9. L'orage
En voyant qu'ils s'approchaient de Jubia, Grey voulu s'élancer vers elle. Il s'apprêtait à sauter la défendre quand une poigne ferme le retint. Le contact de cette main étrangère fit monter la rage en lui. Il se retourna vivement et fusilla Natsu du regard. Le jeune homme aux cheveux roses le fixa d'un air impassible. Une brise vint ébouriffer les cheveux de Grey, alors que quelques feuilles se détachaient délicatement de la ramure de l'arbre qui les abritait.
-Qu'est-ce que tu fiche l'allumette ! siffla-t-il à voix basse. Tu vois bien qu'ils vont l'emmener !
-Attends. Regarde. A ton avis, pourquoi est-ce que des mages auraient besoins d'armes ?
Grey regarda Natsu comme s'il venait de perdre la tête. Une autre brise souffla, plus forte que la première. Des cheveux vinrent obstruer son champ de vision. Il les repoussa d'un geste rageur.
-Comment ça ? Et puis....qu'est-ce que tu fiche !? C'est pas le moment de se poser ce genre de questions existentielles ! J'en sais rien moi ! Lâche-moi !
-Non ! Je sais que ce sont des mages, je sens leur énergie magique, mais regarde ! Pourquoi est-ce qu'ils auraient besoin d'armes ? Et Jubia ? Pourquoi elle ne se défend pas ?
Une ampoule s'illumina dans l'esprit de Grey. Il ouvrit de grands yeux et observa Natsu qui le fixait avec un sérieux inhabituel. Une rafale manqua de le faire tomber de la branche. Une tempête se levait. Il fallait faire vite. Mais il se contenta de reporter son attention sur Jubia qui se débattait sans pour autant faire usage de sa magie de l'eau. Il observa la jeune femme qui tentait de libérer son bras et frémit rage quand l'un de ses agresseurs lui caressa la joue. Pourtant, les paroles de Natsu résonnaient encore dans son esprit.
-Tu veux dire que...
-Oui. Je pense que l'un d'eux a le pouvoir d'annuler celui des autres.
-Ce qui veux dire que si nous approchons, ils pourraient aussi nous faire prisonnier, réalisa Grey.
-Exactement. Et dans ce cas, on ne pourrait rien faire pour aider Jubia parce qu'on serait tous pris au piège.
Jubia vit avancer les mercenaires vers elle. Elle se débattit encore plus férocement pour tenter de s'échapper de sa prison végétale. Les ronces lui entaillèrent méchamment la peau et déchirèrent sa robe. La douleur aigüe que provoquait ces blessures lui fit monter les larmes aux yeux. Elle tenta de faire appel à l'eau pour l'aider, mais elle constata avec horreur qu'elle n'avait plus aucun contrôle sur elle. C'était comme si toute énergie magique l'avait quittée et que seul le vide ne l'habitait. Elle réessaya de faire jaillir de l'eau, mais elle ne réussit qu'à se donner la migraine. Essoufflée, elle essaya d'oublier les épines qui se fichaient dans sa peau.
Une main robuste s'abattit sur sa taille et elle senti qu'on la soulevait. Ce simple contact la révulsa et suffit à ce que sa peau se déchire davantage sous la pression des aiguilles de bois. Elle retint un hurlement de douleur. Quelques sifflements de lame plus tard, elle était libre, mais aux mains de ses agresseurs. Une brise vint balayer sa chevelure emmêlée et la ramena dans sa figure. Elle faillit vomir de dégout quand l'un de ses agresseurs posa la main sur sa joue pour dégager son visage.
-Alors ma jolie ? Qu'est-ce que tu fais là ? Ils t'ont abandonnée, c'est ça ? Ou alors ça veut dire qu'ils sont pas bien loin ! ricana l'un des mages.
Son visage était couvert de tatouages plus douteux les uns que les autres. Ils représentaient des scènes de morts les plus sanglantes que Jubia n'ai jamais vu. La jeune femme senti son estomac se soulever. Elle inspira pour calmer son estomac et l'empêcher de faire des siennes. Le vent frais lui apporta un certain réconfort quand il emplit ses poumons, mais elle revint vite à l'instant présent.
-Bien sûr qu'ils ne sont pas bien loin ! Et ils vont venir pour sauver Jubia ! cracha la jeune femme au visage du type aux tatouages, sachant pertinemment que si elle avait prétendu l'inverse, ils auraient vite compris qu'ils étaient tout proche.
Le malfrat tomba directement dans son piège. Il ricana tout en rejetant les épaules en arrière pour paraitre plus menaçant. Il lui souffla son haleine fétide au visage quand il cracha :
-Oh je vois, dans ce cas, je crois qu'on a pas trop de soucis à se faire les gars ! Ils doivent déjà être loin.
