Chapitre 32 : Jay
Roman me regarda avec une expression bizarre, un mélange d'hésitation et d'envie.
— Quoi ? On pourrait aller manger sur les quais, non ? dit-il, un peu incertain.
Sa proposition m'interpella. Il était plus de vingt-une heures, comme à chaque fois que l'on terminait le travail au studio de danse. Généralement, il s'empressait de me ramener chez moi ou, plus récemment, chez lui pour manger un bout vite fait avant de me raccompagner. C'était la première fois qu'il proposait une telle chose.
Nous étions en semaine, alors il ne me ramènerait pas trop tard, sachant que le lendemain, je devais aller au lycée et qu'il travaillait.
— Alors ? insista-t-il devant mon silence.
— Tu veux aller au restaurant ? répétai-je.
— Oui.
L'idée avait l'air sympa. Sur les quais en plus, ce serait... cool. Je ne dirais pas le mot en R, faut pas déconner non plus. Les papillons dans mon ventre se mirent à effectuer un ballet aérien.
— D'accord, acceptai-je finalement.
— Ne t'inquiète pas, on pourra passer du temps chez moi avant que je te ramène.
Sa phrase fut suivie d'un clin d'œil espiègle et mon cœur se mit à danser.
Lorsque nous étions chez lui, notre proximité grandissait et j'avais bon espoir que Roman m'offre plus d'intimité à chaque fois.
Il avait d'ailleurs vaguement sous-entendu que je profiterai de son expérience... Ainsi, je comptais bien finir la soirée au lit avec Roman, nu de préférence.
Roman me sourit et récupéra ma main pour poursuivre notre chemin jusqu'à sa voiture garée non loin du studio. Le trajet se fit en silence, pour ma part j'étais stressé. Complètement fébrile. Mes mains tremblaient tellement que c'en était ridicule. Fallait me comprendre ! C'était mon premier vrai rendez-vous avec un gars ! Du moins, un rendez-vous qui n'implique pas un fast-food ou un recoin sombre pour se peloter. J'allais au restaurant accompagné de mon mec. Mon cœur cognait avec force contre mes côtes, si bien que, une fois sur place, je faillis louper la conversation entre Roman et le serveur à l'entrée du restaurant.
Interloqué, j'écarquillai les yeux vers Roman, qui fit mine de ne pas me voir. Le serveur nous accompagna jusqu'à une table pour deux, près de la vitre, donnant directement sur le Rhône.
La lumière des lanternes laissait des trainées jaunes sur l'eau paisible. La table était dressée d'une nappe blanche et accueillait de la vaisselle apparemment coûteuse. L'endroit était magnifique. C'était classe, trop pour un gars comme moi.
Mon ambiance, ça avait toujours été les snacks ou les pique-niques à l'arraché.
— Tu avais réservé ? finis-je par dire, une fois le serveur parti.
— Oui, j'espérais que tu accepterais.
Mal à l'aise, mes dents trituraient ma lèvre inférieure, mais je tentai un sourire sans succès. Roman le remarqua immédiatement et plissa les yeux.
— Tu n'aimes pas ?
— Si ! Si, c'est vraiment beau ici, répondis-je vivement.
— La bouffe est vraiment bonne et c'est tranquille.
Le serveur réapparut avec les cartes et en silence, nous choisîmes notre plat. Une grosse boule se formait dans mon ventre, le malaise en moi prenait toute la place. Pourquoi diable étais-je ainsi ? Ce n'était qu'un resto, merde !
Je finis par choisir quelque chose de simple, ne comprenant pas la moitié des plats proposés sur cette carte de malheur. Roman ne fut pas surpris de m'entendre commander une entrecôte frite, un classique indétrônable, selon moi. Monsieur l'Adulte prit une dorade au beurre citronné accompagné de riz machin chouette avec des trucs muches en farandole. Je retins de lever les yeux au ciel.
Malgré mes appréhensions, le repas se passa vraiment bien. Roman démarra naturellement la conversation, comme à chaque fois, très peu conscient de ma gêne. Il me permit de me détendre et j'en oubliais presque que cette soirée ressemblait beaucoup à un rencard d'adultes comme j'en voyais dans les films.
Les sujets tournaient autour de la danse pour ne pas changer, il me donna énormément de conseils pour m'améliorer, il m'encouragea avec force et me complimenta, me faisant rougir jusqu'à la racine des cheveux.
