.2.3.
C'est donc d'une démarche nonchalante et peu pressée que je parcours les cinq cents derniers mètres qui me séparent de la grille d'entrée du site militaire. La voie, bordée d'arbres de plus de six mètres de haut aux feuilles allant d'un vert anis au mauve pâle, est composée d'un mélange de sable et de gravier artificiels. Apparemment, c'est tendance en ce moment, alors le Gouvernement a décidé d'en foutre partout. Personnellement, je trouve que c'est chiant, car ça dégueulasse les pompes – surtout lorsqu'elles sont noires et cirées comme mes rangers – et quand il pleut, bonjour la bouillasse que ça donne !
Lorsque j'arrive devant l'accès réservé aux piétons, un boîtier, situé sur le pilier au niveau de ma tête, pivote dans ma direction et se déplie pour me proposer un cadran tactile. J'appose ma paume de main dessus et après quelques secondes d'attente, un déclic m'indique que la porte vient de se déverrouiller. Je pousse le battant. Bienvenue au Camp de Base n° 2. Cet endroit ne m'avait pas manqué.
Je parcours le chemin dallé jusqu'à l'entrée du bâtiment principal où deux baies en verre dépoli s'ouvrent automatiquement devant moi. Le hall, spacieux, moderne, lumineux... n'en reste pas moins froid. Même mon appartement miteux me paraît bien plus chaleureux en comparaison.
Un agent se tient derrière l'unique comptoir de l'accueil et me fixe d'un œil morne le temps que j'arrive à sa hauteur.
— Elyess Amisson, me présenté-je.
Il pianote un moment sur l'écran caché par la partie haute du comptoir et incline légèrement la tête sur le côté lorsqu'il me trouve enfin dans le registre.
— Chambre 237, me répond l'homme en me tendant une tablette.
Je colle à nouveau ma paume sur la surface translucide, le temps que mon sýn se synchronise avec le système de sécurité du Camp de Base afin de m'autoriser les accès selon mon niveau d'accréditation – c'est-à-dire le strict minimum.
— C'est votre deuxième année donc vous connaissez le principe, mais je me dois de vous le rappeler ; une fois dans votre chambre, vous devrez à nouveau vous synchroniser avec le système. Là, vous recevrez toutes vos instructions ainsi que le planning des prochains jours. Les espaces qui vous sont autorisés se déverrouilleront si vous apposez votre paume sur les terminaux d'accès, et ce uniquement selon votre temps effectif au Camp de Base. Durant vos missions ou lors de vos permissions, les accès seront verrouillés par mesure de sécurité. Si vous avez besoin d'accès supplémentaires pour une quelconque raison, il vous faudra passer par votre hiérarchie. C'est-à-dire : effectuer une demande officielle auprès de votre Caporal qui la transmettra ensuite au Commandant du Camp de Base. Des questions ?
— Non.
Je repose la tablette sur le comptoir d'accueil avant de contracter le poing. Chaque synchronisation me provoque des fourmillements dans la paume, il faudrait que je songe à consulter un MediTech pour qu'il regarde ce problème de plus près. Puis, sans même prendre la peine de saluer le soldat qui m'a tout l'air de s'ennuyer ferme, je tourne les talons et me dirige vers les escaliers qui mènent aux niveaux supérieurs.
Arrivé au deuxième étage, je m'engage dans le couloir sur la droite et cherche le numéro 237. Quelques portes plus loin, j'y suis. Je pose ma paume sur le terminal et entre dans la pièce exigüe. Là, j'effectue une nouvelle synchronisation qui m'engourdit presque entièrement la main, puis balance mon sac sur le lit. En plus d'une tablette fixée au mur et d'une penderie intégrée, on y trouve une chaise et un petit bureau en akhélisium. Comme je sais que toutes les chambres sont identiques – et minuscules –, je ne prends pas la peine de faire le tour du propriétaire et ressors immédiatement pour me rendre dans le vestiaire de notre escouade. Pas besoin de consulter le planning, je sais déjà ce qui m'attend.
Connaissant le chemin, il ne me faut pas plus de trois minutes pour m'y rendre, ce qui fait que je suis pile à l'heure lorsque je franchis enfin la fameuse porte. Aussitôt, mon regard est capté sur la droite par une tête blonde non coiffée et deux yeux d'un noir abyssal. Tout comme moi, il a revêtu une tenue sombre d'entraînement, comme exigée dans la convocation. Même assis, Nathanéon en impose. Loin de ressembler à un mastodonte, il reste néanmoins bien bâti avec une musculature puissante et élégante. Mais je crois que c'est surtout l'aura qu'il dégage qui fait la différence. Un peu comme Navy. Car même ceux qui le connaissent bien évitent de trop se frotter à lui.
