2| Le chat

HÉLIOS

— Bordel !

Je me frotte péniblement le coude, endolori après s'être cogné sur le mur. Je hais officiellement ma sœur de tout mon être.

Une grimace sur le visage, je fronce le nez et attrape un balai pour récupérer l'objet du crime. Je le garde bien droit devant moi en rejoignant le salon, où les deux sorcières sont en train de regarder la télé.

— C'est à qui, ça ? grogné-je.

En me voyant débarquer comme ça, Daphné étouffe un rire. Allison, elle, arrache son soutien-gorge du balai en me fusillant du regard.

— On ne t'a jamais dit de ne pas toucher aux affaires des autres ? C'est malpoli, débile.

— Et toi on ne t'a jamais dit à quoi servait une corbeille à linge ? rétorqué-je.

Allison roule des yeux et feint de s'en foutre avant de me lancer par surprise une petite claque derrière la tête. C'est sa super technique, ça : maintenant que je suis plus grand et plus fort qu'elle, elle ne peut plus se battre de front avec moi. Aussi, elle me tape quand je ne m'y attends pas pour que la surprise l'emporte sur la douleur.

— Mégère, lâché-je en rejoignant la cuisine.

Loser ! rétorque-t-elle aussitôt du canapé.

— Idiote !

— Débile !

Daphné interrompt ma sœur en lui lançant son regard le plus sévère, probablement pour endiguer les dégâts avant que ça ne devienne trop critique et qu'on passe à un autre registre d'insultes. J'ai remarqué qu'elle a souvent ce regard-là quand je me retrouve dans la même pièce que ma sœur. Mais dieu merci, elle n'intervient jamais verbalement. Elle sait bien que ça risquerait de ricocher sur elle.

Le pire, c'est pendant Mario Kart. Bizarrement, elle trouve toujours une excuse pour aller faire un tour quand on attrape les manettes de Switch. Comme ça, elle n'est pas dans les parages quand Allison se fait massacrer et se met à me hurler dessus comme si c'était ma faute qu'elle ne sache pas se démerder au volant.

Conduire, ce n'est vraiment pas son truc. Ni sur console, ni dans la vraie vie d'ailleurs. Depuis la fois où elle a mis du produit à bulles par erreur à la place du liquide de refroidissement – ne me demandez pas comment c'est arrivé, elle a toujours refusé d'en parler –, elle ne veut plus entendre parler de pédales ou de volant.

Remarque, c'est sûrement mieux pour tout le monde.

— Au fait, Barbara a appelé quand tu étais dans ta chambre. Je lui ai dit que tu étais pris cette semaine.

Je manque de renverser les céréales à côté du bol que j'étais en train de remplir.

— T'as fait quoi ?

— Relaxe, elle n'était même pas vexée. Elle a juste failli éclater en sanglots à l'idée de ne pas te voir pendant une semaine.

Je la fixe une seconde d'un air furibond avant qu'elle ne s'esclaffe en détournant le regard. Dieu merci ; j'étais sûr que c'était une blague, mais je voulais en être sûr.

— Tu sais que si tu le lui demandais, je suis sûre qu'elle sortirait avec toi, ajoute-t-elle lorsque je commence mes céréales.

— Hmmh, réponds-je, la bouche pleine.

Hmmh bouge ton cul, Hélios, rétorque-t-elle en me menaçant du regard, la télécommande dans la main. Si tu ne lui demande pas de sortir avec toi, un autre type le fera.

— Surtout que cette fille est géniale, ajoute Daphné. Elle est drôle, gentille, intelligente et elle adore mes gâteaux.

Je la fixe d'un air sans expression.

— Tout le monde aime tes gâteaux.

— Ah, ça c'est vrai ! s'exclame la blonde d'un air joyeux en se reconcentrant sur la TV.

Dieu merci, Allison semble aussi être soudainement très captivée par l'émission de cuisine qu'elles regardent quasiment tous les soirs. De vraies asociales, je vous jure ; elles passent quasiment toute la journée ici même sous un soleil de plomb, se contentant souvent de dormir l'une sur l'autre toute la journée – et probablement pas que dormir, mais passons. Et le soir, quand elles se réveillent enfin, elles passent toute la nuit éveillées à regarder des séries qu'elles ont pour la plupart déjà vues.