Il rit grassement. Un autre mage s'interposa tandis que le vent se levait avec plus de force. Une rafale plus violente que les autres menaça de soulever le manteau de Jubia. Elle réussit cependant à en coincer les pans entre ses cuisses.
-N'empêche, on va devoir les rattraper maintenant.
-Ouais, mais on aura de quoi s'amuser avec celle-là. N'est-ce pas ma jolie ?
Jubia frémit quand l'un des hommes qui la maintenait, un grand jeune homme aux cheveux verts, se pencha pour effleurer sa joue de ses lèvres. Elle se débattit avec plus de forces encore, mais Cheveux Verts la plaqua contre l'arbre le plus proche.
-On se calme ma belle...C'est pas pour tout de suite de toute façon. Et puis, je pense que Raïn voudra passer le premier...
En voyant l'homme aux tatouages ricaner alors qu'il la déshabillait du regard, s'attardant sur sa généreuse poitrine, Jubia crut défaillir. Elle tenta une nouvelle fois de faire appel à la magie, mais ses forces semblaient être bloquées par quelque chose. L'un de ses agresseurs devait surement y être pour quelque chose.
Quand Raïn s'approcha pour la ligoter, elle essaya de se débattre, mais ils étaient six, et elle seule. Le chef de la bande la balança ensuite sur son épaule, comme un vulgaire sac, en prenant soin de poser sa main sur les fesses de la jeune femme qui crut vomir de dégoût.
-Tu aimes ça ma belle ? Ce n'est rien comparé à ce qu'on te fera découvrir tout à l'heure, crois-moi !
Les mains de son agresseur sur elle la brûlait comme un fer chauffé à blanc, elle se débattit avec plus de vigueur encore. Finalement, elle réussit à le faire lâcher prise, mais elle tomba au sol, se cognant durement la tête. Elle senti un des hommes lui glisser quelque chose dans la bouche. Un gout âcre l'envahit et elle écarquilla les yeux en reconnaissant une drogue dont elle avait déjà fait usage auparavant. Jubia jeta un coup d'oeil désespéré vers l'arbre où se trouvait Grey. Elle ne vit que des feuilles, mais elle savait qu'il ne tarderait pas à venir la sortir du pétrin dans lequel elle venait de se fourrer.
Son esprit bouillonnait. Il n'y avait plus aucune place pour des pensées concrètes dans son esprit. La rage l'aveuglait. Un monstre semblait grandir dans ses entrailles et bientôt, il l'engloutirait entièrement. Et il se laisserait aller. Il le laisserait prendre le contrôle et tout dévaster sur son passage. Il le laisserait blesser. Il lui permettrait de déchiqueter. Il l'encouragerait à tuer. Oh que oui. Il le laisserait sentir le gout du sang. Celui de ses ennemis. Celui de ceux qui avaient osé poser la main sur Elle ! Il les ferait souffrir plus qu'il ne l'avait jamais fait avec quiconque.
Mais d'abord, il les retrouverait. Il les retrouverait pour la simple et bonne raison qu'ils avaient disparu. Disparu avec Elle !
Natsu porta un regard inquiet sur Grey. Il le sentait loin. Son regard luisait de haine mais il ne répondait plus à rien. Il ne répondait tout simplement plus de rien ! Il tremblait tellement que Natsu dut l'aider à descendre de l'arbre. Il se serait rompu le cou dans le cas contraire. Et bien qu'il aime se chamailler avec lui, c'était son ami. Il s'agissait de son frère d'arme. Il ne pouvait pas le laisser là, seul. Il fallait qu'il l'aide.
Lucy accouru vers eux. Elle semblait aussi inquiète. La scène qui venait de se dérouler devant eux était tout simplement improbable. Irréaliste.
Ils avaient disparu. Jubia, ses agresseurs, tout. Disparu. Tout simplement. Ils avaient fait quelques pas, puis s'étaient évaporés dans le néant. Jubia avait disparu. Et la conscience de Grey avec elle.
-Grey, murmura Lucy. On va la retrouver.
La voix de la jeune fille sembla tirer le jeune homme de ses pensées noires. Il tourna un regard hagard vers elle, puis secoua la tête. Ses yeux retrouvèrent un éclat de détermination. Pendant un instant, l'obscurité qui faisait partie de lui depuis qu'il était devenu Chasseur de Démon de Glace avait sembler prendre possession de lui. Sa voix insidieuse était venue souffler de noirs desseins à ses oreilles et il avait failli se laisser prendre au jeu. Il sentait que cette noirceur vivait en lui. Il la sentait ramper dans ses entrailles et il détestait cela. Il ne fallait pas qu'il succombe à son appel. Il n'y survivrait sûrement pas.
