Chapitre 47 : Jay
Il était canon. Sa peau était marquée par le froid extérieur, ses yeux étincelaient à cause du vent et le gris de ses prunelles reflétaient la couleur du ciel nuageux. Je le fixai, le corps saisit par le besoin de le toucher.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demandai-je, la voix rauque.
— Qu'as-tu fait à tes cheveux ? esquiva-t-il.
— J'avais besoin de changer un peu, expliquai-je en fourrant ma main dans la mèche qui me tombait sur le front. Ça te plaît pas ?
Roman se lécha la lèvre inférieure, son regard sur mes boucles bleus. Le mouvement innocent de cette langue me retourna les entrailles et agita mon bas-ventre.
Mais plus que tout, sa présence me comblait de joie.
— C'est... surprenant.
— Je sais que ça me va bien, tout le monde m'a complimenté, m'enorgueillis-je dans un sourire.
— J'imagine.
Il me rendit un sourire, petit rictus sur le coin de sa bouche et détourna le regard.
— Qu'est-ce que tu fais là, Roman ?
Sa présence était inattendue. Il m'avait quitté et m'ignorait royalement depuis presque un mois. Avait-il changé d'avis ?
Mon cœur bondit à cette idée. Le voir aussi près de moi était déjà un cadeau en soi, si en plus il me revenait alors je me mettrai à faire mes prières du soir avec plus de rigueur, c'était certain.
— Je crois... j'avais besoin de te voir, murmura Roman.
— Je suis content de te voir, moi aussi.
Je fis un pas dans sa direction et il abaissa la tête vers moi. Sa présence me donnait des ailes, elle réanima tout mon être.
— Est-ce que... tu dois rentrer chez toi tout de suite après les cours ? me questionna-t-il, hésitant.
— Non, si tu me ramènes en voiture, nous avons environ une heure pour... faire ce qui te semble juste, répondis-je.
— Juste ?
— J'aurais plutôt dit, ce que tu veux faire, mais je te connais alors je m'adapte.
Mon plan pour reconquérir Roman était progressif. Première étape, convaincre mes parents de reprendre les cours particuliers au studio de danse. Étonnamment, mes parents avaient accepté. J'étais remonté à bloc pour reprendre ma vie en main, mais finalement, je n'avais rien eu à faire, Roman était venu à moi de lui-même.
J'espérais qu'il était là pour me reconquérir.
— D'accord, alors... Allons à ma voiture.
Je hochai la tête et le suivis dans la rue jusqu'à son véhicule garé le long du trottoir. Une fois à l'intérieur, Roman mit le contact et activa le chauffage. Le silence s'imposa, pendant lequel l'habitacle se réchauffa et j'en profitai pour retirer ma doudoune.
— Tu me manques, avoua Roman, se renversant contre l'appui-tête. Je ne pensais pas que ce serait si difficile de me résilier.
Il s'interrompit et je ne fis qu'attendre, les mains tremblantes et le cœur lourd. Je lui manquais, mais était-il là pour arranger les choses, pour revenir sur sa décision ? Son visage grave me faisait douter.
— Je n'ai pas changé d'avis, tu sais ? dit-il, comme s'il avait lu dans mes pensées. Je pense toujours que notre différence d'âge poserait problème dans la dynamique de notre couple. Le truc c'est que j'ai beau penser ça, ça ne me permet pas de passer à autre chose. Je n'arrive pas à vivre avec cette idée. Tu as fait une erreur et sans doute que tu en feras encore, mais... moi aussi, je risque de faire des erreurs, d'avoir un comportement que tu ne comprends pas ou que tu n'as pas envie de supporter à ton âge.
Incapable de prononcer le moindre mot, je gardai le silence, espérant qu'il enchaîne sur quelque chose de plus positif.
— Tu m'as demandé de pardonner et je crois... je crois que je peux faire ça. Parce que l'alternative ne soulage ni mon cœur ni ma conscience. Je suis malheureux.
Cet aveu me coupa le souffle. Le silence nous enveloppa et je cherchais quoi dire. Il regardait dans le vide en direction de la rue alors que toute mon attention était sur lui. Tout mon monde était concentré sur Roman. Et ça m'allait, je n'avais pas peur. Ni de mon amour pour lui, ni des obstacles que nous aurions peut-être à franchir.
