans la pression d'une deadline... Je suis très peu productif.
Du coup, je pense que je vais commencer par poster un chapitre par semaine, le samedi !
Vous êtes contents ? Moi, oui ! Ce tome, je veux l'écrire depuis si longtemps TT ! J'espère que cette histoire vous plaira autant qu'à moi et merci d'embarquer de nouveau avec moi pour une nouvelle aventure !
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