-Youhou ! Ici la terre ! Eh ! Le glaçon ! T'as entendu ? On va la retrouver !
La réplique de Natsu acheva de le tirer de ses pensées. Il lui adressa un sourire reconnaissant auquel le mage de feu répondit par un hochement de tête compréhensif. La salamandre avait retrouvé son sérieux dès que son ami avait réagi à son appel et il était désormais temps d'élaborer une stratégie. Ils avaient une Jubia en détresse à secourir.
Lucy avait réussi à suivre la trace magique laissée par les mages grâce à l'une de ses clés et le flaire de Natsu avait grandement aidé. Il avait commencé à pleuvoir en plein milieu de leur trajet. Désormais trempé jusqu'aux os, le trio attendait le retour d'Happy qui était parti en éclaireur. Depuis longtemps. Trop longtemps au gout de Natsu. Il s'apprêtait à se lancer à sa recherche quand la petite boule de poil détrempée surgie devant eux.
-Natsu ! Ils sont plus loin, près d'une caverne. Jubia doit être retenue près de l'entrée parce qu'ils semblent surveiller cet endroit tout particulièrement.
-Merci Happy, dit Lucy.
-Il faut qu'on attende que le mage qui bloque notre magie se soit en allé, dit Natsu.
-Mais reste à savoir comment le faire s'éloigner, répliqua Lucy.
-Je pense qu'on devrait faire diversion. L'un de nous s'approchera suffisamment du campement pour les alerter. La seule chose à savoir, c'est d'être certain qu'ils vont envoyer le mage annuleur de magie à notre rencontre et pas le laisser garder un oeil sur Jubia pendant qu'un autre mage sera envoyé vers nous.
-Je suis d'accord avec toi Grey. Et je pense avoir la solution. Si nous montrons une grande puissance magique en approchant, je parierais qu'ils préféreraient envoyer leur antimage plutôt que de risquer une attaque.
Natsu acquiesça sombrement. De l'eau goutta de sa chevelure rosée. Ils élaborèrent leur plan pendant encore quelques minutes. Une fois d'accord sur la marche à suivre, ils se levèrent. L'offensive était lancée.
Le vent giflait sa peau. Les cordes lui entaillaient les poignets et cisaillaient son ventre. L'odeur âcre de fumée provenant du feu obstruait ses narines et écorchait ses poumons. Elle toussa. Sa poitrine lui fit mal. Sa vue était floue et elle ne parvenait pas à distinguer les silhouettes installées près du foyer. Ses cheveux tombaient dans ses yeux et elle parvenait à en sentir l'odeur écoeurante. Un mélange douçâtre d'herbes et de terre qui venait attaquer ses yeux. Sa chute les avait enchevêtrés et parsemés de débris. Un sifflement continu venait lui vriller les tympans tandis qu'elle tentait de relever la tête. Elle avait mal. Ses tempes battaient furieusement au rythme de son sang qui pulsait dangereusement dans ses veines. La nausée lui vint et elle ne put retenir la bile qui venait d'arriver dans sa bouche. Écurée par son état, Jubia ferma les yeux. Ses cils collèrent à ses joues, et elle se rendit compte qu'elle avait pleuré.
Comme dans un brouillard, elle tenta de reconnaitre les lieux. Alors qu'elle parvenait tant bien que mal à soulever ses paupières, une rafale de vent vint soulever sa lourde chevelure bleue et elle put constater qu'elle était liée contre un rocher. Elle en sentait les aspérités dans son dos. Ses bras étaient d'ailleurs meurtris par la paroi de pierre qui était pressée contre sa fragile peau. Son manteau, ou bien sa robe, fendu jusqu'au haut de ses cuisses était désormais complètement déchiré et le vent frais venait mordre sa peau nue.
Elle se rendit compte qu'une tempête faisait rage au dehors. La pluie martelait quelque chose qui la surplombait. Surement une paroi rocheuse, semblable à celle à laquelle elle était rattachée. Désormais, alors qu'elle prêtait attention au phénomène météorologique, elle pouvait percevoir l'odeur de mouillé et de terreau qui lui parvenait de l'extérieur. Une nouvelle rafale de vent vint la gifler de toute sa puissance. Leur abri n'était décidément pas isolé du monde extérieur. Une grotte, ou une caverne. A n'en pas douter.
Jubia était assise à même le sol et en ressentait toute l'humidité et la fraicheur. La froideur semblait s'insinuer dans ses habits, transperçait sa peau et venait pétrifier ses muscles douloureux. Elle était complètement engourdie et ankylosée. Le moindre infime mouvement lui arrachait un gémissement de douleur. Maudite drogue !
Alors qu'elle sentait son esprit s'éclaircir peu à peu, des cris se firent entendre.
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