Tout à coup, je compris que c'était ça la différence entre nous deux.
— Je suis malheureux moi aussi, indiquai-je fermement. Malheureux que l'homme que j'aime ne me trouve pas suffisant. Que je ne sois pas assez bien pour que tu prennes le risque. Je suis vraiment dévasté à l'idée que ce soit la peur qui te dirige, Roman.
À mes mots, il redressa la tête et me regarda, les yeux brillants, l'expression farouche.
— Tu as toujours eu peur. Peur de l'aspect légal de notre relation, peur du regard des autres, du quand dira-t-on, de l'opinion de Théo, peur que je te trahisse, peur qu'on ne s'entende pas sur le long terme. Peur, peur, peur. Tu as peur de tout.
— À juste titre, Jay. J'ai perdu mon ami et tu m'as bel et bien trahi.
— Oui, c'est vrai, mais est-ce pour cela que tu es triste aujourd'hui ?
Roman fronça les sourcils et je pris sa main dans la mienne. Le toucher m'ancra, cela me permit d'être connecté à lui, de pouvoir enfin mieux respirer, d'espérer aussi.
— Tu es malheureux parce qu'on est séparé tous les deux. Peut-être que moi aussi, je me pose des questions sur nous, mais ce n'est pas important parce que je n'ai pas les réponses. Je ne suis pas devin et tout ce qui m'importe, c'est d'être bien. Et c'est avec toi que je suis heureux pour le moment. Est-ce que ça va fonctionner ? J'en sais rien. Qui peut le dire ? Si on n'essaie pas, on ne saura jamais. Et je préfère vivre avec des remords plutôt que des regrets.
Il ne répliqua pas, se contenta de me fixer. À la place, sa main peigna mes cheveux et ce geste doux me fit fermer les yeux pour mieux l'apprécier.
— C'est vrai que ça te va bien ce bleu, ça te rend encore plus... solaire.
J'ouvris les yeux, un sourire éblouissant sur le visage. C'était le plus beau compliment que l'on pouvait me faire. Oui, je voulais être solaire. Plein de vie, scintillant, passionné et irrésistible.
— Merci, soufflai-je, ému.
— Tu as raison, Jay, j'ai peur, admit Roman sans cesser de me caresser les cheveux et la nuque. J'ai peur parce que contrairement à toi, j'ai déjà aimé et j'ai déjà été déçu. Comme tous les obstacles de la vie, ça marque et j'imagine qu'au plus on vieillit, au plus on accumule les coups durs. Certains deviennes mornes, aigris, d'autres en font une force, se montrent plus sages. Pour le moment, moi, j'essaie de me protéger.
Roman abaissa sa main en soupirant, mais je la rattrapai pour que nos mains soient toujours réunies ensemble, ne formant qu'un. Confus, je demandai plus de précisions et il me révéla son passé et son histoire avec un certain Thomas.
Je n'avais jamais posé de questions sur ses relations sentimentales, par peur de subir les réponses. De me rendre compte que je ne ferais jamais le poids, que je ne serais jamais à la hauteur.
En un sens, il avait raison, j'étais jeune pour comprendre certaines choses. J'ignorais tout de l'affection, de la tendresse, de la confiance et de l'amour. Tout ce qui se rapportait à ces mots concernait ma famille et avec Roman, ça n'avait absolument rien à voir.
— Je ne suis pas ce Thomas, chuchotai-je.
— Je sais, s'empressa-t-il. Mais j'ai ressenti la même douleur. Aimer quelqu'un qui se joue encore de moi, qui se sert de notre relation, de mes faiblesses pour arriver à ses fins. Avec le recul, j'ai compris à quel point ton erreur et la sienne étaient complètement différentes, je sais que tu es sincère dans tes sentiments, Jay. Je ne doute pas de ton amour.
— Alors donne-nous une chance, Roman. Je suis prêt à apprendre à tes côtés, à grandir et évoluer et je suis prêt à te montrer qu'être candide, parfois c'est une bonne chose, qu'on peut être heureux sans se préoccuper de grand-chose d'autre ! Je suis amoureux pour la première fois de ma vie et je... je ne sais pas exactement comment ça marche, mais je suis sûr que ça en vaut la peine.