— Tu es vraiment doué. Tu as la souplesse, la dextérité et la passion. Je suis sûr que tu seras prêt techniquement très rapidement.
— J'ai un bon prof, insinuai-je avec un clin d'œil.
Puis nous parlâmes d'avenir, de mon projet d'intégrer l'école supérieure d'Arts Dramatiques, mon envie de faire du théâtre aussi.
— J'aimerais bien trouver une place dans une troupe itinérante pour partir à l'étranger, voyager tout en jouant sur scène, confiai-je en dévorant mon plat.
— Tu aimerais voyager ?
— J'adorerais ça. Voir d'autres paysages, m'imprégner d'autres cultures.
Naturellement, notre conversation dériva sur nos destinations de rêve, ce que nous aimerions visiter dans le monde, la culture passionnante du Japon, les Pyramides en Égypte, le Corcovado au Brésil et même le lac salé Titicaca en Bolivie.
— J'ai toujours été amusé par ce nom, rigolai-je.
— Tu sais ce qu'il signifie ?
— Non, répondis-je en secouant la tête.
— Lac des pumas de pierre. En langue aymara. Ça vient d'une légende. Les Dieux auraient envoyé des pumas pour punir les hommes d'avoir grimpé la montagne, puis ces pumas se seraient changés en pierre pour former l'île du Soleil où vivent les indiens quechuas.
Son histoire me captiva, m'impressionnant tellement que je ravalai ma blague sur les tentes quechuas achetés à Décathlon. Ça aurait fait tâche devant le savoir de Roman, que je trouvais incroyable.
Le ventre plein, les yeux pétillants de bonheur, le repas s'acheva. Roman paya, me faisant un clin d'œil amusé devant ma grimace. Comment aurais-je pu payer un tel dîner ? Tout l'argent que je me faisais en travaillant allait directement sur un compte pour mes études. Je n'y touchais jamais. Et Roman le savait, il le respectait, me félicitait même pour le sérieux de ma démarche. J'en ressentis une fierté inconsidérée.
Et à nouveau cette sensation de culpabilité à l'idée que je lui mentais comme un connard. J'étais fermement décidé à arrêter ce job de strip-teaser après la soirée de ce week-end. Cette décision ferme et définitive calma ma voix intérieure.
Dans la voiture, Roman posa une main sur ma cuisse tout en conduisant tranquillement. Aucune musique dans l'habitacle, pas de conversations. Seulement ma respiration altérée par mon désir grandissant. Le contact de cette simple main me rendait fou.
Une fois chez lui, l'ambiance se chargea d'électricité. Je n'arrivais pas à parler, tout mon être était déjà projeté dans ce qui allait arriver. Ou ce que j'espérais qu'il se passerait. Sans un mot, je partis dans sa chambre, me déshabillant totalement, pour montrer clairement qu'il n'y aurait pas de dérobade.
Roman entra à son tour dans sa chambre et je l'entendis jurer.
— Qu'est-ce que tu fais ?
J'allumais la petite applique près de la tête de lit en bois et la lumière douce illumina les draps vert foncé.
— Je me mets à l'aise, on a une heure devant nous.
N'osant pas me tourner vers lui, je me glissais sous les draps frais, frissonnant d'anticipation. Roman s'éclipsa dans la salle de bains et je tentai de me calmer. Mes nerfs allaient me lâcher. L'excitation se battait à présent avec une certaine appréhension. Mes doigts se crispèrent sur le drap, mes yeux balayèrent la pièce à la recherche de quelque chose sur lequel se concentrer.
Les meubles en bois, la malle sous la fenêtre, la télé, le miroir plaqué sur la porte de placard. Mon reflet me fit de l'œil. Mes cheveux en bataille, mes joues rouges, mes prunelles marrons. Je respirais trop fort, trop vite. Mon sexe était déjà dressé, nom de Dieu ! Fallait que je me calme.
Sur cette pensée, Roman arriva, vêtu d'un short en coton noir et torse nu. Il éteignit la lumière principale, plongeant ainsi la chambre dans une semi-obscurité, et nonchalamment, il vint me rejoindre dans le lit. Qu'est-ce que c'était que ce silence, cette ambiance étrange ? Les yeux gris de Roman vinrent me caresser et d'une main, il m'attira à lui. Mon buste tomba sur lui et ma bouche rejoignit la sienne naturellement.
