Avec tout ce que j'avais imaginé dans ma tête sur ce moment clé, jamais je n'aurais cru que ce soit si bouleversant. Des abysses de plaisir brut. Une communion entre lui et moi dont j'avais besoin.
— Je t'aime, lui répétai-je, alors que nous étions confortablement installés dans mon lit.
Nous avions pris une douche, l'eau chaude nous débarrassant de la sueur et autres fluides, tout en déliant nos muscles. Apaisés, la fraîcheur des draps nous poussait à nous câliner.
— Moi aussi, je t'aime, souffla-t-il en papillonnant des yeux.
Un sourire joyeux s'accrocha à ma bouche et je le pris dans mes bras pour l'enlacer avec tout mon amour. J'espérais que Jay captait la solennité de cet instant magique. Parce que pour moi, lui faire l'amour revêtait de l'importance que j'accordais à notre relation. C'était un moyen de prouver à quel point je m'investissais, combien je voulais que cela fonctionne malgré mes réticences. Il n'y aurait plus de retours en arrière, pas après avoir vécu cette intimité avec lui.
Me sentir en lui, vibrer sous la force de notre connexion... ce genre de sensations ne s'éprouve que lorsque l'on est amoureux. Sans l'amour, le sexe n'est jamais aussi puissant, peu importe les fantaisies que l'on y apporte, coucher pour le simple fait de trouver son plaisir, n'égalera jamais l'extase d'être en communion avec un partenaire aimé.
*
La situation était assez gênante. Je me retrouvais à table pour un repas familial chez Jay. Ses parents avaient voulu officialiser notre histoire en m'invitant à dîner. C'était une gentille attention. Toutefois, le regard noir de Théo me crispait.
Au début, il avait fait mine de m'ignorer. Les conversations ne manquaient pas et il participait sans jamais me répondre directement. Michel et Jeanne l'avaient remarqué, Jay fulminait dans son coin, mais tout le monde faisait semblant. Pour assurer une bonne ambiance.
Le café et la tarte tatin finis, nos discussions s'essoufflaient et la tension grimpa en flèche. Toutes les personnes ici présentes savaient qu'une fois la soirée terminée, je rentrerai chez moi, en compagnie de Jay. Parce que c'était samedi et que généralement, nous passions le week-end ensemble, si tant est qu'il travaillait assez en semaine.
Ainsi, l'animosité évidente de Théo grossissait. Franchement, il me tapait sur le système.
— Bon, on va y aller, nous, intervint Jay en se levant de table. C'était super bon, maman !
— Oh, merci, mon chéri. Vous voulez emporter le reste de tarte ?
— Pourquoi pas.
— Ce serait très gentil, merci, Jeanne, répondis-je.
Tout le monde se leva de concert et un branlement de combat s'enclencha. Chacun aida à débarrasser jusqu'à ce que je me retrouve dans l'entrée, un Tupperware dans les mains.
— Tu reviens quand tu veux, assura Michel, sa main sur mon épaule.
— Merci, répétai-je avant de quitter la maison en compagnie de Jay.
C'était agréable de se sentir soutenu dans notre amour. Malgré leur réserve, les parents de Jay nous acceptaient.
Tandis que nous rejoignions ma voiture, garée dans la rue, Théo nous interpella.
— Roman, tu as une minute ?
Je me tournai vers lui, sourcils relevés de surprise. Jay se tenait à mes côtés, visiblement tendu. Lui aussi peinait à retrouver une relation avec Théo.
— Je voulais te parler de l'anniversaire de Frank. Tu lui as dit que tu venais avec Jay.
— Et alors ?
— Tu vas amener mon frère à l'anniv de l'un de nos meilleurs potes ? s'indigna Théo.
— Où le problème ? s'enquit Jay.
— Le problème, c'est que je n'ai pas envie de vous voir roucouler alors que c'est la fête de mon pote !
Son emportement réveilla toute ma frustration face à son rejet.
— Frank est aussi mon ami, précisai-je.
— Ok, oui, mais tu es obligé de venir avec Jay ?
— Mais t'es pas croyable ! s'emporta aussitôt Jay. Tu peux pas passer à autre chose ? On est heureux ensemble, on s'aime, c'est si difficile à accepter ?
— Tant mieux pour vous, répliqua-t-il. Ça ne change rien au fait que ça me met mal à l'aise, ok ? Ce soir, vous vous êtes contenu parce que vous étiez face aux parents, mais vous ne vous privez pas en soirée, alors que je suis là !
Nous avions passé une soirée tous ensemble, parce que la bande avait invité tout le monde et nous étions des personnes intelligentes. Théo nous avait ignoré et nous en avions fait de même. Pourtant, il avait raison dans ses propos. On ne se retenait pas dans nos attentions l'un envers l'autre.
Apparemment, cela perturbait Théo bien plus que je ne pourrais l'imaginer étant donné que j'étais fils unique.
— Nous avons été ami, Roman, reprit-il plus calmement. Et Jay est mon petit frère, tu comprends ? Je n'ai pas envie d'être mêlé à ça, je... ça ne me regarde pas. Même si je sais bien ce qu'implique une relation, je ne devrais assister à vos effusions. Un peu de pudeur, merde !