Souvent, quand je rentre après être sorti avec mes potes, je les trouve en train de se faire des mojitos à quatre heures du matin. Parfois elles dansent en même temps et renversent leurs verres partout, ou parfois elles dorment.

Ah, ça, elles dorment beaucoup.

Mon bol de céréales à la main, je rejoins ma chambre d'un pas nonchalant tout en jetant un œil à mon téléphone. Je roule des yeux en voyant qu'Allison a troqué mon ancien fond d'écran de Game of Thrones pour un selfie d'elle avec les yeux rouges et gonflés faisant un doigt d'honneur bien sympa à l'objectif. Je la soupçonne de s'être levée en pleine nuit juste pour me faire sa blague. Étonnant, tiens.

D'aussi loin que je me souvienne, Allison a toujours été quelqu'un de courageux – bien plus que moi, d'ailleurs. Elle n'a jamais eu peur de dire à haute voix ce que les autres pensaient tout bas, ni d'assumer sa sexualité de pansexuelle ou d'ouvrir sa bouche sur des sujets brûlants. La vérité, c'est qu'elle n'a jamais attendu des autres qu'ils se battent pour elle. Elle l'a toujours fait elle même.

C'est peut-être ce que j'aime le plus chez elle – c'est peut-être la seule chose que j'aime chez elle, en fait. Ma grande sœur fume, tout le temps et partout – même dans ma chambre alors qu'on a une maison entière pour ça, putain –, elle jure sans arrêt et en n'importe quelles circonstances – son prof de maths se rappelle encore de la soufflante qu'elle lui avait balancé quand il avait osé critiquer Emma Watson – et elle ne ferme jamais sa bouche, jamais. Ni pendant les films, ni pendant la nuit, ni jamais. Elle parle sans arrêt de ce ton incisif qui la caractérise et qui énerve bien des gens, moi le premier. Si ce n'était pas ma sœur, je l'aurais probablement égorgée depuis longtemps.

C'est d'ailleurs une chose qui m'a toujours surpris : son couple solide avec Daphné. Celle-ci est adorable, bien plus que tout le monde et bien trop pour ma sœur. Mais si moi je suis obligé d'aimer Allison puisqu'on partage le même ADN, Daphné, elle, aurait pu filer il y a un bon bout de temps.

Et pourtant non : elle est là, toujours, depuis des années – combien j'en sais rien, je me fous complètement de leurs anniversaires de couple ou des je ne sais pas quoi que Daphné adore fêter.

Une partie de moi trouve ça réconfortant que ma sœur puisse avoir trouvé quelqu'un qui l'aime autant malgré son caractère de merde parce que je me dis qu'en étant bien moins pire qu'elle, j'ai des chances énormes de réussir à me marier avec n'importe qui. De préférence Megan Fox, si possible.

Quand je pénètre dans ma chambre, mes yeux se posent comme automatiquement sur la boîte glissée sous mon bureau dont on ne voit que les coins lorsqu'on est debout. C'est une sorte de vieux réflexe débile ; comme si chaque fois que j'entrais ici, j'avais besoin de vérifier qu'elle était toujours là.

Un tintement me fait sursauter et je réalise soudain que j'ai fait tomber ma cuillère par terre. En fait, mes mains tremblent tellement que les céréales sautillent dans mon bol.

Sans un mot, je dépose le récipient sur mon bureau et extirpe mon cahier noir du premier tiroir. Je l'ouvre à la dernière page et griffonne quelques dessins sans réfléchir, le cerveau en pause.

Et quand je pose mon stylo, ma main ne tremble plus.

Comme par magie.

— Dis un truc en espagnol !

J'arque un sourcil, amusé.

— Je suis allemand, Axel.

Le blond me regarde avec de grands yeux hagards, un air concentré sur le visage. C'est drôle, il a presque l'air plus intelligent comme ça que quand il est sobre.

— Mais t'as une tête d'espagnol.

Comme chaque fois qu'on me dit ça, je corrige machinalement :

— Mon père est d'origine argentine, et j'ai pris tous ses gênes. Mais sinon, je suis allemand, a-lle-mand. Je viens d'Allemagne, en gros. Tu sais ce que c'est ?

