Chapitre 34 : Jay

Mon ventre gargouillait atrocement sous l'effet de l'angoisse. Seul dans le box spécialement réservé pour moi, je ruminais.

Mon esprit me ramena à ma dernière soirée avec Roman, quelques jours plus tôt. Ça avait été un moment incroyable. J'aurais aimé passer la nuit avec, peut-être que j'aurais eu des papouilles, des bisous dans le cou et des mots doux ?

Merde, mon côté guimauve était gerbant !

Au lieu de ce rêve, j'avais été engueulé et fessé, rien que ça ! Ma journée de cours n'avait rien eu de spéciale, si ce n'était qu'Aria faisait tout un programme pour mon anniversaire.

Le soir au studio, j'avais récuré comme à mon habitude, entre deux cours et deux baisers volés avec Roman. Et voilà ce qui me mettait dans un état de fébrilité extrême.

Nous avions passé un cap ensemble, dans la confiance et Roman n'avait pas eu l'air de paniquer après coup. Même s'il m'avait stoppé dans ma fellation, il n'avait pas reculé, simplement, il avait repris le contrôle, imposant lui-même ce qui était acceptable selon lui. Je n'avais pas protesté parce que j'étais heureux de chaque moment d'intimité que je pouvais grappiller. Et Dieu que c'était bon.

Avais-je oublié à quel point le sexe était aussi délicieux ? Ou était-ce Roman qui me donnait cette impression ? Impossible de savoir avec exactitude, j'étais un peu perdu. Chamboulé par les vagues d'émotions que j'avais éprouvées. Je ne m'en préoccupais pas parce que j'étais accaparé par bien plus grave.

Pour le moment, tout ce qui pouvait m'atteindre était mon mensonge qui grossissait à vue d'œil au point de m'engloutir. Lorsque Roman m'avait raccompagné ce soir, il avait proposé quelque chose et j'avais dû refuser, prétextant un retard sur mes devoirs. Une excuse qui à coup sûr marchait puisque jamais, au grand jamais, Roman n'empiéterait sur mes études et mes révisions. C'était clairement de la manipulation.

Et voilà que dans ce box, attendant mon client, je comprenais l'ampleur de ma situation. Non seulement, je lui cachais que je travaillais toujours en tant que strip-teaseur, mais en plus, je jouais avec ses faiblesses et sa culpabilité. J'étais ignoble.

La sensation désagréable dans mon ventre venait de cette constatation, j'étais un putain de connard avec lui. Un connard sur le point de faire un strip-tease à un vieux jusqu'à me retrouver à poil ! Et même si en temps normal, je n'y voyais aucun problème, à présent cela me donnait l'impression de faire quelque chose de mal.

Bordel, je faisais une connerie, pas vrai ? Ma conscience me hurlait que oui. J'étais avec Roman, ce qui se passerait dans quelques minutes serait certainement une trahison...

Tout à coup, le rideau fut tiré pour laisser passer un grand homme tiré à quatre épingles. Je reconnus son visage et son grand sourire.

— Bonsoir, mon beau, roucoula-t-il.

— Bonsoir, Monsieur.

— Oh non ! s'exclama-t-il. Pas de Monsieur qui tienne ! Appelle-moi Frédéric.

Il referma correctement le rideau derrière lui puis vint près de moi sur la banquette au centre. Son regard devint avide, m'inspectant consciencieusement. Comme ordonné, j'avais revêtu un costume, celui de son choix, c'est-à-dire un uniforme d'écolier. J'en étais très mal à l'aise, mais c'était mieux que la panoplie de lapin ou encore de chien qui était proposée. Je n'en revenais pas que des gens demandent réellement ce genre de choses.

— Je n'avais pas oublié à quel point tu es beau, souffla-t-il.

Sa main toucha ma joue et je luttais pour ne pas me dérober. Un autre sourire éclatant de sa part avant qu'il ne s'assoie, jambes ouvertes et me fasse signe de me mettre en place.

— Prends ton temps, je veux que ce soit langoureux. Déshabille-toi lentement.

Je hochai la tête puis commençai au rythme de la musique. Chaque pièce de tissus fut enlevée, mes chaussettes hautes, les bretelles à pinces, mon petit short, et enfin, la chemise. Le temps filait et le stress me faisait transpirer plus que d'habitude. Les yeux noirs de l'homme me scrutaient avec une intensité qui me fit frémir. Et pas dans le bon sens.