Mon souffle court comprimait ma poitrine, l'importance du moment impactait mon corps. Ses mains se dégagèrent des miennes et il empauma mon visage.
— Comment fais-tu ça ?
— Quoi ça ? demandai-je d'un ton bas, mon esprit centré sur ses mains sur moi.
— Être toujours aussi optimiste, ne jamais éprouver de peur, être aussi... serein.
— Je ne sais pas, soufflai-je. Mais j'ai peur parfois. J'ai eu peur de ne plus jamais te revoir, j'ai peur de ne plus jamais te sentir m'embrasser et-
Roman ne me laissa pas finir. Ses mains raffermirent leur prise sur ma mâchoire et il s'empara de mes lèvres. Je l'embrassai en retour avec l'énergie du désespoir, mes mains s'accrochant à sa veste, espérant qu'il ne s'échappe plus jamais. La joie et le soulagement m'inondaient de toute part, c'était si agréable !
J'aurais aimé que ce baiser dure indéfiniment, il réanima progressivement chaque chose positive en moi. Roman finit par se reculer en posant son front contre le mien, essoufflé.
— Ça te dit de reprendre les cours de danse avec moi ? me demanda-t-il dans un murmure.
— Je... oui, bien sûr, j'ai même... demandé à mes parents.
— Ton père est venu me voir, m'apprit-il.
— Quoi ?!
— Il est venu me voir pour m'inciter à te donner des cours. Il a aussi dit que... ils ont deviné pour notre relation et ils ne s'y opposeront pas.
J'écarquillai les yeux, abasourdi. C'était quoi cette foutue histoire ? Mes parents étaient au courant pour moi et Roman ? Mais depuis quand ? Mon cerveau se mit à réfléchir avec vivacité pour trouver des réponses jusqu'à ce que Roman me détaille leur conversation.
Cela faisait beaucoup d'informations et d'émotions d'un coup, je restai donc sans voix.
Roman ricana avant de se pencher pour déposer un baiser sur mes lèvres entrouvertes. Oh mon Dieu, j'étais au Paradis.
— C'est dingue, ils ne m'ont rien dit, remarquai-je.
— Peut-être voulaient-ils que cela vienne de toi ?
— Je n'aurais rien dit.
J'appuyai cette déclaration d'un regard ferme, ce qui fit sourire Roman. Son regard était tendre et je repensai tout à coup à ma confession envers mes potes.
— Pas à mes parents, repris-je. Mais... je l'ai dit à Mike et Hugo, ils en avaient marre de me voir déprimer, j'étais... Ils s'inquiétaient et j'avais besoin d'eux pour supporter...
— Hé, m'interrompit-il en caressa ma joue tendrement. C'est pas un problème. Je comprends et je ne t'en veux pas.
Un poids énorme s'évapora de mes épaules. Tous ces fils de mensonges et de dissimulations venaient de disparaitre. Tous nos proches étaient au courant, je n'étais plus empêtré dans une situation délicate et Roman assumait notre relation malgré nos différences.
— Est-ce qu'on peut... aller chez toi ? m'enquis-je sans réfléchir.
J'avais terriblement envie de me retrouver dans un endroit plus confortable que sa voiture pour pouvoir me blottir contre lui, profiter de ses bras et de... mes pensées s'interrompirent lorsque Roman pinça les lèvres.
Merde. J'avais été maladroit dans mes propos, il interprétait sûrement de travers !
— Non, oublie, je... tu devrais me ramener chez moi, conclus-je.
— Tu sais que j'aimerais rester avec toi, mais-
— Oui, je sais. Nous devons faire les choses bien pour que ça marche, je suis d'accord avec toi.
Roman soupira, le regard pétillant. Il déposa un baiser sur les lèvres avec une douceur qui trahit sa reconnaissance face à ma sagesse.
— Je vais prévenir tes parents pour les cours, mais peut-être que tu peux leur parler de notre... réconciliation ? Je préférais que ça se passe bien pour qu'on puisse se voir. Sortir avec un mec puni, c'est pas le top.
Je me renfrognai à cette idée, même si Roman avait raison. J'allais devoir parler à mes parents à cœur ouvert concernant notre relation. Ainsi, nous n'aurions plus besoin de nous cacher et notre histoire aura enfin la chance de s'épanouir.
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