— Oh ça va, ne fait pas ta sainte nitouche, grommela Jay en levant les yeux au ciel.
— Ça n'a rien à voir. Je suis de ta famille, je ne suis pas ton pote. Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais adaptez-vous et ayez un peu de respect.
— Tu-
— D'accord, coupai-je Jay. Tu as raison, on s'est montré trop démonstratif la dernière fois. On fera plus attention.
Théo plissa les yeux vers moi puis hocha la tête. Il tourna les talons et nous en fîmes de même. Si j'avais eu le moindre espoir concernant notre relation, il était anéanti. Le temps n'avait pas changé son point de vue et notre amitié était bel et bien révolue.
*
La musique transcendait les élèves. Les pas s'enchainaient avec rythme et détermination. Le tympo que j'avais choisi pour cette chorégraphie était soutenu, cela leur demandait beaucoup d'effort de gérer leur souffle.
Et l'endurance n'était pas le point fort de tous.
— Arnaud, tu faiblis ! criai-je par-dessus la chanson.
Je l'entendis grogner, sa cadence ralentit au point de se retrouver en retard par rapport aux autres. Mon regard scanna l'ensemble de mes danseurs pour noter ceux qui éprouvaient des difficultés. Jay captura mon attention deux secondes de trop. Lui aussi peinait à suivre.
Ma montre bipa et annonça la fin de la séance.
— Allez, les gars, c'est fini ! indiquai-je en coupant la musique.
Mes élèves s'effondrèrent au sol avant de s'échapper vers les vestiaires. Seul Jay s'éternisa pour venir se pendre à mon cou.
— Tu as été horrible, soupira-t-il.
— Et tu as été en retard la moitié de la chorégraphie.
— Ta choré est ignoble.
— Tu as d'autres reproches ou tu comptes m'embrasser ?
Jay ricana et s'éleva sur la pointe des pieds pour m'offrir ses lèvres. Il s'améliorait énormément depuis qu'il avait intégré ma classe et j'adorais lui donner confiance en lui. Toutefois, aucun traitement de faveur ne lui était accorder, il devait connaître ses faiblesses et les travailler.
Le bac arrivait à grand pas et quand bien même il se sentait prêt, ce n'était qu'une étape de son parcours d'avenir. L'École Supérieur d'Art Dramatique était exigeante.
Tout comme l'était la bouche de Jay à cet instant. Son baiser devint profond, avide.
— Roman... susurra-t-il contre mes lèvres.
— Oui ?
— J'ai un problème. J'ai toujours envie de toi après avoir assisté à ton cours. C'est gênant.
Je pouffai de rire, mes mains saisissant ses hanches pour le plaquer contre moi.
— Tu auras tout le temps de profiter de moi ce week-end.
— Hum, oui, mais, c'est maintenant que je te veux, minauda-t-il en glissant ses mains sous mon haut.
Il caressa mon dos avant de flatter mes côtes et d'attraper l'élastique de mon survêtement.
— Je me souviens de ce que tu as dit un jour... Comme quoi tu étais assez coquin pour faire des truc dans cette salle.
— Des trucs comme danser, tu veux dire ? feignis-je de ne pas comprendre.
— Non, des trucs obscènes.
Le rictus qui étira les lèvres de Jay m'excita au plus haut point. Sa fougue n'avait pas diminué, c'était même le contraire depuis que les barrières entre nous étaient tombées.
— Alors... c'était des paroles en l'air ? insista-t-il.
Sa provocation affichée m'amusait énormément. L'idée qu'il proposait réveillait un incendie dans mon bas-ventre. Il pensait que dépassé vingt-ans, les gens n'étaient plus aussi spontanés ou aventureux dans le sexe... et il osait dire que c'était moi, le pessimiste ?
— Je te propose quelque chose. Si tu parviens à faire le grand écart imposé pour ma choré sans aucune fausse note, tu seras libre de réaliser ton petit fantasme d'ado en chaleur.
Jay écarquilla les yeux. Je ne sus s'il était choqué par mon chantage ou par le reste de ma phrase. Son expression provoqua un grand sourire sur mes lèvres.
Il avait beaucoup de mal avec le spin into a split, c'est-à-dire la vrille sur la tête suivie d'un grand écart au sol.
— Est-ce que tu penses vraiment que je vais me dégonfler ?
— Oh, je sais que tu vas accepter ce défi.
— Évidemment que oui !
Sur ces mots, il se détourna pour reprendre sa position au centre de la salle. Parfois, je cédais à ses provocations par pur plaisir de le voir gagner et parfois, j'aimais retourner la situation à mon avantage. Moi aussi, je connaissais ses faiblesses.
Et bien que le sexe soit tentant, je mettais un point d'honneur à lui apprendre tout ce que je savais sur la danse. Et il fallait qu'il maitrise cette figure.
— Allez, je suis prêt, clama Jay, le regard vif.
— Bien, n'oublie pas ta récompense avant de commencer, rétorquai-je avec un clin d'œil.