Il guidait mes mouvements, me demandant souvent de me tourner, de me pencher. Lorsque je fus en slip, Frédéric grogna et s'enquit d'une voix grave :

— Approche-toi.

En deux pas, je me retrouvais entre ses jambes. Mon faux sourire charmeur plaqué sur le visage, je tentai de ne rien montrer de mon malaise. Le client posa ses mains sur moi, sur le côté de mes cuisses, glissant lentement jusqu'à ma taille. Il fixait mon torse et mon entre-jambe avec insistance et une boule d'appréhension se forma dans mon estomac. 

Allait-il demander plus que la dernière fois ? Je n'avais pas été prévenu. Putain ! Personne ne m'aurait prévenu puisque c'était inexistant du point de vue du patron. Cela ne concernait que le danseur et le client. Frédéric n'avait rien dit, rien demandé.

— Tu as l'air si jeune...

Encore cette réflexion bizarre. Je bougeais toujours sur les tonalités de la musique et mon client se montra plus entreprenant. Il me força à lui tourner le dos et ses mains caressèrent mon dos, mes hanches, mes cuisses et elles progressaient vers mes fesses. Rien de trop direct, il restait à proximité, mais son avancée était claire.

Je respirais de plus en plus vite, paniqué à l'idée qu'il me demande des faveurs sexuelles. Finalement, au bout de plusieurs minutes, il demanda à ce que je retire le slip, dernier vêtement sur moi. Les mains tremblantes, je fis comme demandé. Frédéric me garda dos à lui, contemplant sûrement mes fesses.

— Continue de danser, susurra-t-il.

Je n'avais même pas remarqué que j'avais arrêté. Mon bassin se remit difficilement en mouvement, le cœur battant à tout rompre sous l'angoisse. Les secondes s'écoulèrent et le client ne me toucha pas, ce qui me soulagea.

Jusqu'à ce qu'il pose ses grandes mains sur moi et me tourne vers lui. Ses doigts frôlaient à peine ma peau et en d'autres circonstances, peut-être que ce toucher léger aurait pu être agréable, mais pas en ce moment. Je ne le regardais pas, fixant mon regard sur le rideau face à moi.

— Plus près, maintenant, gronda-t-il, me faisant presque sursauter.

La danse de strip impliquait une certaine proximité, je le savais et je l'avais fait avec lui la dernière fois, chevauchant ses jambes pour faire des mouvements plus explicites. Pour autant, je n'avais aucune envie de le faire maintenant. La bile monta dans ma gorge et aucune inspiration ne calma l'acidité.

Quand le show prenait-il fin ? Mes yeux se rivèrent à l'horloge, ce qui m'indiqua que j'en avais encore pour dix bonnes minutes.

— Joli sexe, me complimenta Frédéric.

— Merci, soufflai-je à contrecœur.

Par je ne sais quel miracle, mon corps continua à danser avec un certain automatisme. Peu à peu, je sentais mon esprit s'engourdir, j'étais moins vif, moins présent sur l'instant. Je divaguais pour ne plus voir le client. Malheureusement, ce dernier se rappelait à moi en caressant mon corps avec plus d'entrain.

Je ne pouvais rien dire tant que ses mains ne se posaient pas franchement sur mes parties. Et ce fait me déstabilisait. Je n'aimais pas du tout ce qui se passait. Ma mâchoire se serra avec force.

Je pensais à Roman et l'amertume emplit ma bouche. Putain, j'allais vomir sur Frédéric. Quel con, jamais je n'aurais dû accepter ce show, même pour deux cents euros !

Mes pensées me furent brutalement arrachées par un contact inopiné sur mon entre-jambe. Tout mon corps tressaillit.

— Eh ! beuglai-je en essayant de me dégager.

Une de ses grandes mains se plaqua dans mon dos, me retenant contre lui. Ses doigts caressaient mon sexe et j'en fus terrorisé.

— Chuuuut, inutile de t'inquiéter. Je te paierais pour ça, dit-il, les yeux brillants.

— Non ! Je fais pas ça !