— Tu aurais pu mettre un caleçon, souffla-t-il contre mes lèvres au bout d'un moment.
— Non, contrai-je fermement.
— Tu vas regarder la télé nu ?
— Je vais baiser nu, rectifiai-je avec une certaine provocation.
Roman poussa un grondement de gorge amusé.
— Je n'ai toujours pas accepté de coucher avec toi, Jay.
— Alors qu'as-tu accepté ?
— Je ne sais pas, plus... d'intimité. Mais pas...
— Ok, soufflai-je, me jetant sur ses lèvres pour le faire taire.
Plus d'intimité signifiaient préliminaires. Soyons réaliste, c'était déjà du sexe. Tout l'enjeu était là. Roman avait foi en moi, en nous ; sa confiance devint limpide, puissante et elle provoqua un élan d'émotions.
Reconnaissant, heureux, euphorique, excité, mon corps s'anima en un clin d'œil, il remua pour se mouler contre celui plus dur de Roman, pour épouser chaque courbe. Ma bouche partit explorer son torse, lécher ses tétons que je savais sensibles, pour sucer la peau fine de sa hanche, de ses flancs, pour planter mes dents dans son épaule.
Roman haletait et moi, j'implosais intérieurement. Mes doigts tremblants retirèrent son short et caressèrent ses cuisses musclées, appréciant les poils fins jusqu'à rencontrer la peau lisse et douce de sa hampe.
— Je peux ? m'enquis-je, fébrile.
— Oui...
Roman me fixa attentivement, le regard féroce.
Subtilement, doucement, avec tendresse, je caressai son sexe gonflé, appréciant le velouté de sa peau. Mon cerveau de réfléchir à mes mouvements, je me contentai de ressentir et graver chaque sensation.
Roman respirait fort, contractant par vagues ses abdominaux si bien dessinés. Ses doigts voyageaient sur mon corps, me frôlaient pour délivrer une myriade de frissons extatiques.
— Jusqu'où je peux aller ? demandai-je dans un murmure.
Pendant trop longtemps, il se contenta de me fixer de ses yeux gris, mais il finit par se racler la gorge et me répondre :
— Je... t'arrêterai.
Envouté par le son grave de sa voix et ses yeux brûlant d'envie, j'acquiesçai par un simple hochement de tête. Mes lèvres glissèrent sur son bas-ventre, ses poils chatouillant mon nez jusqu'à ce que j'atteigne enfin le trésor. Avec prudence, je sortis ma langue pour donner un premier coup subtil.
Roman ne m'avait jamais lâché des yeux, il avait suivi chaque mouvement, chaque intention. Pourtant, il ne m'intercepta pas, ne protesta pas et alors que je léchai son érection, il ne fit aucun mouvement. Se contenta de me regarder faire, les yeux brûlants. Sa bouche pincée retenait un gémissement ? Un grognement ? Je n'en savais rien, son silence me déstabilisait. Je n'aimais pas beaucoup ça. Alors j'osai davantage.
Je le pris en bouche délicatement, mes lèvres serrées autour de sa circonférence.
À ce moment-là, Roman réagit. Son buste se releva dans un tressautement et ses mains crispèrent sur moi.
— Putain, Jay... soupira-t-il.
Sa voix était brisée, chargée de remords. Je voulais entendre du désir, pas de la culpabilité ! Lâchant sa hampe, j'inspirai profondément, mon cerveau en ébullition. Je cherchais ce qu'il fallait dire, les mots qui le rassureraient.
— J'en ai envie, Roman, assurai-je. Tu ne me force à rien, tu ne m'influences pas parce que je le veux. Jamais je ne te reprocherai ce qui est en train de se passer. On ne fait rien de mal.
— Je sais, chuchota-t-il.
La tonalité qu'il utilisa me couvrit de frissons, elle était si pleine d'émotions, comme à vif. Une confidence, une promesse, une reddition. J'en tremblais de bonheur. Roman me caressa la joue de son pouce avec tendresse et... amour ?
Pouvait-on parler d'amour ? À partir de quel moment ce terme était-il adéquat ? Y avait-il un temps préalable nécessaire ? Ou au contraire pouvais-je croire que l'amour était tel qu'on le décrivait dans les livres ; imprévisible, sauvage, indomptable ?
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