Jay plissa exagérément les yeux dans ma direction puis inspira profondément. Il fit un premier essai. Et échouait. Une deuxième. Puis un troisième.
— Jay... soupirai-je. Je te pensais plus souple que ça.
— La ferme ! Tu me déconcentre avec ton regard !
— Quel regard ?
— Je suis pas un de tes bonbons, rouspéta-t-il en faisant un geste vers mon paquet.
J'adorais grignoter des Tagada après avoir danser, où était le mal ?
— Tu es jaloux de mes fraises Tagada ? ricanai-je.
— Je suis pas jaloux ! Mais tu me mates comme si tu allais me bouffer alors que t'es assis sur ta chaise et que tu me regardes me vautrer. Et je me vautre à cause de toi !
Il poussa un énième soupir, désespéré.
— Tu te vautres parce que tu ne t'échauffes pas correctement, quand bien même tu sors d'un cours. Et surtout parce que tu es trop lent dans ta vrille. Tu croises bien après l'axe.
— Bla-bla-bla. J'ai plus envie de toi, façon. On peut arrêter, maintenant ?
— Non.
— Non ? couina presque Jay, les yeux ronds.
— Moi, j'ai toujours envie de toi. Ton idée me trotte dans la tête, j'attends de pouvoir l'exécuter alors concentre-toi et réussi ce grand écart.
Mon petit-ami sembla déstabilisé par mes mots, avant que son expression passa à la détermination et le Jay obstiné apparut. Il sautilla sur lui-même, déliant ses muscles avant de fléchir les genoux pour les chauffer. Il adopta une posture en fente avant pour travailler d'autres muscles, puis enchaina plusieurs mouvements d'étirement et d'échauffement.
Je l'observai attentivement, le cœur battant à tout rompre. Je voulais le voir réussir.
Il se plaça dans la position de départ, jambes écartées, tête au sol, un bras en appui sur la main, l'autre en appui sur le coude. Je l'entendis inspirer et vider ses poumons plusieurs en prévision de la contraction en série qu'il s'apprêtait à faire.
Après une impulsion mesurée, ses jambes s'élevèrent vers le plafond avant de se croiser avant l'axe ce qui entraina la rotation de la tête et du buste. Il se réceptionna dans un rebond, son buste droit et ses jambes en position de grand écart.
— Parfait, le félicitai-je avec joie.
Jay se releva tel un kangourou et cria son enthousiasme.
Et sur cette réussite, il fonça sur moi pour chevaucher mes jambes et m'embrasser avec ferveur. La journée était finie, peu importait qu'il reste des élèves dans les vestiaires, plus personne ne viendrait dans cette salle.
Nous succombâmes donc à l'appel de la chair et de l'amour. Je ne m'en privais pour rien au monde, son corps était d'une douceur infinie, sa chaleur était exquise et son odeur envoûtante. Et surtout, j'avais accès à son cœur et ses sentiments à chaque fois. Il m'offrait tout.
Et je lui donnerais tout de moi, le temps que cela durerait. En espérant que notre amour surmonte nos différences, qu'il surpasse notre écart d'âge.
Parce qu'un grand écart peut faire peur, pour autant, il témoigne d'une grande ouverture, d'une souplesse à toute épreuve et surtout, il représente un mouvement esthétique unique et envié. En tout cas, dans le domaine de la danse. J'aimais à croire que le parallèle reflétait la vérité. Ouverture d'esprit, tolérance et acceptation, beauté et amour.
Alors oui, nous avions une différence d'âge, mais comme en danse, nous transformerions ce grand écart en quelque chose d'époustouflant.
*
⭐️
FIN
Je me suis engagée à raconter l'histoire de deux âmes qui se sont aimés malgré les préjugés. Ils ont respecté les règles, se sont fiés aux normes et soumis à la bien-pensance. Et alors, leur amour s'est transformé en malédiction. Est-ce juste ?
Il y a des règles qui ne doivent jamais être transgressées, des codes sociaux qui délimitent le bien et le mal. Et il y a des circonstances atténuantes.
Par chance, Roman et Jay ont trouvé la paix et l'amour. Ils ont eu le courage de résister lorsqu'il le fallait et de succomber lorsqu'il était temps.
♥️❤️❤️🔥🧡💛💚💙💜💗
🏳️🌈
⚣
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Voici le dernier chapitre de mon histoire "Grand Écart". J'aime les fins dites "abruptes", selon moi, il n'y a rien de plus à ajouter à ce dénouement plein d'espoir et d'amour. Cependant, il est possible que j'écrive des bonus pour faire vivre mes chéris un peu plus longtemps. J'y réfléchis...
Quoi qu'il en soit, j'espère sincèrement que cette histoire vous aura plu autant que moi. N'hésitez pas à me donner votre avis final sur l'intégralité de mon roman.
Merci à tous ceux qui m'ont lu entièrement, qui ont commenté, ri, pleuré ou se sont énervés avec mes personnages. Merci à ceux qui ont voté, ainsi qu'aux lecteurs fantômes. Vous faites vivre mes écrits et c'est la plus belle des récompenses.
😘
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