Mes bras poussèrent sur ses épaules pour me relever, mais sa main sur mon sexe était toujours là, à me... Finalement, je poussai avec plus de rage et déconcerté, il me lâcha. D'un bond, je m'écartai de lui et il se leva.

— Je paierai, répéta-t-il. Désolé si je n'ai pas proposé avant, mais on peut s'arranger maintenant, si tu veux.

— Non, répétai-je, la voix tremblante. Je fais rien de... Pas d'extra.

Frédéric plissa les yeux, la bouche pincée. En un pas, il m'accula contre le mur derrière moi. Son regard changea immédiatement, il devint dur et colérique.

— Comment ça, pas d'extra ? J'ai réservé ce box exprès ! Tu crois que je dépense autant juste pour te voir gigoter ? gronda-t-il, la voix acerbe.

— Je...

Tétanisé par le son de sa voix, sa posture imposante et la situation, je ne parvins pas à parler. Mon corps tremblait et je ne savais plus quoi dire, quoi faire, comment réagir. Tout devint obscur.

Le client fit un pas de plus et encore une fois, il me toucha, agrippant mon sexe dans une poigne ferme et serrée qui me fit hoqueter de surprise. La terreur resserra ses griffes sur moi à l'image de ses doigts sur mon intimité.

— Sois un bon garçon et laisse-toi faire. Tu seras correctement récompensé.

Noir. Tout était noir dans ma tête, ma vision se flouta, mes oreilles bourdonnaient et mes membres s'engourdissaient. Je ne voulais pas. Non, je ne voulais pas.

— No- non, parvins-je à articuler.

— Non ? répéta-t-il en serrant plus fort mon sexe.

Une grimace tordit les traits de mon visage et la peur grimpa en flèche. Avalant la grosse boule dans ma gorge, je tentais de reprendre contenance. La panique me bloquait et je hurlais intérieurement.

Mes pensées étaient décousues. Le visage de Roman s'imposa dans mon esprit et cela m'aida à chasser l'engourdissement. D'un geste brusque, je tapai son bras de toutes mes forces. Il me lâcha dans un grognement et se recula de surprise. Je parvins à reprendre une bouffée d'air, tout en m'éloignant de cet homme.

— Je ne fais pas d'extra, c'est non négociable, clamai-je.

Ma voix n'avait rien d'assuré et ce fut sur des jambes tremblantes que je rejoignis le rideau. L'homme de la sécurité pivota vers moi alors que je sortais en chancelant, et il me barra la route de son grand corps.

— Eh, mec, tu peux pas sortir à poil, c'est interdit.

Mortifié, je cachai mon entrejambe avec mes mains. Mes yeux s'embuèrent tout à coup.

— Tu vas bien ? s'inquiéta le gars de la sécurité.

Mes pensées s'échappèrent à nouveau. Dérivant sur ce que je venais de vivre, sur les mains de Frédéric sur moi, sur la sensation d'emprisonnement.

— Tout va bien, un malentendu, c'est tout, expliqua une voix grave dans mon dos.

Je vis sa main me tendre le slip et je récupérai rapidement le vêtement pour l'enfiler. Incapable de parler, je m'échappais simplement, fuyant vers les vestiaires. J'aurais dû crier, l'accuser, mais j'étais comme prisonnier dans un brouillard de peur.

Interloqué par ce qui s'était passé, je tremblai de plus en plus. Je voulais partir loin, sortir de cet endroit à la musique trop forte, aux odeurs ignobles. Je voulais fuir.

J'attrapai mes affaires, m'habillai en vitesse et sans prendre le temps de parler à qui que ce soit, je sortis du club. Le froid de la nuit me fouetta le visage. Ravivant un semblant de lucidité, exposant plus clairement les implications de ce qui s'était passé.

Mes jambes flageolantes ne me portèrent plus et mon corps s'affaissa contre le mur de la façade. Il y avait toujours quelques personnes à l'entrée du club, dont le videur qui me jeta un coup d'œil.

— Ça va ? Besoin d'aide ? questionna-t-il.

J'agrippai mon sac à dos, respirant au point d'hyperventiler. Je devais répondre. Répondre quoi ? Avais-je besoin d'aide ? 

Je venais d'être... quoi ? Qu'est-ce qui s'était passé au juste ? Comment qualifier ça ?

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