Comme d'habitude, il ne sourit pas franchement, mais l'éclat dans ses yeux me prouve qu'il est heureux de voir ma tronche. Et le sentiment est largement partagé. Même si ça ne fait qu'un mois qu'on ne s'est pas vu, ce couillon m'a manqué.
Je balaye rapidement la vaste pièce blanche du regard. Nous sommes les premiers. Je me dirige vers Nathanéon, cogne mon poing contre le sien et m'assieds sur le banc métallique noir qui court sur une grande partie des murs. Celui situé à ma droite est réservé aux casiers avec une porte en son centre qui donne sur un autre couloir, lui-même menant au stade. Je m'adosse au mur et croise les bras sur ma poitrine. Du coin de l'œil, je vois mon pote jouer distraitement avec une enveloppe blanche qu'il tient entre ses mains. Il doit sûrement s'agir de la liste des personnes affectées à son escouade. C'est bien le genre du commandant Dianr d'utiliser ce mode de communication datant d'une autre ère sur une planète différente et tombé en désuétude, alors que tout le monde a dû recevoir sa convocation sur son Pròsopo il y a soixante-douze heures.
— T'as jeté un œil à la liste ? m'enquiers-je.
Nathanéon secoue la tête. Ça ne m'étonne pas plus que ça. De toute manière, j'imagine qu'il a dû trouver l'enveloppe dans son casier en arrivant, alors la lire maintenant ou attendre que les nouvelles recrues débarquent les unes après les autres... ça ne changera pas grand-chose.
D'ailleurs, la porte du vestiaire ne tarde pas à s'ouvrir pour céder la place à Siarra. D'une démarche souple et assurée, elle se dirige vers nous pour venir cogner son poing contre les nôtres. Un sourire en coin étire ses lèvres tandis qu'elle coince une mèche de cheveux noirs un peu rebelle derrière son oreille. Je la sens prête à lâcher une connerie comme elle seule en a le secret, mais elle finit par se raviser devant l'air fermé de Nathanéon. En plus d'être une femme franche et droite, elle est aussi dotée d'un caractère bien trempé et d'un bon esprit d'analyse. Aussi, elle sait quand il vaut mieux garder sa langue dans sa poche avec mon pote. Elle vient s'asseoir à côté de moi, pointant son visage triangulaire sévère et ses iris d'un vert perçant en direction de la porte.
Siri est la deuxième à nous rejoindre. Elle doit bien faire une tête de plus que Siarra et sa peau est aussi sombre que celle de sa camarade est claire, faisant ressortir ses deux grands yeux bleu opalescent. Plus timide et réservée que Siarra, elle se contente d'un sourire discret avant de s'asseoir à son tour. Parfois, il lui arrive d'ajouter des perles brillantes dans ses cheveux drus, mais aujourd'hui, elle les a plaqués sur son crâne pour les ramasser en une queue-de-cheval, lui donnant une allure plus sportive que d'ordinaire. À l'inverse de Siarra qui n'a pas peur de froisser les égos des autres, Siri incarne la douceur et la diplomatie. L'une et l'autre se sont bien trouvées et ont apporté un bon équilibre à l'escouade que nous formions l'an dernier.
Toutes deux sont arrivées en même temps que moi au Camp de Base. Du groupe de l'an dernier, il ne reste plus que nous quatre. Les autres, ayant enfin atteint vingt-neuf ans, ont fini leur seconde année de Noviciat. Ils ont alors pu réintégrer leur poste ou leur cursus d'apprentissage ou encore poursuivre une carrière au sein de l'armée pour ceux qui se seraient découvert une nouvelle vocation.
Les filles gardent le silence, tout comme Nathanéon et moi. Ce ne sont pas des bavardes et je crois que c'est pour ça qu'on s'est tout de suite bien entendu avec elles. Je ne suis pas mécontent de savoir qu'elles feront partie du groupe cette année encore. Il n'y a plus qu'à espérer que les autres soient du même acabit que Siarra et Siri. À savoir : débrouillardes, déterminées et loyales. Si elles étaient moins à cheval sur certains principes, je pense qu'elles auraient tout à fait eu leur place au sein des Black Ravens.
Tandis que je m'imagine la réaction de Navy si je devais lui présenter les deux jeunes femmes, la porte du vestiaire s'ouvre une nouvelle fois, cédant le passage au troisième larron de notre trio légendaire. Rode.
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Voici le deuxième protagoniste principal de Grecka, j'ai nommé Elyess, un brin bagarreur et grande gueule.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais m'est avis qu'ils ne vont pas s'ennuyer au Camp de Base ^^
À bientôt pour la suite ❤
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