Il pouffe de rire comme s'il me trouvait débile. Depuis tout à l'heure, il secoue la tête en rythme avec la musique de fond, ce qui le décoiffe encore plus que ce qu'il ne l'est déjà – et croyez-moi, ça fait déjà assez pitié comme ça.

Puis, d'un ton très naturel, il rétorque :

— Ben, oui ! C'est le drapeau de la Belgique à l'envers.

J'éclate de rire. Ce mec est incroyable, bon sang.

Je ne le connais pas tant que ça, mais il est toujours là aux soirées auxquelles je suis invité. Je crois qu'on a un ou deux cours en commun à la fac, mais je ne suis pas sûr. En tout cas, il n'est pas en maths-physique avec moi, ça c'est clair. Un type comme ça, je l'aurais forcément remarqué.

Ensuite, je danse un peu et crie avec les autres sur un rap que tout le monde connaît. Je fais aussi quelques poses débiles sur les photos des quelques filles de ma classe qui sont présentes et rit une ou deux fois avec des amis. Jusque-là, la soirée se passe bien, comme toutes les autres.

Vers deux heures du matin, je jette un œil à mon portable et constate que j'ai reçu un message de Barbara. Un fin sourire éclaire mon visage et j'annonce à Axel – qui titube près de moi depuis des heures – que je vais dehors une minute.

Les yeux sur mon portable, je salue une fille que je reconnais sur le chemin jusqu'à la porte. Puis, une fois dehors, je m'assieds sur l'une des marches en pierre devant la maison et me pose pour répondre à Barbara.

Barbara : Tu passes une bonne soirée ? :)

Je lui avais proposé de m'accompagner ici ce soir mais elle avait trop de travail à l'agence. Elle est tout le temps débordée, comme si elle ne pouvait pas se permettre de faire ne serait-ce qu'une seule fois les choses à moitié.

Hélios : Yep. Au compteur : macarena 1, Hélios, 0.

Barbara : Alors là, j'aurais voulu voir ça.

J'esquisse un sourire quasi automatique, comme chaque fois que je suis en contact avec cette fille.

Ma sœur a peut-être raison : si je le lui demandais, elle voudrait probablement sortir avec moi. Le truc, c'est que je ne suis pas Allison, et que je ne suis pas né avec une dose de courage surhumaine. Et puis, je suis un homme de science : statistiquement, il y a toujours un certain pourcentage de chance qu'elle refuse. Et dans ce cas, non seulement je me sentirais comme un con mais en plus, je risquerais de gâcher notre amitié.

Et ça, ce serait vraiment dommage.

Soudain, alors que je tape ma réponse avec un fin sourire sur les lèvres, j'entends un bruit sourd provenir de la maison d'en face. Surpris, je fronce les sourcils et relève la tête, les sens en alerte.

Plus je tends l'oreille, plus les sons sont distincts. Il me faut une bonne minute pour comprendre qu'il s'agit de chuchotements, chuchotements qui proviennent de la haie.

— C'est quoi ce bordel ? lâché-je entre mes dents en me redressant.

Une fois sur mes pieds, je marche tout doucement jusqu'au portail pour me rapprocher du bruit. C'est là que j'entends assez distinctement :

— Allez, viens-là !

Surpris, j'hésite une seconde puis m'exclame, le cœur battant :

— Y'a quelqu'un ?

Un gros bruit de feuillage retentit et d'un seul coup, une silhouette émerge de la haie. C'est une brune complètement décoiffée qui semble avoir à peu près le même âge que moi, si bien que je pense d'abord qu'elle a été invitée à la fête mais qu'elle est sortie prendre l'air. Puis, je remarque qu'elle porte un short de pyjama sous un long t-shirt troué sur bas.

Aussi, je me gratte la tête et rétorque :

— Euh, bonjour.

Elle me fixe, les yeux ronds comme des soucoupes.

— Bonjour.

On se fixe un instant sans rien dire, seul le bruit des voitures qui roulent dans la rue en parallèle troublant le silence.

— Alors, tu... Cherchais quelque chose ? Ou tu viens cambrioler cette maison, peut-être ?

Même dans le noir, je la vois hausser un sourcil. Elle semble avoir repris contenance et me fixe d'un air confiant, légèrement froid sur les bords.

Malgré ça, c'est drôle mais je sens tout de suite une bonne aura se dégager d'elle. Comme si instantanément, je me sentais à l'aise.

— Exactement. Du coup je murmure dans la haie pour me faire remarquer, sinon c'est trop facile.

J'esquisse un sourire amusé.

— Ah, je vois. La menace de l'alarme ne te suffisait pas ?

— Non. Je suis une malade, moi.

J'arque un sourcil, mon sourire s'élargissant d'autant plus.

— Je vois.

— Hmh. Bon, tu comptes me dénoncer ? demande-t-elle alors en se mettant à taper du pied. Si oui fais-ça vite s'il te plaît, j'ai des tas de trucs à faire.

Je manque d'éclater de rire et brandit mon écran de téléphone juste sous ses yeux.

— Il est quatre heures, remarqué-je.

Elle croise les bras sur sa poitrine.

— Oui, oui, eh bien certains ont des vies plus remplies que d'autres.

Oh, pensé-je. Drôle, brune et sarcastique ; il ne manquerait plus qu'elle ait des problèmes familiaux tortueux, et elle ressemblerait officiellement aux personnages de films sur lesquelles je crush toujours.

— Dans ce cas je ne vais pas te déranger plus longtemps, déclaré-je en enfonçant mes mains dans mes poches. Bonne soirée.

— Ouais, bonne soirée.

Je recule jusqu'au portail, mon sourire taquin toujours sur les lèvres. Mais arrivé devant chez moi, je m'arrête et fais volte-face. De l'autre côté de la rue, la fille a replongé ses mains dans la haie.

— Maintenant que je t'ai pris la main dans le sac tu ferais mieux de t'en aller, non ? lui crié-je. Je peux toujours appeler les flics !

Je vois sa silhouette se redresser quand elle me répond d'une voix toute aussi forte que la mienne :

— Tu me fais pas peur !

Je manque d'éclater de rire. Bien sûr que je ne fais pas peur ; je suis l'archétype du gentil garçon, grand et tout mince avec un sourire débile. Allison adore se foutre de ma gueule en disant que si je vivais dans un teen movie, je serais le meilleur ami de l'héroïne qui reste à vie dans la friendzone.

— Ah ouais ? Tu devrais peut-être, j'ai des preuves contre toi.

En tendant l'oreille, je croirais presque l'entendre étouffer un rire moqueur. Bon bah nickel, elle se fout de ma gueule.

Bizarrement, j'adore ça.

— Quelles preuves ?

Je grimace. OK, j'avoue, je n'ai pas de preuves.

Aussi, je prends bien soin d'enclencher le son de mon portable et prend une photo qui ne passe pas inaperçue, en partie à cause du flash ultra bruyant mais également parce qu'aussitôt la photo prise, je m'exclame d'un air joyeux :

— Voilà, maintenant j'ai des preuves !

Dans la haie d'en face, la brune s'agite toujours. Bon, c'est officiel, elle m'intrigue.

— En vrai, je peux savoir ce que tu fais ? lui demandé-je une fois arrivé à son niveau.

Pliée en deux, elle jette un regard pénible au pied des arbres.

— Je cherche une bête féroce et sauvage. C'est pas pour toi, donc.

Ah bah très bien, ça vise à balles réelles.

— Quand tu dis une bête féroce et sauvage, tu veux dire que tu cherches ta jumelle ?

Elle ne m'accorde même pas un regard.

— Bof, ta répartie. Et non, désolée, je cherche un chat.

Sur ce, elle se redresse. Ses cheveux mi-longs caressent ses épaules tandis qu'elle lève les bras au-dessus de sa tête en grimaçant, faisant craquer son dos par le même coup.

— Comment s'appelle ton chat, alors ? demandé-je finalement.

Elle me fixe un instant, un air renfrogné par-dessus ses traits à moitié masqués par l'obscurité.

— Euh, je ne sais pas, avoue-t-elle alors. Et pour tout te dire, je m'en fiche un peu. Je veux juste le retrouver et le donner à l'adoption.

J'arque un sourcil avant de rétorquer, sarcastique :

— Waouh, tu as l'air d'être vraiment quelqu'un de bien.

Les lèvres entrouvertes, elle me fixe un instant avant de hausser une épaule.

— Oui, je trouve aussi. Parce que si je ne trouve pas ce chat, il n'aura plus de famille. Au moins, si je le fais adopter, il vivra une vie de chat bien remplie et il fera... des trucs de chat, je suppose.

J'étouffe un rire en secouant la tête, les yeux brillants.

— Hmh. Et il vient d'où cet animal, si tu ne sais même pas comment il s'appelle ?

Elle me regarde alors dans les yeux, semblant me jauger du regard. Puis, comme si elle avait soudain décidé que j'étais digne de confiance, elle braque son regard sur la maison derrière elle et me répond :

— Je viens d'arriver ici et, hum... J'ai trouvé une gamelle, donc j'en ai déduis qu'il y avait un chat. Mais comme je ne l'ai vu nulle part depuis que je suis arrivée, j'en ai déduis qu'il devait se planquer puisque sa maîtresse n'est plus là.

Soudain, une ampoule s'allume dans ma tête.

— Tu es la fille de Félicia ?

Elle semble surprise d'entendre ce prénom sortir de ma bouche.

— Non, sa nièce.

Je ne sais pas comment est-ce que j'ai pu passer à côté. Maintenant qu'elle le dit, je ne remarque plus que ça : elle a exactement ces yeux noisette légèrement en amande, ce nez droit et ce menton brusqué caractéristiques de sa tante. Un visage à la fois fin et caractériel qui m'a souvent fait penser à Cléopâtre, sans trop savoir pourquoi.

— Tu es son portrait craché, dis-je avec un sourire.

Elle me regarde une seconde puis acquiesce sans un mot en détournant les yeux. Je comprends alors mon erreur et m'empresse de balbutier :

— Oh, euh, désolé, c'est... Toutes mes condoléances.

Pendant une seconde je crois voir ses yeux se voiler mais très vite, elle reprend son air impassible et passe une mèche de cheveux fins derrière son oreille en tapant du pied d'un air impatient.

— Bref, je dois retrouver ce foutu chat sinon je n'arriverais jamais à dormir, conclut-elle.

Sur ce, elle se penche de nouveau et se remet à dire « minou minou » en fouillant sous les branchages.

De mon côté, je n'hésite pas longtemps avant de proposer :

— Tu veux que je t'aide à le trouver ?

La brune continue sa marche le long de la haie d'un air nonchalant, comme si ma présence lui était complètement indifférente.

— Non merci, je vais me débrouiller. Et puis, j'entends la musique résonner d'ici ; la fête bat son plein, visiblement. Tes amis doivent te chercher partout.

Je me retourne brièvement et fixe un instant la maison, d'où la musique s'échappe effectivement des quelques fenêtres ouvertes. Maintenant que j'y pense, mes potes doivent effectivement se demander où est-ce que je suis passé – d'autant plus que la fête se passe chez moi, tout de même.

Merde, je suis vraiment le pire hôte du monde.

— C'est pas faux... admis-je.

J'imagine soudain Axel en train de tituber dans le salon, se cognant dans les coins de table et renversant de la tequila dans les plantes pour les arroser.

— Ouais, non, faut que j'y aille, conclus-je ensuite.

— OK.

Le ton désinvolte de cette fille me surprend. Est-ce qu'elle se fiche vraiment de mon existence, ou est-ce qu'elle est trop polie et n'ose pas me dire que je la fais tout simplement chier ?

Les mains enfoncées dans les poches de mon jean, je la regarde appeler le chat et finis par dire :

— Bon, bah... À plus.

Là encore, elle ne relève pas la tête. Pourtant, cette fois, je jurerais qu'elle s'est retenue de ne pas me lancer un sourire.

— Ouais, peut-être. Ou pas.

Je lève les yeux au ciel en souriant.

— Ou pas, répété-je.

Puis, je fais volte-face et rejoins ma maison d'un pas tranquille, les mains toujours dans les poches et un fin sourire aux lèvres. Et lorsque j'arrive devant chez moi, je jette un dernier regard de l'autre côté de la rue. Je remarque alors que la brune est toujours en train de farfouiller dans la haie, imperturbable, comme si mon passage avait déjà été oublié.

Comme si je n'avais jamais existé.

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